Largement tirée par les grandes métropoles mondiales, la croissance de la consommation des ménages sera toujours soutenue. C'est ce que prévoit McKinsey Global Institute dans son nouveau rapport : « Urban World: The global consumers to watch ». Mais la transition et le vieillissement démographiques vont peser : la croissance sera moins homogène, elle sera concentrée autour de quelques catégories de consommateurs dont le pouvoir d'achat progressera. Le profil de la demande aussi évoluera, avec un accroissement de la part des services par rapport aux biens. Les entreprises marocaines devront prendre en compte ces tendances pour saisir les opportunités de croissance qui s'offrent à elles. Au niveau mondial, dans les quinze ans à venir, les dépenses de consommation des ménages progresseront d'environ 20 000 milliards d'euros et 91 % de cette croissance sera issue des grandes zones urbaines, surtout chinoises et nord-américaines. Cette création de richesse restera géographiquement très concentrée. A elles seules, 32 métropoles mondiales vont générer le quart de la croissance de la consommation urbaine entre 2015 et 2030. Dans le « top 20 » des zones urbaines les plus dynamiques, il y aura 7 métropoles des Etats-Unis, 6 métropoles chinoises et une seule européenne – Londres. Parmi le « top 600 » des villes les plus importantes en termes de consommation des ménages, on retrouvera 43 villes d'Afrique et du Moyen-Orient, parmi lesquelles Casablanca et Rabat. Le cabinet d'intelligence économique US fait savoir, en outre, que la démographie jouera également un rôle essentiel. Deux tendances, en particulier, vont profondément influencer l'évolution de la consommation : ralentissement de la croissance démographique et vieillissement de la population. L'augmentation de la population a longtemps joué un rôle prépondérant dans la croissance des dépenses de consommation : ainsi, entre 1970 et 2000, elle expliquait plus de la moitié du surcroît de consommation des ménages au niveau mondial. Mais cette proportion va tomber à 25 % entre 2015 et 2030, et c'est désormais l'augmentation du pouvoir d'achat des consommateurs qui sera le principal moteur de la croissance, affirme le document. « Lorsqu'on passe d'une croissance de la consommation tirée surtout par le nombre de consommateurs à une croissance tirée surtout par leur pouvoir d'achat, cela entraîne des changements dans le « panier » des consommateurs, c'est-à-dire le type de biens et services qu'ils achètent. Avec l'élévation progressive du niveau de vie, la demande se porte d'abord sur les biens de consommation courante, notamment l'alimentation ou l'habillement, puis sur les biens d'équipement, et enfin sur les services comme les loisirs. De ce point de vue, le Maroc est pleinement engagé dans cette transition, au même titre que d'autres économies émergentes. Si l'alimentaire demeure le premier poste de dépenses des ménages, d'autres postes ont pris une importance significative comme les dépenses de logement, d'équipement, de santé ou de loisirs. A titre d'exemple, En Europe, premier partenaire commercial du Maroc, les services représentent en moyenne 25 % des dépenses des ménages, contre 12 % au Maroc», estime Adam Kendall, Directeur Associé et Gérant de McKinsey au bureau de Casablanca. Le nouveau profil type de consommateur En parallèle, le vieillissement de la population va se traduire, dans certaines régions du monde, par un dynamisme démographique réduit et, là encore, des mutations de la demande. Ainsi, la population va décliner dans 6 % des grandes métropoles mondiales d'ici 2030, principalement en Europe de l'Ouest (par exemple à Lisbonne, Madrid ou Dublin) et au Japon. Par conséquent, la croissance des dépenses de consommation des ménages sera de plus en plus fragmentée, c'est-à-dire engendrée par certaines catégories spécifiques de consommateurs. Il s'agit principalement des seniors (+ 60 ans) des pays matures, des actifs chinois et des actifs nord-américains. « Ces catégories de consommateurs peuvent avoir des demandes très spécifiques, note Adam Kendall. Par exemple, chez les seniors des économies matures, les dépenses de santé vont fortement progresser, ainsi que les dépenses dans les services en général. Cela peut être une opportunité pour le tourisme marocain par exemple, à condition d'adapter les infrastructures d'accueil. Il y a également une réflexion à avoir sur le « tourisme médical », dans un contexte où les dépenses de santé sont moins généreusement prises en charge par les systèmes européens de sécurité sociale ». En définitive, le rapport invite les entreprises à se préparer à la fragmentation et à la sophistication croissante de la demande des consommateurs.« Le consommateur global n'a jamais existé. Mais jusqu'à présent, on pouvait associer quelques grands types de consommateurs à chaque région du monde. Ce rapport montre qu'il faut désormais une approche plus fine de ces marchés, qui croise les critères géographiques et sociodémographiques : par exemple, les seniors européens n'auront ni le même type de consommation, ni le même pouvoir d'achat, que des jeunes actifs européens. Cette fragmentation sera un défi pour les entreprises marocaines, dont l'essentiel des débouchés à l'export restent en Europe, où les seniors porteront l'essentiel d'une dynamique dans l'ensemble relativement atone. En Afrique, marché émergent pour les entreprises marocaines, la progression du nombre et du niveau de vie des actifs urbains sera le principal moteur de la consommation, avec une demande orientée cette fois, vers les biens de consommation courante. Il reste des opportunités de croissance partout, mais elles doivent être ciblées davantage. Les entreprises qui réussiront le mieux dans ce nouveau contexte, seront celles qui auront une compréhension fine de l'ensemble des moteurs clés de la consommation - comme le revenu, l'âge, le niveau d'éducation, le mix ethnique ou le timing de décisions-clés comme le mariage, l'achat d'un logement ou l'âge au premier enfant par exemple - et qui auront la capacité d'y adapter leur offre et leur empreinte», affirme Adam Kendall .