Burlesque, mélancolique, décalé... Pierre Etaix était l'un des derniers poètes du cinéma français. Auteur d'une poignée de films au charme irrésistible, l'artiste est décédé le vendredi 14 octobre, à l'âge de 87 ans. Pierre Étaix est un réalisateur, scénariste, acteur, clown, dessinateur, affichiste, musicien, gagman et dramaturge français né le 23 novembre 1928 à Roanne (Loire) , mort le 14 octobre 2016 à Paris. C'est un artiste aux vastes et multiples talents qui a construit sa carrière essentiellement autour du comique, des arts du cirque et de l'univers circassien. Sa maîtrise du son et du comique dans chacun de ses films, où les gags évoluent sans cesse, font de Pierre Étaix l'unique représentant du slapstick en France, tout comme Jerry Lewis aux États-Unis. Né dans une famille bourgeoise, graphiste de formation, initié à l'art du vitrail par le maître Théo Hanssen, il s'établit à Paris où il vit d'illustrations tout en se produisant dans les cabarets et music-halls, tels Le Cheval d'Or, Les Trois Baudets, l'ABC et l'Alhambra, Bobino et l'Olympia, ainsi qu'au cirque avec le clown Nino. Il rencontre Jacques Tati en 1954 pour qui il travaille comme dessinateur et gagman à la préparation de son film "Mon oncle", dont il réalise l'affiche, puis comme assistant réalisateur sur le tournage en 1958. Il se produit avec son numéro de music-hall, en 1960, dans le spectacle de Jacques Tati : "Jour de fête" à l'Olympia. Pierre Étaix s'inscrit dans le prolongement des grands maîtres du slapstick (cinéma comique du temps du muet) tels Buster Keaton, Harold Lloyd, Harry Langdon, Max Linder, Charlie Chaplin et Laurel et Hardy qu'il admire sans limite et auxquels il a rendu graphiquement de nombreux hommages. Son apprentissage avec Jacques Tati de la construction comique, proprement cinématographique, le conduit assez naturellement à la réalisation de son premier court métrage "'Rupture", qu'il cosigne avec Jean-Claude Carrière. Au lendemain du tournage du film, Pierre Étaix présente à son producteur l'idée du son deuxième court métrage "Heureux anniversaire", également cosigné avec Jean-Claude Carrière. Le film obtient, entre autres, l'Oscar du meilleur court métrage de fiction(Oscars 1963). Il réalise son premier long métrage "Le soupirant" en 1963, puis "Yoyo" en 1964, où il rend un vibrant hommage au monde du cirque qui le fascine depuis toujours. Il réalise ensuite deux autres longs métrages "Tant qu'on a la santé" (1965), "Le Grand Amour (1968), tous co-écrits avec son ami, complice et partenaire Jean-Claude Carrière. Durant l'été 1969, il réalise "Pays de cocagne" en 16 mm, film pour lequel il est honni par la critique qui ne lui pardonne pas son triste constat de l'épanouissement de la société de consommation, au lendemain de mai 68, dans lequel il fait preuve d'une ironie qui ne lui est pas habituelle, perçue comme condescendante et un peu facile à l'égard des gens qu'il filme. Dès lors, il entame une longue traversée du désert cinématographique. Devant la raréfaction des artistes de cirque français, Pierre Étaix prend la décision de fonder l'École nationale de cirque en 1973, avec son épouse Annie Fratellini (qu'il a épousée en 1969), et se produit essentiellement en clown blanc avec elle, durant les tournées de leur propre cirque, après avoir longtemps joué l'Auguste. Les sujets de films qui lui tiennent à cœur, quatre scénarios qu'il a écrits entre 1974 et 1986 : B.A.B.E.L, Aimez-vous les uns les autres ?, Nom de Dieu et Fôst, ne verront pas le jour. Le projet du film B.A.B.E.L est refusé par un nombre impressionnant de producteurs sollicités. Son coût et la désaffection du public pour Jerry Lewis, très lié à Pierre Étaix pour qui il avait une grande admiration et qui devait tourner dans le film, sont les arguments invoqués. Malgré l'impossibilité de faire aboutir ces projets, il ne cesse de travailler.En 1985, il signe sa première pièce de théâtre "L'âge de monsieur est avancé", authentique hommage à Sacha Guitry et à l'art du théâtre. On lui refuse cependant la mise en scène, que l'on confie à Jean Poiret. Devant le succès de la pièce, on lui demande l'adaptation télévisuelle en 1987. Il réalise le film et interprète le rôle principal avec pour partenaires Nicole Calfan et Jean Carmet. L'année suivante il répond à une commande de La Sept pour une soirée thématique sur Georges Méliès et réalise le court métrage en images de synthèse "Méliès 88 : rêve d'artiste" interprété par Christophe Malavoy, ainsi que le feuilleton "Rapt" de la série télévisée "Souris noire" qui obtient le FIPA d'argent.En 1989, il se voit confier la réalisation du premier film de fiction en format omnimax, "J'écris dans l'espace", pour La Géode en 1989 ; commande qui lui est faite pour les célébrations du bicentenaire de la Révolution, autour d'un sujet imposé sur l'invention du télégraphe, dont il écrit le scénario avec Jean-Claude Carrière. Son intérêt pour le procédé - réservé jusque-là aux documentaires animaliers ou paysagers et à l'incontournable circuit des montagnes russes foraines - est motivé par cette nouvelle forme d'expression différent nettement du processus classique du cinéma, par le rapport qui est instauré entre le spectateur et l'image projetée. C'est avec ce dernier film que s'arrête la carrière cinématographique de Pierre Étaix. En octobre 2009, c'est la consécration, le Festival Lumière à Lyon, qui s'est donné pour objectif principal la restauration de films ainsi que leur projection le temps du festival dans tout le Grand Lyon, a reconnu les talents de Pierre Étaix en créant une rétrospective "Vive Pierre Étaix !". En janvier 2010, il remonte sur les planches, avec son nouveau spectacle de music-hall "Miousik Papillon", où, alliant musique et slapstick, il réapparaît sous les traits de "Yoyo", à Bordeaux d'abord, puis à Lausanne et en tournée en France. En juin 2011, la revue "GRUPPEN" consacre une trentaine de pages à la publication d'une exceptionnelle « Entrevue » au cours de laquelle Pierre Étaix revient sur son parcours de clown et de cinéaste, et révèle l'envie intacte qui est la sienne de poursuivre son œuvre. Le 16 novembre 2011, l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences lui rend hommage à Los Angeles, lors de la soirée "Pierre Étaix : The Laughter Returns". Le 29 janvier 2012, il reçoit, à l'issue du Slapstick Festival, le prix Aardman/Slapstick à Bristol, prix décerné chaque année pour « excellence exceptionnelle dans le domaine de la comédie visuelle ». En octobre 2012, il reçoit le prix Jean-Mitry au Festival de Pordenone (Italie) et présente en novembre à New York la ressortie de l'intégrale de ses films au Film Forum qui reçoit un véritable succès auprès de la presse et du public. Ses films ressortent en salles aux États-Unis et au Canada et sont diffusés sur la chaîne « Movie Classic ». C'est la société américaine "The Criterion Collection" qui prend en charge la distribution de ses films en coffret DVD et Blu-ray pour les États-Unis ; elle prévoit de sortir un coffret de huit films (cinq longs métrages et trois courts métrage) en avril 2013. Depuis la fin novembre 2012, il revient en piste sous le chapiteau du cirque Joseph Bouglione à Chatou, sous les traits de son personnage légendaire de Yoyo, pour faire-valoir Pieric, son ancien élève de l'école. En janvier 2013, Pierre Étaix est promu au grade de commandeur de l'ordre des Arts et Lettres, qu'il refuse et en juin, il reçoit le Grand Prix de la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) qui le récompense pour l'ensemble de sa carrière. Fin septembre 2014, il remonte sur les planches pour un spectacle unique au théâtre Berthelot de Montreuil, aux côtés de Michel Fau, Nicole Calfan, le magicien Pierre Switon, les clowns Housch-Ma-Housch et Pieric. Il reçoit en mars 2015 un trophée d'honneur pour l'ensemble de sa carrière lors de la cérémonie du 10e anniversaire des Prix Henri-Langlois et Rencontres Internationales du Cinéma de Patrimoine. Son parcours est retracé sous forme d'abécédaire dans « C'est ça, Pierre Étaix » (Séguier / Arte), coécrit par sa seconde épouse Odile et son fils, Marc Étaix .Il meurt le 14 octobre 2016 à Paris à l'âge de 87 ans des suites d'une infection intestinale. Les obsèques de Pierre Étaix ont eu lieu le 19 octobre 2016 en l'église Saint-Roch de Paris en présence notamment de Costa-Gavras, Jean-Paul Rappeneau, Mathilda May,Zinedine Soualem, Nicole Calfan, Christophe Malavoy, Hervé Vilard, Bernard Bilis, Gérard Majax, Jean-Claude Carrière et Serge Toubiana