La guerre du Vietnam (1955-1975) a été le conflit le plus long et le plus impopulaire de l'Histoire des Etats-Unis. Il est à l'origine d'une crise sociale, économique et politique sans précédent. La guerre a causé 58 000 morts ou disparus ainsi que des centaines de milliers de blessés du côté américain, et un coût matériel estimé à plus de 110 milliards de dollars en dépenses directes (et à un total de plus de 900 milliards en comptant les effets indirects). La chute de Phnom Penh et celle de Saigon deux ans après le repli des forces américaines révèle l'ampleur de la défaite et ébranle le prestige du leadership des Etats-Unis. Le nombre élevé de pertes humaines, les révélations sur le massacre de My Lai et les antagonismes qui divisent l'opinion provoquent une profonde crise morale. Le syndrome vietnamien touche ainsi plusieurs couches de la population, et en premier lieu les soldats qui reviennent du front et qui sont traumatisés par l'expérience de la guerre. Il n'est donc pas étonnant que le sujet ait inspiré des centaines de scénarios de films des années 1960 à nos jours. On peut discerner quatre grandes périodes dans le cinéma et la guerre du Vietnam. Hormis quelques exceptions, la première période se caractérise par sa frilosité. Durant le conflit, peu de fictions sont produites sur le sujet. Citons la première, "Commando au Vietnam"(1964) de Marshall Thomson, dans laquelle un capitaine est chargé de libérer un médecin enlevé par les Viêt-Congs. On remarque surtout une œuvre tardive d'Elia Kazan, "Les visiteurs"(1972) où deux vétérans, condamnés pour avoir violé une Vietnamienne, désirent se venger de leur dénonciateur. Plusieurs raisons expliquent le désintérêt des studios. Premièrement, ils ne sont pas obligés, comme pendant la Seconde Guerre mondiale, de participer à l'effort de guerre. De plus, Hollywood évite toute controverse politique suite au film "Les bérets verts"(1968) de John Wayne, l'un des plus décriés de la seconde moitié du XXe siècle. Wayne dresse dans cette fiction l'apologie de l'intervention américaine au Vietnam et engendre une polémique mondiale. Enfin, le public manifeste un faible enthousiasme pour les films-Vietnam, non seulement parce que la guerre est impopulaire, mais également à cause de la médiatisation télévisée du conflit. L'immédiateté des images séduit davantage que la fiction cinématographique. Après la fin de la guerre, le sujet passionne aussi peu les spectateurs, hormis "Taxi driver"(1976) de Martin Scorsese et "Le retour"(1978) de Hal Ashby, qui évoquent chacun différemment la condition des vétérans. A l'exception de ces deux œuvres, les autres films passent inaperçus. Certains, comme "Le merdier"(1978) de Ted Post, seront redécouverts dans les années 80, pendant l'âge d'or du cinéma-Vietnam. Pour l'instant, la société américaine subit une grave crise sociale et morale. Elle ne veut pas voir sur les écrans le reflet de sa propre déroute. Le syndrome vietnamien est une gangrène que l'on garde sous silence. La deuxième période correspond au déblocage de l'opinion et au début de l'exploitation cinématographique du conflit. La sortie de "Voyage au bout de l'enfer"(1978) de Michael Cimino, succès commercial d'envergure, provoque une véritable détonation. La détresse des personnages, sidérurgistes pennsylvaniens profondément traumatisés par la guerre, sensibilise l'opinion au problème du vétéran. Certains journalistes vantent la qualité de l'œuvre. D'autres affirment qu'elle détourne la vérité historique en présentant les Vietcongs comme des bourreaux et les Américains comme leurs héroïques victimes. Les vétérans sont questionnés au sujet de l'authenticité de la célèbre séquence de « la roulette russe ». Les uns confirment que les Vietcongs obligeaient les prisonniers à jouer à ce jeu mortel, les autres certifient que cet épisode a été inventé par le réalisateur. Cimino s'est défendu dans la presse : pour lui, le syndrome produit des témoignages contradictoires, et les Américains ne sont pas encore prêts à connaître la vérité sur le conflit. En 1979, Francis Ford Coppola réalise "Apocalypse now", qui crée un événement au festival de Cannes (il reçoit la palme d'or ex-aequo avec "Le tambour" de Volker Schlöndorff). Le cinéaste propose une interprétation psychédélique du conflit qui enthousiasme les spectateurs. De nombreux vétérans affirment à l'époque que le film "Apocalypse now" témoigne admirablement bien de leur vécu, même si la guerre est explorée sous un angle fantasmagorique et non réaliste. De nouvelles productions (ainsi que de nombreux romans, mémoires de vétérans, etc.) apparaissent à la suite de cet intérêt pour le syndrome vietnamien. Cette mode entraîne la réalisation d'œuvres de qualité très discutable. "Rambo"(1982) de Ted Kotcheff évoque la difficile réinsertion sociale des anciens combattants. Le vétéran du Vietnam, interprété par Silvester Stallone, n'avait encore jamais incarné les valeurs patriotiques américaines avec tant d'intensité. Les oeuvres navrantes se succèdent. Citons "Portés disparus"(1984) de Joseph Zito, puis "Portés disparus"(1985) de Lance Hool avec l'incontournable Chuck Norris. Ces deux opus exploitent une légende qui effraie l'opinion : il resterait des prisonniers américains au Vietnam. Le vétéran repart donc en Asie, afin de sauver ses camarades et laver la honte de la défaite en vainquant les geôliers vietnamiens. Le point culminant de ce cinéma est l'arrivée de "Rambo 2"(1985) de George Pan Cosmatos. Le film remporte un succès planétaire et déclenche une véritable rambomania. Partout, la critique ridiculise la moralité simpliste et le patriotisme primaire du film, comparant Rambo à un personnage de bande-dessinée.