Les chefs d'État arabes ont clamé, samedi 28 mars, leur intention de créer une force unie pour combattre les "groupes terroristes", dont l'opération au Yémen pourrait être un "test". Le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil Al-arabi, a, par ailleurs, appelé à une nouvelle approche pour parvenir à une solution globale, juste et durable basée sur l'initiative arabe de paix et les décisions pertinentes de la légalité internationale pour mettre fin à l'occupation sioniste. Les chefs d'État arabes ont clamé samedi au premier jour de leur sommet annuel en Égypte leur intention de créer une force unie pour combattre les "groupes terroristes", considérant comme un "test" l'opération militaire conjointe en cours au Yémen. Depuis plusieurs semaines, à l'unisson de l'organisation panarabe qui l'avait placée en tête de son agenda pour ce sommet, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi réclamait avec insistance cette force pour lutter en particulier contre Da'ech, qui multiplie les atrocités en Irak et en Syrie et gagne du terrain en Libye et en Égypte. Mais plus que le groupe extrémiste, c'est la crainte de voir le grand rival iranien chiite étendre son influence par son soutien à la milice yéménite des Houthis qui semble obliger les pays arabes à surmonter leurs dissensions. Et entériner dans la station balnéaire de Charm el-Cheikh la création d'une force militaire conjointe. Conduite par Ryad, une coalition impliquant neuf pays arabes, dont l'Égypte, a lancé jeudi des frappes aériennes au Yémen pour stopper la montée en puissance des Houthis. Dès l'ouverture du sommet, qui doit durer deux jours, Abdel Fattah al-Sissi, qui préside pour un an la Ligue arabe, a proclamé l'exigence d'une force régionale pour "faire face aux menaces sans précédent pour l'identité arabe" que constituent "les groupes terroristes" et la multiplication des conflits. Avant le sommet, l'Égypte avait dit être prête à envoyer au Yémen des troupes au sol. Le roi Salmane d'Arabie saoudite lui a emboîté le pas en s'appuyant sur l'exemple de l'intervention militaire conjointe que son pays dirige au Yémen, assurant qu'elle durerait jusqu'au rétablissement de la sécurité. Le président du Yémen Abd Rabbo Mansour Hadi a estimé, lui, que l'opération aérienne devrait continuer jusqu'à la "reddition" des Houthis, assurant qu'elle doit aussi constituer un "test pratique" pour la future force arabe. Le président Hadi a déclaré que la campagne en cours visait à protéger le peuple yéménite. "Je dis aux pantins aux mains de l'Iran, c'est vous qui détruisez le Yémen par votre immaturité politique", a-t-il déclaré en appelant l'armée yéménite à obéir aux autorités légitimes. Hadi n'a pas regagné Aden après le sommet mais s'est envolé à destination de Ryad en compagnie du roi Salman d'Arabie saoudite. Selon le chef de la diplomatie yéménite, il demeurera dans une capitale du monde arabe jusqu'à ce que les conditions de son retour soient réunies. Une nouvelle approche de l'action arabe commune Le SG de la Ligue arabe a déclaré que l'opération "Tempête décisive", initiée par l'Arabie Saoudite et d'autres pays arabes de la coalition, pour défendre la légitimité au Yémen, constitue "une nouvelle approche de l'action arabe commune pour faire face aux grands défis qui menacent la sécurité et la stabilité des États arabes". M. Arabi a, à cet égard, exprimé son appui à cette initiative qui constitue, a-t-il indiqué, "une mesure incontournable pour préserver le peuple et le gouvernement légitime yéménites" qui "vient en réponse à la demande du président du Yémen Abd Rabbo Mansour Hadi après l'épuisement de tous les efforts visant à mettre fin aux activités des Houthis". "Le sommet a devant lui un projet de résolution important pour la création d'une force arabe commune, qui représente un développement historique", s'est enthousiasmé Nabil El Arabi, ajoutant : "Nous espérons que les procédures iront vite pour concrétiser ce projet". Dans la soirée du samedi, les participants ont tenus leurs discussions à huis-clos. Les chefs d'État devraient adopter le projet de résolution égyptien déjà approuvé par les chefs de diplomatie arabes jeudi, prévoyant que la force sera chargée de mener "des interventions militaires rapides". L'Égypte - qui dispose de l'armée la plus nombreuse et parmi les mieux équipées du monde arabe - s'affiche comme le fer de lance de cette force, alors que son aviation et sa marine participent à l'intervention au Yémen. A Charm el-Cheikh, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a, lui, appelé à une résolution "pacifique" du conflit au Yémen et dit sa "honte" devant l'"échec collectif des communautés internationale et régionale à mettre un terme au carnage en Syrie". La question palestinienne, le plus grand défi L'émir du Koweït, les rois de Jordanie et du Bahreïn, les présidents de la Tunisie et de l'Autorité palestinienne, le chef du Parlement libyen reconnu par la communauté internationale, étaient présents à l'ouverture du sommet. Pour Mathieu Guidère, professeur de géopolitique arabe à l'université de Toulouse (France), l'opération au Yémen représente "un coup d'essai pour la future force arabe d'intervention rapide". Mais les divergences de points de vue entre les 22 membres de la Ligue pourraient ralentir le processus. La majorité des pays semble soutenir le projet, mais le ministre des Affaires étrangères irakien Ibrahim al-Jaafari a indiqué à des journalistes que son pays "avait des réserves concernant la formation de cette force, car il n'y avait pas eu d'études préliminaires" de la question, tout en affirmant que Bagdad est favorable dans l'absolu à une force arabe conjointe. Oraib al-Rentawi, directeur du centre Al-Qods pour les études politiques, estime que si la priorité de Ryad reste de "faire face à l'influence grandissante de l'Iran dans la région", l'Égypte et la Jordanie veulent en revanche "lutter contre le terrorisme". "Pour l'instant, Da'ech passe au second plan face à la menace d'extension du pouvoir chiite au Yémen, qui risque de modifier profondément la géopolitique de la région", estime aussi Mathieu Guidère. M. El Arabi, a, d'autre part, mis l'accent sur "la question palestinienne (qui) a été et reste le plus grand défi pour l'ensemble de la région arabe, qui ne connaitra ni la paix, ni la stabilité ou encore moins la sécurité tant l'occupation israélienne persiste sur les territoires palestiniens et tant que les efforts internationaux demeurent au point mort". Il a estimé que les chances d'une paix globale et juste dans la région s'"amenuisent" et que le projet national fait face à de "graves dangers" dans la mesure où les pays arabes, la communauté internationale et le Conseil de sécurité des Nations unies ne prennent pas leurs responsabilités pour "mettre fin au processus de négociations absurdes" et pousser Israël à adopter la solution de deux États selon un calendrier précis et un mécanisme garantissant sa mise en œuvre sous la supervision directe du Conseil de sécurité.