Des étudiants ont été retenus à l'intérieur de l'université de Garissa par des islamistes shebab. Au moins 147 personnes et quatre assaillants ont été tués, à l'issue d'une opération des forces de sécurité. Un commando d'islamistes somaliens Shebab a pris d'assaut, jeudi à l'aube, un campus de l'Université de Garissa, dans l'est du Kenya, tuant les deux vigiles avant d'investir des chambres d'étudiants. Au moins 147 personnes, essentiellement des étudiants, ont été tuées jeudi 2 avril, 79 autres ont été blessées. L'opération menée par les forces kényanes de sécurité pour reprendre le contrôle de l'Université, prise d'assaut à l'aube, est "terminée et les quatre terroristes ont été tués", selon le Centre national de gestion des catastrophes (NDOC), près de 16 heures après le début de l'attaque dans cette localité située à 150 km de la frontière somalienne. Le ministère de l'Intérieur a confirmé que «le siège était terminé» à Garissa. «587 personnes ont été évacuées» de l'Université qui compte 815 étudiants inscrits. L'assaut s'est produit vers 5h30 du matin. Les assaillants sont entrés de force dans l'université de Garissa, qui héberge plusieurs centaines d'étudiants, en tirant sur les vigiles surveillant le portail d'entrée et ont ensuite « ouvert le feu aveuglément à l'intérieur du campus » avant de pénétrer dans les résidences universitaires, a expliqué le chef de la police kényane, Joseph Boinnet, dans un communiqué. Les terroristes ont indiqué qu'ils avaient libéré les musulmans et gardé les autres en otage. « Cinquante étudiants ont été libérés », a précisé de son côté la Croix-Rouge, sans préciser dans quelles circonstances. La police a cerné le campus de l'University College de Garissa, une ville proche de la frontière somalienne, et des militaires ont pris position sur le site. « Nous avons trié les gens et libéré les musulmans. Il y a beaucoup de cadavres de chrétiens dans le bâtiment. Nous en retenons aussi beaucoup qui sont toujours en vie. Les combats se poursuivent à la faculté », a déclaré à Reuters Cheikh Abdiasis Abou Mousab, porte-parole du mouvement pour les opérations militaires. « Nous avons du mal à accéder au complexe parce que des assaillants sont sur les toits et nous tirent dessus quand nous essayons d'y pénétrer », a souligné un officier de police. «Le Kenya est en guerre avec la Somalie, nos hommes sont encore à l'intérieur et ils se battent. Leur mission est de tuer ceux qui sont contre les Shebab», a revendiqué un porte-parole du groupe islamiste, Cheikh Ali Mohamud Rage. Qui a aussi assuré avoir «libéré» les musulmans et «pris les autres en otages». Jeudi après-midi, «trois des quatre bâtiments» de la résidence universitaire avaient été «évacués», a précisé le ministre de l'Intérieur. «Les assaillants sont retranchés dans l'un des bâtiments et les opérations continuent.» Elles s'intensifiaient jeudi soir, des tirs nourris étaient entendus, quatre assaillants auraient été tués. 135 attaques depuis 2011 «Depuis l'intervention des troupes kényanes en Somalie en 2011 aux côtés de troupes de l'Amisom - la mission de l'Union africaine lancée en 2007 -, les Shebab ont multiplié les actions le long des 700 kilomètres de frontière», rappelle Philippe Hugon, de l'Iris, l'institut de relations internationales et stratégiques. D'abord sur la côte touristique du pays, notamment à Mombasa, principal port d'Afrique de l'Est, ou à Lamu, perle swahilie (100 morts). Ce sont eux qui ont réalisé l'assaut en septembre 2013 contre le centre commercial Westgate de Nairobi (67 morts). Eux qui ont multiplié les raids sanglants contre des villages de la côte kényane en juin-juillet 2014 (96 morts). Eux encore qui, en novembre, avaient massacré 28 passagers - en majorité des enseignants - non musulmans d'un bus à Mandera, dans le nord du pays. Eux, enfin, qui ont tué 36 ouvriers le mois suivant dans un raid nocturne. En tout, Nairobi répertorie pas moins de 135 attaques dans le pays. Qui, pour la seule année 2014, auraient fait au moins 200 victimes. «Ils cherchent à multiplier l'instabilité au Kenya pour que les troupes kényanes quittent la Somalie, note Roland Marchal, chercheur au CNRS et auteur en 2011 d'une étude sur les Shebab. Et puis ils rêvent d'étendre le mouvement jihadiste au Kenya par les Kényans eux-mêmes». Depuis qu'ils ont été délogés de Mogadiscio en août 2011, les salafistes jihadistes multiplient les opérations de guérilla et les attentats-suicides en Somalie contre les autorités. A l'image de celui, trois mois plus tard, contre un complexe ministériel (82 morts). Ils ont ainsi attaqué les bâtiments de la présidence ou fait exploser une voiture piégée dans l'enceinte même des services de renseignements... Le 27 mars, ils ont ciblé un hôtel en plein centre-ville (14 morts). Et visent plus que jamais les pays contributeurs de l'Amisom. Notamment l'Ouganda, avec un double attentat dans des restaurants en 2010 à Kampala (76 morts). Se revendiquant d'Al-Qaeda depuis 2010, bien qu'ils n'y aient été intégrés qu'en 2012, ils croisent leurs sources de financement : le charbon, le trafic de drogues ou d'armes. Les prises d'otages et les butins de piraterie. «L'Érythrée, aussi, et la diaspora issue d'un pays qui n'a plus d'État depuis 1991 et le début de la guerre civile», précise Hugon. «L'élimination physique de certains de leurs leaders, comme ce fut le cas d'Ahmed Abdi Godane en septembre 2014, n'a pas fondamentalement changé la configuration de leur base, estime Roland Marchal. Cela les a poussés à se réinventer, à surmonter leurs divisions. Même s'ils sont trois fois moins nombreux qu'en 2009, ils sont encore au moins 5 000». «Peut-être même 10 000, et ils sont surtout très jeunes dans un pays où l'explosion démographique est incontrôlée et où les perspectives sont nulles», ajoute Philippe Hugon.