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Entretien avec le philosophe Ali Benmakhlouf, directeur du Forum du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde: : Le forum est un moment de réflexion et de méditation
La 21ème édition de Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde se tiendra du 22 au 30 mai 2015. L'édition s'inscrit, cette année, sous le thème «Fès au miroir de l'Afrique » pour illustrer l'esprit de cette ville historique en tant que berceau de la civilisation islamique, de cohabitation et de brassage des cultures. Evénement phare de la Fondation Esprit de Fès, cette manifestation de grande ampleur célèbre les valeurs de tolérance, d'ouverture, et de compréhension entre les différentes religions et cultures. Elle verra la participation de grands talents africains et internationaux qui célébreront la symbiose et les liens historiques qui ont toujours existé entre Fès et le continent africain. Entretien avec le philosophe Ali Benmakhlouf, directeur du Forum du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde: *Comment contribue le Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde à la valorisation du patrimoine culturel et l'image artistique de Fès comme centre de paix, de dialogue et de création ? Fès est indéniablement une ville de culture : l'université al Qarawiyine, les différentes medersas, les fontaines, le caractère réticulaire de la médina, etc. Or tout ce passé prestigieux qui se lit dans les murs de la ville, dans le parler de Fès fait de proverbes, ces micros raisonnements que les hommes reprennent pour se guider dans leur vie quotidienne, tout ce passé a besoin d'être vivifié. Le festival de Fès et le forum qui lui est associé sont une façon de redonner à Fès une visibilité que l'histoire nous enjoint de lui attribuer. Il s'agit d'une responsabilité de transmission. Par sa régularité depuis 21 années, le festival contribue à faire du patrimoine de Fès un patrimoine interactif et dynamique. *C'est l'Afrique qui est à l'honneur cette année. Ce continent que la ville de Fès illumine de sa spiritualité. Un mot sur la dimension africaine de Fès ? Fès fut longtemps un carrefour pour les caravanes qui transitaient par cette ville qui se trouve à égale distance de l'océan atlantique et de la mer Méditerranée. Les commerçants de Fès, qui furent en même tant des savants, ont arpenté à la manière de Hassan Al Wazzan dit Léon l'Africain les pays qui correspondent au Mali, au Sénégal, à la côté d'ivoire, etc. Le festival a voulu redonner vie à ces échanges multiséculaires. Sidi Ahmed Tijani, comme vous savez, est le petit pèlerinage pour nombre de musulmans africains venant du sud marocain. Son mausolée dans la Médina de Fès attire chaque année beaucoup de gens qui placent en lui leur intention, leur croyance, leur forme de vie en somme. Le forum et le festival célèbrent cette année ces échanges spirituels. *Forum et spectacles du Festival de Fès des Musiques Sacrées se déclineront au rythme de l'évocation des voyages lointains et des œuvres d'Hassan Al Wazzan, dit Léon l'Africain et de Sidi Ahmed Tijjani, fondateur de la tarîqa tijaniyya, inhumé à Fès, dont se réclament un très grand nombre d'adeptes, notamment, en Afrique de l'Ouest. Quel est le cadre intentionnel de ces mythes fondateurs ? Oui, Hassan Al Wazzan et Sidi Ahmed Tijani comme je viens de le dire sont nos figures tutélaires cette année. Le 16e et le 19e siècle sont des moments où l'histoire s'est accélérée. Or Fès fut avec ces deux figures au cœur de cette accélération. Hassan Al Wazzan avec sa cosmographie est contemporain des travaux de Copernic qui a changé notre vision du monde avec son hypothèse de la terre tournant autour du soleil. Hassan Al Wazzan avec sa description de l'Afrique indique à l'Europe que tout un monde existe et n'est pas, comme on le croyait alors, situé dans les limbes du monde. Le 16e siècle est notre première modernité. Le 19e siècle de Sidi Ahmed Tijani est contemporain de la deuxième modernité, celle des chemins de fer et de la machine à vapeur. Il est temps que notre modernité, la troisième, interroge archéologiquement d'où elle vient, en termes de chants, de sons, de textes, d'objets transitionnels. Durant neuf jours, la musique et les chants sacrés vont transcender les frontières pour rapprocher plus les humains. Comment vous approchez la musique sacrée ? La dimension spirituelle des musiques sacrées est quelque chose d'avéré. Votre cerveau, en écoutant ce type de musiques, reçoit comme un massage. J'utilise cette image car lorsque nous avons présenté à Londres le festival, M. Zouitene, président de la fondation esprit de Fès, et moi-même, des personnes présentes, après avoir écouté un beau morceau de qanoun, ont dit qu'elles avaient l'impression que leur cerveau avait reçu un massage. Si le festival contribue à faire avances les thématiques de la paix, alors il aura largement rempli sa fonction. *Le Forum du Festival dont vous êtes le directeur sera animé par des intellectuels, invités à débattre, outre de la relation de Fès avec son sud africain, des défis et enjeux auxquels le continent africain est, dans sa grande diversité, confronté. Quelle est la plate forme de cette nouvelle édition ? Le forum est un moment de réflexion et de méditation. L'une ne s'oppose pas à l'autre. Le débat crible les idées pour arriver à des idées communes, celles qui permettent de s'inscrire dans l'agir commun. Réflexion et méditation visent l'action. La plate forme cette année consiste à décliner en cinq matinées des thématiques qui vont de la promotion des chemins spirituels, au rapport de l'Afrique avec le sacré, en passant par la reconnaissance du multilinguisme, la connaissance des figures comme Hassan Al Wazzan dont nous avons parlé, sans oublier les questions de santé et d'éducation qui sont les deux défis majeurs du continent africain. *Cinq problématiques seront abordées sous les intitulés : Chemins spirituels, chemins commerciaux, pluralisme linguistique en Afrique, l'Afrique et le sacré, Hassan Al Wazzzan (Léon l'Africain), les grands enjeux contemporains : éducation, santé, géostratégie... Quel est le point commun entre ces axes de réflexion ? Je viens effectivement de nommer ces cinq thématiques. Le point commun ? C'est l'énergie africaine, sa jeunesse créatrice. Le point commun n'est pas de contenu mais d'adresse : le forum s'adresse notamment aux jeunes pour leur transmettre les joyaux de ce continent qui est le leur. Plusieurs étudiants seront présents. Toute l'équipe de direction déploie tous ses efforts pour que le forum soit approprié par les jeunes et qu'ils se disent que c'est leur forum.