Complaintes et lamentations. C'est à quoi se résume, au fond, un article traitant des relations entre le Maroc et la France, récemment publié par le journal algérien « Al Watan», sous un titre on ne peut plus révélateur : « La note salée présentée par Rabat à François Hollande ». Bien entendu, l'angle sous lequel est abordé le sujet est clairement orienté, l'auteur de l'article s'appuyant d'ailleurs sur une information démentie, celle du chantage à l'octroi de l'immunité aux responsables marocains se trouvant sur le sol français, en contrepartie de la reprise de la coopération judiciaire et sécuritaire entre les deux pays. Mais ce n'est là qu'un détail, puisque la réaction de la presse algérienne, suite à la diffusion de cette fausse information par l'agence Reuters, était tout à fait attendue. Il faut lire la précédente édition dudit journal pour comprendre ce qui inquiète réellement l'élite dirgeante algérienne. Dans un article intitulé « Ross poignardé dans le dos par la Chambre des Représentants », le même auteur dressait déjà le bilan de la déroute diplomatique algéro-polisarienne. Il semble s'être à peine rendu compte, avec effroi, que les Américains, qui n'ont que des intérêts et pas d'amis, ne vont pas pousser à la partition du Maroc, un pays allié duquel ils ne sont séparés que par 4830 kms d'océan. Surtout qu'avec sa proposition d'autonomie élargie à accorder aux provinces du Sud, le Royaume a su ménager la chèvre et le chou. Quand les nécessités géopolitiques des Américains et le pragmatisme politique des Marocains sont parfaitement en phase, il n'y a plus moyen d'insérer ne serait-ce qu'un papier entre leurs blocs ajustés. La seule chose qui intéresse réellement les dirigeants algériens, c'est leur créature polisarienne, pour laquelle ils ont déjà investi 200 milliards, à fonds perdus, jusqu'à présent, et continuent de la tenir en vie sous perfusion, au coût de 300 millions de dollars par an. Les dirigeants algériens nourrissent, indéniablement, une haine profonde envers le Maroc, mais ils ne sont sûrement pas idiots. Ils savent pertinemment que le Polisario ne prendra jamais le Sahara marocain et que la RASD ne verra jamais le jour. Mais tel n'est point l'objectif de leur stratégie, ou, du moins, ne l'est plus depuis de longues années. Les actes des dirigeants algériens, autant que leurs discours, tendent à démontrer que la principale motivation est la crainte de voir un Maroc débarrassé de l'épine polisarienne faire de l'ombre à une Algérie rêvant de leadership régional, mais incapable de le réaliser dans les faits. Alors qu'ils constatent, à l'Ouest de l'Oued Isly, un Maroc ambitieux et entreprenant, même si encore encombré par l'affaire du Sahara. Qu'est-ce que ce serait si le Royaume devait prendre son envol, débarrassé de toute entrave ? En fait, c'est là un faux raisonnement, celui de caporaux approximativement alphabétisés, qui ont « pensé » la nature des relations de l'Algérie avec le Maroc, au lendemain des indépendances. Que ça plaise ou pas, les deux pays voisins sont les deux poids lourds du Maghreb, chacun avec ses propres forces et faiblesses. Mettre en commun lesdites forces des deux pays maghrébins et compenser mutuellement leurs faiblesses aurait été, évidemment, la meilleure chose à faire, au bénéfice de tous les pays de la région. Sauf que les occupants successifs d'Al Mouradia, à l'exception de feu Boudiaf, d'ailleurs assassiné, l'ont toujours voulu autrement. A ce jeu là, toutefois, les Algériens sont obligés de mener une course contre la montre, alors que les Marocains s'en tiennent à leur domaine de prédilection, où ils se sont, d'ailleurs, forgés une renommée mondiale, la course d'endurance. Maintenant que les recettes pétrolières se sont faites plus modestes, il sera plus difficile aux dirigeants algériens de continuer à « carburer » contre le Maroc à grande vitesse, surtout qu'ils auront déjà de la peine à acheter la paix sociale dans les mêmes proportions irresponsables qu'avant la chute des cours du baril. Pendant ce temps, les Marocains, dont l'économie n'est pas rentière, poursuivent leur chemin vers le développement, grâce à leur labeur, tout en concrétisant leurs ambitions africaines. Ce n'est pas sans rappeler une certaine fable du Sieur de La Fontaine, où il est question de cigale et de fourmi. Ce qui a le plus vexé les Marocains, concernant leurs relations avec la France, c'est cette fâcheuse et persistante tendance de la gauche actuellement au pouvoir à l'inscrire dans le cadre d'une triangulation : Maroc/France/Algérie, ce qui est à la fois bête et frustrant. Il y a bien longtemps que les Marocains ont suffisamment mûri pour comprendre que le principe de « l'ami de mon ennemi est également mon ennemi » est un raisonnement erroné. Mais ils savent aussi que non moins nocif qu'un voisin politiquement inconsistant, est un partenaire qui porte des œillères idéologiques. La question de la territorialité de la compétence juridictionnelle pose effectivement problème aux Marocains dans leurs relations avec la France. C'est faire bien peu de cas de la souveraineté d'un État que de prétendre se saisir juridiquement d'une affaire, dont les faits se sont déroulés dans un tiers pays et déjà examinée ou en cours par les instances judiciaires dudit pays. Il est inutile de souligner qu'il n'y a, dans les réserves exprimées à ce sujet par le Maroc, aucune comparaison avec des cas comme celui du diplomate algérien Mohamed Ziane Hasseni, accusé de complicité dans l'assassinat de l'avocat franco-algérien Ali Mecili, en avril 1987, à Paris, sur la base d'écoutes téléphoniques, qui avait néanmoins bénéficié d'un non-lieu en prétendant être victime d'une homonymie... Plus d'un demi siècle après l'indépendance de l'Algérie, il s'avère que le pays voisin a toujours de la difficulté à couper le cordon ombilical avec l'ancienne puissance coloniale, dont il attend toujours la bénédiction et le soutien politiques. Ce que cette dernière est prête à continuellement lui négocier, au gré des ses intérêts conjoncturels. Là encore, la similitude est frappante avec une autre fable du Sieur de la Fontaine, où il est plutôt question de corbeau et de renard. Le Maroc se veut, depuis fort longtemps, au-dessus de ce genre de contingences, basant ses relations sur le respect du Droit international et de la souveraineté des États, outre les intérêts économiques et politiques mutuellement profitables. Un dernier hommage à la sagesse du Sieur de La Fontaine : « Rien ne sert de courir, il faut partir à point ! »