L'Autriche se dirige vers un durcissement de sa politique migratoire. Les travaux de construction d'une barrière au col du Brenner ont déjà été lancés. Ce poste-frontière va être aménagé pour filtrer les passages en provenance d'Italie. Colère à Rome, qui pense que Vienne est en train de gaspiller son argent avec ses préparatifs de dispositif anti-migrants à la frontière entre les deux pays, assurant que les contrôles ne seraient pas nécessaires. «Il n'y a pas besoin d'ériger une barrière au Brenner», un des axes principaux de transit entre l'Italie et le nord de l'Europe dans les Alpes, a répété le ministre italien de l'Intérieur, Angelino Alfano, après avoir reçu à Rome son homologue autrichien, Wolfgang Sobotka. Et alors que l'Autriche a commencé à mettre en place son dispositif, le ministre italien a insisté devant la presse : «Nous ferons en sorte de démontrer que ces travaux préparatoires sont un gaspillage d'argent». Dans le même temps, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, en visite en Autriche, s'est dit préoccupé par «la montée de la xénophobie» et le durcissement envers les migrants : «La fermeture des frontières, l'érection de murs n'est pas la bonne réponse». Et le pape François, saluant mercredi Mgr Ivo Muser, évêque de Bolzano, du côté italien de la frontière, lui a parlé de «l'urgence d'aider les personnes en fuite», selon le récit de l'évêque jeudi. «Il n'y aura pas de mur, il n'y aura pas de barrière», a martelé M. Sobotka lors d'une conférence de presse distincte après l'entretien à Rome. Mais «vu qu'il n'y a pas de plan européen, nous devons nous préparer à prendre des mesures» en cas de nouvelle vague migratoire exceptionnelle. «Si nécessaire, et seulement si nécessaire, nous ferons des contrôles qui ne feront que ralentir le trafic routier et ferroviaire, comme on le voit déjà à la frontière austro-hongroise», a-t-il ajouté. Quelque 2.500 camions et 15.000 voitures transitent en moyenne chaque jour par le tunnel du Brenner, axe économique crucial pour l'Italie et ses entreprises exportant vers le nord de l'Europe. Le tunnel est aussi emprunté par les centaines de milliers de touristes allemands et d'Europe du nord qui se rendent chaque été en Italie. «L'hypothèse d'une fermeture du Brenner est outrageusement contre les règles européennes, contre l'Histoire, la logique et l'avenir», s'était insurgé mercredi soir le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi. Après leur rencontre, les deux ministres ont adopté un ton plus conciliant, expliquant s'être accordés en particulier sur la nécessité d'une réponse européenne à la crise. L'Autriche a apporté son soutien à la proposition italienne de «migration compact» européen, qui met l'accent sur l'aide aux pays d'origine et la coopération avec les pays de transit, ainsi qu'à un accord avec la Libye sur le modèle de celui conclu avec la Turquie. Le sujet devrait d'ailleurs être abordé lors d'une visite à Rome le 5 mai du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avec celui du Conseil européen Donald Tusk et du Parlement européen Martin Schultz Alfano a aussi réaffirmé l'ambition italienne de créer des «hotspots flottants», afin d'identifier les migrants sur les bateaux de secours et de faire le tri au plus vite entre les demandeurs d'asile et les migrants économiques. Il s'est aussi engagé à mobiliser plus de policiers et de carabiniers sur l'autoroute et les lignes ferroviaires menant au Brenner Située au croisement des deux principales routes migratoires en Europe - via les Balkans et via l'Italie - l'Autriche a vu transiter plusieurs centaines de milliers de réfugiés en 2015 et en a accueilli 90.000, soit plus du 1% de sa population. Pour 2016, Vienne s'est fixé un plafond de 37.500 demandeurs d'asile, et en a déjà enregistré près de la moitié. Mais «le transit des migrants de l'Italie vers l'Autriche est à un minimum historique depuis les débuts de Schengen. Il y a même plus de migrants qui viennent d'Autriche vers l'Italie», a assuré Alfano Le durcissement des mesures d'identification à l'arrivée en Italie bloque la quasi-totalité des nouveaux arrivés dans péninsule. Et il y a très peu d'Erythréens - de loin les plus nombreux à continuer vers le Nord - parmi les quelque 27.000 migrants débarqués en Italie depuis le début de l'année.