L'économie marocaine a fait preuve de résilience lors de la dernière crise économique mondiale, mais peine à rejoindre le club des « nouveaux émergents ». C'est ce qui ressort d'une nouvelle étude de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE) dressé dans son rapport : « Maroc : le pari de l'émergence », fraîchement publiée. Pour cette compagnie, il y a pas mal de contraintes qui empêchent le Maroc de devenir pays émergent. D'abord, les investissements publics nécessaires à la mise en œuvre des différentes réformes structurelles engagées sont importants mais dont la portée peut être questionnée. Le plan « Maroc Vert » a nécessité, à lui seul, un apport des pouvoirs publics de plus de 31 milliards de dirhams, soit 4% du PIB. La part des dépenses d'investissement dans les dépenses publiques totales est passée de 14% en 2005 à 23% en 2009. Mais cette augmentation de l'investissement semble avoir une efficacité limitée comparativement à celle d'autres pays. Comparativement à l'Indonésie et à la Colombie, toujours selon COFACE, le Maroc a le taux d'investissement le plus élevé, mais a la croissance la moins rapide sur la période 2006-2015. L'ICOR (Incremental Capital Output Ratio), qui mesure le degré d'efficacité de l'utilisation du capital dans une économie, reflète également cette réalité. Plus le coefficient marginal de capital est élevé, moins le capital est efficace. Avec un ICOR de 8,38 de 1990 à 1999 et de 6,16 de 2000 à 2011, l'efficacité de l'investissement apparaît faible au Maroc, même si elle s'améliore. A titre de comparaison, l'ICOR de l'Indonésie qui a des taux d'investissement comparables est de 5,123 sur la période de 2000 à 2011 et celui du continent africain de 4,124. D'après les analystes de COFACE, le pays a fait le choix de soutenir l'essor de nouveaux secteurs d'activité à travers une politique d'attractivité des IDE. Les effets directs d'une telle initiative transparaissent d'ores et déjà dans les données d'exportations. On peut néanmoins s'interroger sur la capacité de ces nouveaux secteurs à générer des externalités positives (transferts de technologie, accroissement du progrès technique) dans le contexte marocain. En effet, la politique industrielle a occasionné un important investissement public en termes d'infrastructure (Tanger Med) et en capital humain (investissement dans les nouvelles formations) en vue d'attirer les entreprises étrangères. Au-delà des retombées en termes d'emplois directs, les implications en termes de transferts de technologie pourraient être limitées. Le Maroc semble certes entré dans un cercle vertueux d'augmentation de la productivité globale des facteurs, mais les ressources en capital humain et R&D restent faibles pour accompagner ce bond technologique. Hausse du déficit et de la dette publique Autre contrainte entravant le Maroc de devenir pays émergent est la hausse du déficit et de la dette publique. Cet important effort d'investissement public s'est par ailleurs accompagné d'un accroissement des dépenses courantes. Le pays a en effet poursuivi une politique contracyclique de soutien à la demande. Les dépenses de la Caisse de Compensation ont augmenté entre 2009 et 2012, passant de 2% du PIB à 7%. Les dépenses relatives à la masse salariale des fonctionnaires se sont également accrues mais dans une moindre mesure. Depuis 2013, la réforme de la Caisse de Compensation a permis d'atténuer le poids des subventions dans les dépenses publiques, mais le solde public demeure fortement déficitaire, estime COFACE. Ces déficits publics chroniques ont engendré une augmentation de la dette. Cette dernière est passée de 53% du PIB en 2008 à 65% en 2015. Par ailleurs, le ratio du service de la dette rapporté aux recettes budgétaires augmente régulièrement depuis 2008 et a atteint 11% en 2014. Les mesures de réduction du déficit public devraient permettre d'inverser la dynamique d'accroissement de la dette publique en 2015. Il faudra, néanmoins, attendre 2020 pour retrouver un niveau de dette publique comparable à celui de 2012. Evoqaunt toujours les facteurs empêchant le Maroc de rejoindre le club des « nouveaux émergents », COFACE affirme que « la montée de nouveaux secteurs industriels ne doit pas faire oublier la réalité de l'industrie marocaine. La main d'œuvre reste concentrée dans des industries faiblement capitalistiques. C'est le cas de l'industrie de textile qui est le 4ème poste d'exportations après l'agriculture et occupe 42% de l'emploi industriel. L'industrie de textile a vu progressivement sa part dans la valeur ajoutée totale se réduire de 4.7% en 2000 à moins de 3% en 2013. Et le nombre d'entreprises de la filière s'est fortement réduit. Le secteur est exposé à la concurrence des pays à bas coût et reste peu protégé des variations de la conjoncture mondiale. La mise en place des accords multifibre a aussi fortement affaibli. Pour rappel, selon un récent sondage du Haut Commissariat au Plan (HCP), le Maroc n'est pas un pays émergent pour 83% des chefs d'entreprises enquêtés, alors que pour 74,5%, le Royaume est un pays en développement. Pour les sondés, la notion de pays émergent repose d'ailleurs sur cinq piliers : un climat des affaires favorable (74,5%), une classe moyenne relativement importante (70,2%), une stabilité institutionnelle (66%), une croissance forte (60%) et un secteur privé dynamique (61,7%). Des facteurs qui ne sont malheureusement pas tous réunis au Maroc.