"Lire, c'est boire et manger. L'esprit qui ne lit pas maigrit, comme le corps qui ne mange pas", avait dit Victor Hugo. Pourtant, la culture de la lecture traverse, depuis quelque temps, une période de déclin que le monde entier traverse. Deux minutes par jour est le temps que consacre le Marocain à la lecture, selon la dernière enquête réalisée par le Haut Commissariat au Plan. Un constat alarmant, qui remet en question le futur du niveau culturel de l'individu et, par conséquent, le développement futur du pays. Toutefois, cette rupture, qui date de longtemps, est issue de plusieurs facteurs socio-économiques et culturels. Certains accusent le système éducatif. « Avec 30 heures d'enseignement hebdomadaires, sans oublier que l'enfant, une fois à la maison, a des devoirs à faire, c'est clair que l'élève a peu de temps pour lire. Pire, il commence à développer une certaine intolérance à l'égard d'une activité qui joue un rôle primordial dans sa progression instructive », dit Y. G, professeur d'enseignement primaire. D'autres soulignent le rôle de la famille. « A mon avis, le goût de la lecture se développe dès le plus jeune âge. Quand les enfants sont impliqués dans cette activité par leurs parents, ils se familiarisent avec la lecture et, en grandissant, ça devient une habitude.» Il en est encore pour avancer que la situation financière est déterminante à ce sujet. C'est le cas pour M. Safae. « Je préfère utiliser l'internet comme outils de distractions et aussi pour se documenter. C'est moins cher, si on le compare avec le prix d'un livre, surtout pour un diplômé sans travail.» Parfois, c'est la tyrannie de programmes quotidiens surchargés dans le monde où nous vivons. « Je passe la journée au travail et quand je rentre chez moi, j'ai d'autres priorités, donc, je préfère regarder la télévision au lieu de lire. La lecture demande plus d'attention et pendant le seul moment où je peux me permettre de lire, je suis déjà trop fatigué», affirme Simo, un fonctionnaire de 30 ans. Malheureusement, une grande majorité de personnes perçoivent la lecture comme étant plus une corvée qu'un plaisir. Du coup, une fois qu'ils quittent les bancs de l'école, ils se détachent presque totalement de l'univers livresque. La preuve, c'est le bouquiniste Mohammed qui nous la confie, après 40 ans de carrière : « Jadis les gens venaient nombreux. Aujourd'hui, le nombre des passionnés a diminué. La majorité de notre clientèle vient à la recherche des manuels scolaires seulement». Semblablement au corps humain qui nécessite une activité physique pour le maintenir en bonne santé, le cerveau a aussi besoin d'entraînement pour rester robuste et c'est grâce à la lecture que ça se passe. D'ailleurs, c'est prouvé que lire régulièrement réduit la possibilité d'être touché par la maladie d'Alzheimer. En plus, lire diminue le stress du quotidien, un roman est la clé magique vers une autre dimension où notre monde se dissolvait, laissant place à un autre univers. Et sans chercher à enfoncer une porte ouverte, plus on lit, plus on a un vocabulaire riche et diversifié qu'on emploie dans notre communication au quotidien, une évidence que nul n'est sensé ignorer. À cet égard, plusieurs initiatives ont été prises au Maroc, comme le Salon du Livre, organisé par le ministère de la Culture, un rendez-vous annuel très prisé des passionnés de la lecture. On trouve également le groupe Facebook intitulé «la lecture pour tous », lancé en 2013, qui a pour but de promouvoir la culture du livre partout dans le pays. Nonobstant le fait de dire que l'actuelle génération lit moins que les générations passées n'avance à rien, ceux qui accusent les nouvelles technologies d'avoir éclipsé le livre n'ont ni tout à fait raison ni tout à fait tort. En fait, c'est le concept même de la lecture qui a changé, ce qui représente bien plus que le seul passage de la lecture sur support papier à l'écran. D'ailleurs, la lecture se manifeste avec force, que ça soit sur les smartphones, ordinateurs...etc. En revanche, l'acte de lire a perdu la sacralité que lui procurait l'exclusivité temporelle qu'auparavant on lui consacrait. La lecture s'est fondue dans le maelstrom d'un ensemble d'actions qui se déroulent presque simultanément, du moins de manière alternative et séquentielle. Pendant qu'on lit, on prend de temps en temps la liberté de « communiquer brièvement », pour ne pas dire plus vulgairement chatter, bref, on se livre à des activités diversifiées parallèlement à la lecture... Fouiller sur Facebook, surfer sur les moteurs de recherche comme Google n'est-il pas de la lecture ? Sommes-nous devant la naissance d'une nouvelle tendance de lecture et si ce n'est pas le cas, pourquoi les medias classiques se lancent dans le web ? (Journaliste stagiaire)