Les Bleus sont les rois du suspense: cinq jours après avoir dominé in extremis la Roumanie, l'équipe de France a encore eu toutes les peines du monde à se défaire de l'Albanie (2-0), mercredi à Marseille, mais a finalement arraché sa qualification pour les 8e de finale sur deux buts inscrits en toute fin de rencontre par Antoine Griezmann et Dimitri Payet. Les Bleus aiment donner des sueurs froides à leurs supporters. Sauvés vendredi des griffes de la Roumanie lors du match d'ouverture par un exploit de Payet (2-1), ils pensaient avoir fait le plus dur et s'être libérés pour la suite de la compétition. Terrible méprise: ils ont de nouveau souffert le martyre contre l'Albanie, pourtant considéré comme l'adversaire le plus aisé de la poule, avant de trouver la parade grâce à «Grizi» (90e) puis son homme providentiel réunionnais (90e+5). L'essentiel est sauf avec un billet décroché pour le prochain tour et une finale à jouer pour le gain de la première place de la poule, dimanche face à la Suisse. Un point suffira pour boucler le groupe A en tête et se dégager ainsi une voie royale pour la suite de la compétition. Cruel pour Martial Mais que ce fut dur et pénible. Didier Deschamps devra encore méditer sur la prestation de ses troupes, qui les ramène à leurs faiblesses du moment et jette un voile sur leur avenir à long terme dans le tournoi. Après des rencontres amicales de préparation en trompe-l'oeil, le pays-hôte commence à payer au prix fort ses trop nombreuses indisponibilités (Benzema, Sakho, Varane, Mathieu, Diarra), qui ont considérablement réduit son potentiel. S'il ne parvient pas à monter en puissance rapidement, il risque de connaître une terrible désillusion. La France ne pourra pas toujours attendre les dernières minutes pour faire la différence et son état d'esprit, son coeur et sa volonté, qui lui ont permis de disposer de ses deux premiers opposants, ne suffiront plus face à des nations plus huppées que la Roumanie et l'Albanie. Il faudra peut-être aussi un Didier Deschamps plus clairvoyant. Le sélectionneur a eu tout faux en se passant au coup d'envoi des services de ses deux stars Paul Pogba et Antoine Griezmann, très décevants face à la Roumanie, et en abandonnant son sacro-saint système en 4-3-3 pour un 4-2-3-1 avec Payet en position de meneur de jeu. Des modifications qui ont totalement déséquilibré son équipe avant une rectification bienvenue à la pause. Le choix de titulariser Anthony Martial a été totalement contre-productif et l'attaquant de 20 ans, acheté 80 millions d'euros par Manchester United, a erré comme un enfant perdu, touchant du doigt ce qu'était le plus haut niveau international. Cruelle découverte. Force de caractère La prestation de l'autre petit nouveau, Kingsley Coman, a été plus intéressante mais tout aussi stérile. Deschamps a toutefois très vite changé son fusil d'épaule en sortant le Mancunien à la pause, en incorporant Pogba et en revenant à sa tactique préférentielle. Ce qui a changé le cours de la rencontre. Le milieu de la Juventus Turin, attendu comme l'une des grandes vedettes de l'Euro, avait fortement agacé le technicien français par sa propension à se compliquer la vie par des gestes techniques superflus. Il a failli se faire pardonner d'emblée sur une reprise (54e) mais l'heure du rachat n'a pas encore sonné et celui qui annonce vouloir devenir «une légende» devra montrer un tout autre visage dans les jours qui viennent. La rentrée de Griezmann (68e) a elle totalement reboosté l'attaque et le joueur de l'Atletico Madrid, apparu émoussé face aux Roumains, a libéré les siens en ouvrant la marque. Son Euro est enfin lancé alors que Payet, qui a doublé la mise, est bel et bien le grand bonhomme de ce début de compétition côté français. Décidément l'Albanie cause bien des tracas aux Français. Tenus en échec en 2014 (1-1), battus en 2015 (1-0), ils ont failli de nouveau se casser les dents sur l'organisation bâtie par l'Italien Giovanni De Biasi. Ils ont même connu une énorme frayeur sur un renvoi de Bacary Sagna sur ses propres montants (52e). Mais c'était sans compter sur la force de caractère des Bleus. A l'heure actuelle, c'est bien la seule qualité sur laquelle peut se reposer Deschamps.