Les souffrances endurées par les Marocains victimes d'expulsion arbitraire d'Algérie ont été au centre d'une rencontre organisée, vendredi 8 mai, au "London School of Economics" à l'initiative du Conseil de la Communauté marocaine à l'étranger (CCME). Placée sous le signe de "Pensez aux oubliés...", cette rencontre se veut une occasion d'interpeller la mémoire et sensibiliser l'opinion publique britannique, les étudiants, les intellectuels ainsi que la génération montante de la communauté marocaine établie en Angleterre sur le calvaire vécu par plus de 45.000 familles marocaines expulsées d'Algérie en 1975. Ces familles, qui étaient installées en Algérie depuis plusieurs décennies en toute légalité, ont été chassées du pays qui était considéré comme le leur. L'expulsion, selon les témoignages livrés lors de cette conférence, a été sauvage, arbitraire et inhumaine contre plus de 300.000 marocains, qui ont été conduits manu-militari à des centres de détention en Algérie où ils ont passé plus de deux mois avant d'être renvoyés au Maroc laissant derrière eux une partie de leur famille et tous leurs biens. Selon la journaliste britannique Liza Brinkworth du quotidien "Times", qui a participé à cette rencontre, il s'agit-là d'"une violation flagrante des droits humains". Elle s'est également dite "choquée" par les conditions inhumaines de la déportation de ses ressortissants marocains d'Algérie lors de la journée internationale de la migration (18 décembre) et de la fête de l'Aid Adha. Elle a également exprimé sa sympathie et sa solidarité avec les marocains expulsés d'Algérie, mettant l'accent sur les préjudices physique et moral qu'ils ont subis et dont les séquelles sont encore présentes dans leurs esprits. Mme Brinkworth, une journaliste d'investigation ayant travaillé pour de nombreux journaux britanniques, s'est engagée à œuvrer pour faire connaitre l'histoire des injustices commises contre ces marocains, une histoire peu connue en Angleterre. Pour sa part, M. Mohamed Cherfaoui, président de l'association des Marocains expulsés d'Algérie (Europe) a saisi cette occasion pour présenter son livre intitulé "La marche noire" dans lequel l'auteur offre au lecteur un témoignage poignant sur un drame qui a frappé des milliers de familles marocaines expulsées d'Algérie suite à l'organisation de la Marche Verte du 6 novembre 1975. Selon M. Cherfaoui, les familles expulsées se sentent trahies pour des motifs politiques par le pays pour lequel elles ont combattu et sacrifié leur vie pour sa libération du joug du colonialisme. Cette expulsion, qualifiée de déportation, était une première dans la région, a dit M. Cherfaoui, qui défend la cause des déportés d'Algérie auprès des instances européennes et exige des excuses et des réparations de l'Etat algérien. "Ce livre, une biographie, est avant tout un devoir de mémoire car la majorité des marocains expulsés en masse d'Algérie sont toujours traumatisés. Ils parlent rarement de ce drame", a-t-il souligné, ajoutant que les victimes attendent toujours que justice leur soit rendue. De son côté, Mme Fatiha Saïdi, membre du parlement belge, a mis l'accent sur les atrocités et les exactions commises à l'encontre de ces familles marocaines. Elle a rappelé la proposition de résolution qu'elle a déposée, avec quatre de ses confrères, au Sénat belge demandant aux sénateurs d'intervenir auprès des autorités algériennes pour exiger des explications concernant les injustices commises contre les Marocains expulsés d'Algérie. Cette proposition de résolution, a-t-elle dit, reprend en gros les trois revendications principales des ONG représentant ces victimes (la facilitation du regroupement familial, la restitution des biens des victimes et une enquête sur ces expulsions arbitraires). Pour sa part, Mme Souad Talsi, une militante associative à Londres et membre du CCME, a souligné l'importance de cette rencontre et sa thématique, affirmant que l'objectif de cet événement est de lever le voile sur les événements douloureux ayant touché des milliers de familles marocaines expulsées d'Algérie. Et d'ajouter que cette rencontre ambitionne aussi d'informer les jeunes de la communauté marocaine établie en Angleterre sur la violation des droits humains, dont ont fait l'objet ces familles, dépossédées de leurs biens, brisées et traumatisées par des actes portant atteinte à la dignité humaine. Les débats ont porté notamment sur les conséquences dramatiques de cette déportation arbitraire, insistant sur les aspects sociaux liés à ce drame dont la spoliation des biens, la perte de logement et d'emploi ainsi que l'interruption de la scolarité et une insertion professionnelle difficiles. Les intervenants ont mis l'accent également sur les violations des droits des enfants et des femmes victimes d'expulsion arbitraire d'Algérie, qualifiant la démarche des autorités algériennes d'acte incompréhensible.