Najib Cherfaoui ingénieur des ponts et chaussée et expert maritime est l'auteur de plusieurs ouvrages dont « Fulgurances, ports du Maroc des origines à 2020 » (2005) qui est une encyclopédie sur l'histoire portuaire marocaine. Un chapitre y est justement consacré à l'histoire du port d'Al-Hoceima depuis sa création à nos jours. Cherfaoui nous livre ses remarques techniques en tant qu'expert sur le projet du port de plaisance que les professionnels de la pêche rejettent pour inadéquation. Pour cet expert, la première chose qui saute aux yeux, c'est le caractère massif de la digue intra‑portuaire de 186 mètres, de long comme prévue dans le plan du projet. En effet, on ne conçoit jamais une digue de protection à l'intérieur d'un port préalablement établi. Autrement dit, l'édification d'une digue de protection dans une enceinte portuaire déjà protégée est une erreur. Plus précisément, si l'on souhaite isoler une partie de ce bassin, l'ingénieur des ponts et chaussée et expert maritime opterait pour un système modulable et réversible: pour cela, on cloisonnera le plan d'eau réservé par un mur vertical en béton, constitué en tronçons préfabriqués de 12 à 14 m de long chacun, soit au total une quinzaine d'éléments profilés. Le principal avantage de cette méthode réside dans le gain de surface utile, dans la commodité de maintenance et surtout dans la réduction du danger nautique. La deuxième observation relevée par Najib Cherfaoui, concerne le cloisonnement par une digue qui, telle que projetée, fige, appauvrit et asphyxie l'espace. De plus, la largeur de la digue constitue un péril pour la navigation lors des manœuvres d'approche des navires, notamment en raison de l'aggravation du risque de collision suite aux effets du reflux causé par la résonance portuaire (à titre d'exemple, je cite, entre autres, les ports de pêche d'Asilah, Tan Tan, Sidi Ifni et Fnideq où il y a aggravation par le phénomène de la réfraction). Pour ce qui est de l'aménagement du port de plaisance à l'intérieur du port de pêche, Charfaoui pense « qu'il ne faut pas déshabiller Paul pour habiller Pierre. De plus, il ne faut pas « bidonvilliser » l'enceinte portuaire. Ensuite, il faut garder à l'esprit que les gens de mer du Maroc, et en particulier les pêcheurs d'Al Hoceima, ont une connaissance parfaite et ancestrale des choses de la mer. Ils sont donc nos meilleurs experts en la matière. Plus précisément, ils valorisent le littoral marocain, de Saïdia à Lagouira en passant par Tanger. C'est un secteur plein de promesses économiques et sociales. Et d'ajouter la communauté des pêcheurs d'Al Hoceima exploite le port depuis 90 ans et assure une veille maritime : ces pêcheurs sont donc la mémoire vivante du Maroc halieutique. Eu égard à ces considérations, il faut associer les pêcheurs dans le choix des exécutions structurantes. Il est par ailleurs évident que l'on doit toujours travailler en concertation avec les pêcheurs pour édifier un avenir solidaire. De la sorte, conclut notre expert maritime, on évitera les énormes erreurs commises de 1960 à 2014. Et pour ne citer que les plus graves: il y a celles du port d'Asilah, du port des Sables d'Or à Rabat, du port de Martil (Tétouan), le port de Larache et le port Chmaala (2007), le port de Fnideq (2011), le port de Tarfaya (1984), le port Saïdia (2002).