La levée des sanctions économiques contre l'Iran vient de faire l'objet d'une étude de la Banque mondiale, réalisée par Elena Ianchovichina, Shantayanan Devarajan et Csilla Lakatos, économistes au département MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord), intitulée « levée des sanctions économiques contre l'Iran : Conséquences mondiales et réponses stratégiques », dans laquelle ils quantifient, à l'aide d'un modèle mondial d'équilibre général, les effets de la levée des sanctions économiques imposées à l'Iran, en présence et en l'absence de certaines interventions stratégiques. Ses conclusions indiquent que c'est l'Iran qui en profitera le plus, avec un gain de bien-être par habitant allant de près de 3 %, en supposant que les exportations iraniennes de pétrole brut vers l'Union européenne (UE) retrouvent un niveau équivalent à la moitié de leurs volumes d'avant l'embargo, à 6,5 % dans le meilleur scénario, à savoir une situation où cette reprise serait totale, où l'Iran entreprendrait des réformes qui assurent une forte réaction au niveau de l'offre et où ses exportations bénéficieraient d'un accès accru aux marchés des pays développés. Ses gains devraient aussi s'approcher de la limite supérieure si les pays exportateurs de pétrole du Conseil de coopération du Golfe limitent leurs exportations de pétrole brut afin de soutenir les cours du pétrole. Sinon, les prix pétroliers reculeront de 13 % (dans l'hypothèse d'une récupération totale des exportations iraniennes vers l'UE), ce qui aura pour effet de bénéficier aux importateurs nets de pétrole et de nuire aux exportateurs nets. Résumé et conclusions Les auteurs utilisent un modèle mondial d'équilibre général afin de quantifier les effets de la levée des sanctions économiques imposées à l'Iran et l'impact des éventuelles interventions stratégiques menées face à cette nouvelle donne commerciale. Notre analyse met en évidence les pays ou groupes de pays ayant un rôle important dans les négociations nucléaires ou influant sur leur issue ainsi que les principaux pays ou groupes de pays exportateurs de pétrole. Ils envisagent schématiquement la suppression des sanctions économiques contre l'Iran en en retenant trois éléments qui auront probablement des effets à brève ou moyenne échéance : i) la levée de l'embargo de l'Union européenne (UE) sur le pétrole iranien ; ii) la baisse du coût des échanges commerciaux de l'Iran ; et iii) la libéralisation des importations transfrontalières de services financiers et de transport. La simulation de ces auteurs simulation indique que c'est l'économie iranienne qui profitera le plus de la levée des sanctions économiques contre l'Iran. Le bien-être par habitant devrait progresser de 3,7 % en raison principalement de la levée de l'embargo pétrolier imposé par l'UE et de la libéralisation des échanges transfrontaliers de services financiers et de transport. Les pays importateurs nets de pétrole en bénéficieront aussi, contrairement aux exportateurs nets, puisque le rétablissement des exportations pétrolières iraniennes vers l'UE entraînera une hausse du nombre de barils mis sur le marché mondial qui devrait conduire à un recul d'environ 13 % des cours mondiaux de l'or noir. Selon ces auteurs, le deuxième principal bénéficiaire de la levée des sanctions économiques contre l'Iran est, en valeur relative, Israël, qui devrait voir son bien-être par habitant gagner près de 0,5 %, alors que l'UE et les États-Unis voient leur bien-être par habitant augmenter de 0,5 % et 0,3 % respectivement. Ce sont les pays de l'OPEP qui enregistrent les pertes les plus fortes et, parmi eux, en particulier les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), dont le bien-être par habitant devrait décliner de 3,9 %. La baisse du bien-être par habitant pour les autres pays membres de l'OPEP et pour la Russie devait s'établir à -2,8 % et -1,6 % respectivement. Globalement, les effets bénéfiques de la suppression des sanctions s'exercent à l'échelle mondiale essentiellement à travers la levée de l'embargo pétrolier de l'UE, dans la mesure où l'Iran ne représente qu'une part négligeable des échanges internationaux hors pétrole. Les pertes des pays exportateurs nets de pétrole découlent principalement de la détérioration des termes de l'échange. Alors qu'un grand nombre de ces pays subventionnent les produits pétroliers, la baisse des cours du pétrole est à l'origine de gains d'efficacité qui compensent en partie les pertes mais ne permettent pas d'inverser la tendance. En revanche, les pays importateurs de pétrole devraient bénéficier de la levée des sanctions économiques contre l'Iran, principalement en raison de l'amélioration des termes de l'échange, mais aussi parce qu'un pétrole meilleur marché favorise l'expansion de la production pétrochimique et, sachant que la plupart de ces pays taxent la consommation de pétrole, l'interaction des distorsions existantes et des changements structurels conduit à des gains d'efficacité.. Si les principaux pays membres de l'OPEP limitent la quantité de pétrole produite et exportée afin de soutenir les cours pétroliers, ils contribueront à accroître les gains de l'Iran, à atténuer les pertes des pays exportateurs de pétrole et à réduire les gains des pays importateurs. Globalement, le bien-être mondial serait perdant car la réduction des pertes des premiers ne suffirait pas à compenser la réduction des gains des seconds. En adoptant des réformes qui renforcent la réaction de l'offre, l'Iran pourrait considérablement accroître les gains de bien-être associés à la nouvelle donne commerciale. Cette hausse se chiffrerait à 0,4 point de pourcentage supplémentaire par rapport au scénario de référence si l'Iran procédait à une réduction unilatérale des droits sur les importations de biens d'équipement, et à 1,5 point de pourcentage supplémentaire si le pays entreprenait des réformes en faveur de la reprise du secteur automobile (tableau 10). Par ailleurs, on observe qu'une amélioration de l'accès au marché pétrolier profiterait non seulement à l'Iran (qui en tirerait 1 point de pourcentage supplémentaire en termes de bien-être par habitant) mais aussi aux pays ouvrant leurs marchés, même si leurs gains à cet égard sont relativement faibles. Des incertitudes pèsent indubitablement sur les gains de bien-être associés au changement de régime commercial examiné dans le présent document, qui se reflètent dans la fourchette de scénarios envisagés. Notre simulation indique que les gains de bien-être en Iran varieraient entre un peu moins de 3 %, si les exportations iraniennes de pétrole brut vers l'UE retrouvaient un niveau équivalent à la moitié de leurs volumes d'avant l'embargo, à 6,5 % dans le scénario suivant : le rétablissement total des exportations de pétrole iraniennes, l'Iran mettant en place des réformes qui améliorent la compétitivité de son économie et renforcent la réaction de l'offre, et les partenaires occidentaux de l'Iran ouvrant leurs marchés aux exportations iraniennes. Ses gains pourraient également atteindre 6,5 % si les pays exportateurs de pétrole du CCG limitaient leur production et leurs exportations afin de soutenir les cours du pétrole.