Des représentants du gouvernement et des rebelles du Yémen se réunissent mardi sous l'égide de l'ONU en Suisse pour des pourparlers, susceptibles d'être précédés par un cessez-le-feu, afin d'arrêter un conflit qui profite aux jihadistes. A l'approche des discussions, les combats se sont toutefois intensifiés sur le terrain faisant au moins 44 morts dont 12 civils. Plus d'un an après l'entrée des rebelles chiites Houthis pro-iraniens dans la capitale Sanaa, il n'y a ni vainqueur, ni vaincu dans la guerre au Yémen. Les monarchies du Golfe qui sont intervenues militairement en mars peinent à s'extirper d'un bourbier exploité de plus en plus par des groupes radicaux, estiment des experts. Avant le nouveau round de discussions en Suisse, les protagonistes pourraient observer un cessez-le-feu qui, selon le gouvernement internationalement reconnu, serait d'une durée de sept jours, éventuellement renouvelable, s'il était respecté par les rebelles. Une trêve est plus qu'espérée dans ce pays pauvre où 80% des 26 millions d'habitants sont durement affectés par le conflit qui a fait quelque 6.000 morts et 28.000 blessés, dont de nombreux civils, selon l'ONU. Le conflit oppose les forces loyales au chef de l'État Abd Rabbo Mansour Hadi, soutenues par une coalition arabo-sunnite sous commandement saoudien, à des rebelles Houthis, alliés à de puissantes unités militaires restées fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh. Les Houthis, issus de la minorité zaïdite (branche du chiisme), se sont emparés depuis juillet 2014 de larges pans du Yémen, dont Sanaa et des provinces du nord-ouest, de l'ouest et du centre qu'ils contrôlent toujours. Les forces antirebelles ont reconquis l'été dernier cinq provinces du sud et Aden, deuxième grande ville du pays. Cette cité portuaire a été déclarée capitale «provisoire» du Yémen par le président Hadi qui s'y est installé depuis la mi-novembre à son retour d'Arabie saoudite où il s'était exilé fin mars. Echec de précédentes réunions Deux précédentes tentatives de l'ONU de réunir les protagonistes avaient échoué ces derniers mois. Mais la poursuite de la guerre, sans percée de part et d'autre, comme en témoigne la longue bataille de Taëz (sud-ouest), troisième ville du pays, et la montée du jihadisme avec deux attentats majeurs à Aden en octobre et en décembre semblent avoir convaincu les protagonistes de reprendre le dialogue. Ce dialogue est destiné à favoriser «un cessez-le-feu permanent et total, une amélioration de la situation humanitaire et un retour à une transition politique pacifique et ordonnée», a détaillé le médiateur de l'ONU Ismaïl Ould Cheikh Ahmed. «Il y a une vraie chance de percée», a estimé l'analyste émirati Abdelkhaleq Abdulla qui s'attend à «des concessions de part et d'autre». De leur côté, «les pays arabes du Golfe sont désormais convaincus qu'il est temps de donner une plus grande chance à un règlement politique», a ajouté ce spécialiste. L'option politique a été soulignée jeudi à Ryad par le sommet annuel des monarchies du Golfe, dont l'engagement militaire au Yémen pèse sur leurs budgets. Daech, ennemi commun Les protagonistes ont accepté de s'asseoir à la même table, malgré une méfiance mutuelle au sujet notamment de la résolution 2216 du Conseil de sécurité de l'ONU ordonnant le retrait des rebelles des territoires conquis et la restitution des armes lourdes. L'analyste Abdelwahab Badrakhan, basé à Londres, juge «difficile de voir les Houthis appliquer cette résolution qui signifierait qu'ils reconnaissent leur défaite». Selon lui, le sultanat d'Oman, qui entretient de bonnes relations avec l'Iran et l'Arabie saoudite, «a réussi à les convaincre d'arrêter la guerre» par procuration que ces deux puissances rivales se livrent au Yémen et ailleurs au Moyen-Orient. «Alarmé par le danger jihadiste qui grandit dans les régions sous son contrôle après les attentats d'Aden», revendiqués par le groupe Etat islamique (EI), «le gouvernement a été amené à assouplir sa position», a estimé M. Badrakhan. L'EI, ainsi qu'Al-Qaïda, déjà bien implanté dans le sud du Yémen, «sont un ennemi commun qui exerce des pressions sur les protagonistes du conflit yéménite mais aussi sur les pays du Golfe», a renchéri l'analyste émirati. «Personne ne veut voir Daech (acronyme arabe de l'EI) s'installer au Yémen et créer une base aussi dangereuse que celle établie en Syrie», a-t-il conclu.