Alors que le Maroc vit l'effervescence de Ramadan sur fond de grands préparatifs gastronomiques, de veillées familiales et de recueillement spirituel, le mois se déroule avec moins de tapage pour les musulmans de la diaspora marocaine du Canada et un tantinet plus de difficulté. Une réalité à double connotation. Les nouvelles véhiculées par les familles des immigrants au Maroc à propos de l'abondance de l'offre alimentaire et son coût très bas comme les fruits et légumes font des envieux parmi la diaspora marocaine établie au Canada. Quand on pense aux prix excessivement chers des denrées alimentaires au Canada on imagine très bien la galère des immigrants pour joindre les deux bouts pendant Ramadan et pouvoir se gâter à la rupture du jeûne. Le coût de la viande, par exemple, a presque doublé en quelques années. De 9 dollars le kilo en 2002 elle est passée à 16 dollars à partir de 2010, rendant la tâche ardue aux jeûneurs qui utilisent cet aliment dans plusieurs mets du Ramadan tels que soupe marocaine, tajines et grillades. L'augmentation des coûts d'abattage explique en partie cette hausse, ainsi que le combat contre les maladies qui ont touché l'industrie bovine ces dernières années, sans compter le prix des protéines animales qui a augmenté à travers le monde, contribuant considérablement à la hausse des prix des viandes. Le recul du dollar canadien est un autre facteur d'augmentation, qui s'est répercuté sur les prix des produits importés, tels que les fruits secs, qui coûtent actuellement le double de ce qu'ils coutaient il y une dizaine d'années. Le prix de la farine, substance incontournable de la table marocaine, pendant le mois sacré, car entrant dans la préparation de presque toutes les gâteries ramadanesques, tels que gâteaux et viennoiseries, pour ne citer que ces exemples, a flambé d'une façon ahurissante, passant de 5 $ les 10 kilos en 2003 à 14 $ vers 2014, dans un pays pourtant producteur de céréales et exportateur mondial de blé. Les statistiques avancées par le rapport annuel sur les prix de la nourriture de l'Université de Guelph, dans la province de l'Ontario, avance que ces prix allait encore augmenter de 0,3% à 2,4%, l'an prochain. On peut se targuer, si l'on veut, du fait que le prix du grain demeurerait stable dans les années à venir, mais les poissons, fruits de mer et les légumes ont de quoi refroidir les plus enthousiastes, car ils devraient connaitre une hausse de 3% à 5%, selon la même source. La durée du jeûne est un autre tracas pour les musulmans établis au Canada. Le jeûne du Ramadan en Amérique n'est pas aussi évident qu'en Afrique du nord, où les journées sont relativement courtes. Les journées les plus longues depuis 33 ans (lever du soleil à 3h07, coucher à 20h53, soit 18 heures d'abstinence) et très chaudes, peuvent provoquer la déshydratation, une fatigue précipitée et un épuisement des réserves alimentaires. Surtout que Ramadan tombe en pleines vacances scolaires, ce qui multiplie les sorties en famille dans les parcs et piscines, qui ne profitent qu'aux enfants finalement. Heureusement que le temps est relativement instable ces dernières années en Amérique et que les longues journées chaudes et humides sont truffées de journées pluvieuses et fraiches. Seul bémol à ces augmentations en rafale qui compliquent la vie des jeûneurs : la diversité culturelle mêlant les couleurs de l'Afrique du nord à celles du Moyen-Orient et à l'Asie du sud qui permet de goûter à un spectacle coloré et unique pendant Ramadan, à travers une palette de produits exotiques qu'on ne voit qu'à cette occasion. Sans parler des efforts de la communauté pour créer l'ambiance ramadanesque qu'ils ont laissé dans leur pays d'origine et qu'on retrouve dans les réunions entre musulmans à l'heure du ftour, offert dans les universités et les mosquées, organisé par les associations musulmanes dans le but de réunir les musulmans, partager un repas familial, prier ensemble, rompre l'isolement des personnes seules et favoriser amitiés et solidarité, aider les familles dans le besoin, créer un environnement spirituel et rapprocher la communauté de son pays d'origine. On peut découvrir les habitudes alimentaires des autres pays musulmans dans les restaurants de chaque pays qui offrent des formules de ftour inusités, parfois des curiosités qui rapprochent de la culture de l'autre. A bons jeûneurs, Ramadan karim.