Le système éducatif, qui est censé être un pilier de la croissance économique et sociale, fait partie des secteurs les plus défaillants au Maroc. Depuis l'indépendance, il a fait l'objet d'une multitude de réformes (de l'arabisation jusqu'au plan d'urgence 2012) mobilisant de grosses sommes d'argent. Résultat : de nombreux dysfonctionnements touchent ce secteur à tous les niveaux. Il est à rappeler que le Maroc est placé parmi les 21 pires systèmes éducatifs à l'échelle internationale. Ce fait a été confirmé par le ministre de l'Education nationale et de la formation professionnelle, lors d'un forum international du dialogue politique organisé en décembre 2014. Le dernier projet, mis en place par le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) et appelé « La vision 2015-2030 », a pour objectif de créer « une école nouvelle portée par trois grands fondements : l'équité et l'égalité des chances, la qualité pour tous, et la promotion de l'individu et la société ». Il s'agit d'instaurer l'obligation de l'enseignement préscolaire et prévoir son intégration progressive dans l'enseignement primaire, garantir le droit à l'éducation et à la formation aux personnes aux besoins spécifiques, généraliser un enseignement inclusif et solidaire pour tous les enfants marocains, sans aucune discrimination... Paradoxalement, le gouvernement marocain fait tout pour laisser mourir à petit feu les établissements publics et encourage fortement (en l'occurrence, l'annulation de l'intégration directe dans la fonction publique après la formation dans les Centres Régionaux des Métiers de l'Education et de la Formation) le développement du secteur éducatif privé. En effet, « depuis quinze ans, les gouvernements successifs au Maroc encouragent le développement du secteur éducatif privé. Aujourd'hui, la part d'élèves dans le privé au primaire est passée de 4 % en 1999 à 15 % en 2015 et les autorités elles-mêmes n'ont de cesse de véhiculer l'idée que l'enseignement privé est meilleur que l'enseignement public, ce qui n'est pas vrai », explique Sylvain Aubry, du centre de recherche Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights, spécialisé dans la lutte contre les inégalités dans l'accès à l'éducation. A cet effet, l'ONU a demandé au gouvernement marocain de « donner des renseignements sur les mesures prises pour améliorer la qualité de l'enseignement public ». N'ayant pas de réponses appropriées à cette question, l'ONU « a exprimé ses inquiétudes quant au transfert des enseignants du public vers le privé », explique un communiqué de l'ONG Global Initiative. Pour le comité des droits économiques, sociaux et culturels (CDESC) de l'ONU, la croissance insouciante de l'enseignement privé au Maroc est inquiétante dans la mesure où cela déroge au principe de l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous et risque ainsi d'accentuer la déperdition scolaire et les inégalités dans l'accès à l'éducation. A ce propos, on peut citer l'expérience chilienne qui a fini par aboutir à l'un des systèmes éducatifs les plus inégalitaires au monde en raison de la prolifération anarchique des établissements éducatifs privés. En ce sens, on peut également se référer à un rapport établi par un collectif composé d'associations marocaines et internationales se constituant de la Coalition marocaine pour l'éducation pour tous, la fédération nationale des associations de parents d'élèves au Maroc, la « Global Initiative for economic, social and cultural rights », le mouvement Anfass démocratiques, Bayti, l'Union des étudiants pour le changement du système éducatif, Zaynoo ainsi qu'ATTAC/CADTM Maroc. Ce rapport dénonce la fermeture de 191 écoles primaires et secondaires entre 2008 et 2013 et rappelle les discriminations qui peuvent être générées à cause de la privatisation abusée de l'enseignement. Ainsi, au lieu de prendre exemple sur des pays dont le système est nettement catastrophique, il faut installer un plan ambitieux pour un enseignement public puissant en revisitant la qualité, le contenu des programmes, les conditions des enseignants,...