Triste nouvelle est celle de la disparition du nouvelliste et critique de cinéma Mustapha Mesnaoui, à l'âge de 62 ans, survenue au matin du mardi 17 novembre 2015 au Caire, où il participait à la 37ème édition du festival international du cinéma du Caire. Retour sur un long parcours critique. Critique de cinéma et nouvelliste, Mustapha Mesnaoui est né en décembre 1953 à Casablanca, dans une famille nombreuse issue d'El Jadida (8 frères et sœurs) où le père exerçait le métier de commerçant. Il est le cousin du comédien et secrétaire général de l'I.S.M.A.C. (Institut Supérieur des Métiers de l'Audiovisuel et du Cinéma) Abdou Nsib Mesnaoui. Il passait sa prime jeunesse dans cette ville avant de poursuivre ses études à Casablanca couronnées d'un baccalauréat en Sciences expérimentales en 1971. Il rejoint ensuite la faculté des lettres de Rabat. Cependant, poursuivi puis incarcéré pour activisme politique, car membre de l'U.N.F.P. , il passa deux ans et demi de prison (1974-1976) avant d'être relâché. Emprisonné, il devait arrêter ses études. C'est ainsi qu'il devient enseignant en philosophie au lycée Ibn Zaidoun à Casablanca jusqu'en 1984. Obtenant une licence en philosophie, il poursuivit ses études couronnées par un D.E.A (Diplôme d'Etudes Approfondies) qu'il prépara sur la philosophie arabe. Sitôt, il intègre la faculté des lettres et sciences humaines de Ben Msik à Casablanca en tant qu'enseignant. Il participa ainsi, sous la direction du doyen Hassan Smili, à la création de la branche audiovisuelle au sein de la faculté dont il deviendra plus tard le chef du département audiovisuel. Il est le principal instigateur de l'obtention de la licence professionnelle en audiovisuel. Nombreux de ses étudiants exercent actuellement dans le secteur. Pour Mustapha Mesnaoui, l'amour du cinéma naquit quand il rejoignit Rabat en 1971 où il adhéra au ciné-club du cinéma "Al Hamra" au quartier populaire "Akkari". Là, il fut fasciné par les discours sur le cinéma largement imbibés de politique, tout à sa ferveur. En 1974, il participa au stage organisé par la fédération nationale des ciné-clubs du Maroc à Mohammadia, autour du thème "Les ciné-clubs dans le Maghreb arabe". Encadré par Guy Hennebelle et Abdellah Laroui, ce stage connut la participation de Khalid Jamii, Abdeljabbar Shaimi, Driss Khouri, Talaa Saoudi Atlassi, et d'autres journalistes. Vient ensuite le stage organisé par l'association "7ème art", dirigée par Mohamed Laalioui sur l'écriture de scénario, stage animé par le critique des "Cahiers du cinéma ", Daniel Sauvaget. A la fin de l'année 1979, il est un invité de marque à l'émission "Aflam" sur la chaîne nationale, émission qui donna l'occasion au public marocain de découvrir des œuvres marquantes. Le film programmé n'est autre que "Traces" (Wechma), que doit débattre Mesnaoui et son auteur Hamid bennani. Mesnaoui poursuivit son discours critique accompagnant ces films sur les colonnes du quotidien "Al Mouharrir". Mustapha Mesnaoui a commencé à publier ses écrits, essentiellement des Nouvelles, à partir de 1971, d'abord dans le journal "Al Alam". Mais à compter de 1978, il comprit qu'une culture alimentée par la seule lecture n'est pas suffisante car l'image également est une source inépuisable. Le cinéma permet de développer largement les connaissances et d'une manière plus rapide. Le quotidien "Al Moharrir", organe officiel de l'U.N.F.P. d'abord, va constituer sa tribune pour dispenser un discours critique autour de films régulièrement en programmation dans les salles ou sur la chaîne unique de télévision. Au début des années 80, ses écrits vont s'étendre à d'autres publications notamment "Attakafa Al Jadida", "Chark Aoussat", "Assafir",... On lui doit également la création de revues spécialisées comme "Attakafa Al Jadida" en 1974, qui consacra un numéro spécial au cinéma marocain, "Al Jami3a" en 1981, "Fikr" en 1986, en plus de "Bait Al Hikma","Soual" et "Najma". On lui doit aussi la gestion de la publication "Afak" (Horizons), organe de l'Union des Ecrivains du Maroc à laquelle Mesnaoui adhéra en 1973. Au cours des années 80, il anima une émission radiophonique sur le cinéma diffusée par chaîne régionale de Casablanca. Il procéda à la traduction d'ouvrages de référence des langues espagnoles et françaises vers l'arabe au profit des étudiants, universitaires et chercheurs. Cinéphile incontesté, critique acerbe, il se distingua par un discours sur le cinéma largement apprécié en particulier dans le monde arabe. Son gout prononcé vers le cinéma égyptien dont il deviendra un spécialiste n'est plus à cacher Pourtant, en matière de publication d'ouvrages cinématographiques, il demeura très peu prolifique puisque auteur de deux ouvrages respectivement intitulés "Recherches dans le cinéma marocain", édition "Azzaman" et "Panorama du cinéma marocain" (Septembre 2001), financé par le festival d'Alexandrie. Tenté par l'humour et le comique, il écrivit des scénarios illustrés sous forme de sketchs interprétés notamment par Hassan El Fad comme "Chanily TV" et bien d'autres. Sa compétence s'élargit au fil des années jusqu'à être sollicité par le ministère de la communication actuel en qualité de conseiller, poste qu'il abandonna très vite car gagné par la maladie. Souffrant d'insuffisance cardiaque depuis des années jusqu'à subir plusieurs opérations, il s'éloigna de toute charge administrative contraignante. Et c'est en sa qualité de conseiller artistique qu'on va le retrouver au festival des films de femmes comme au festival du Caire où il subit une attaque cardiaque le 17 novembre 2015, crise à laquelle il n'a pas survécu cette fois. Laissant un véritable vide autour de lui en matière de critique cinématographique, il nous a quittés à l'âge de 62 ans.