Le CESE recense plusieurs risques et limites du projet de loi. Pour le développement durable du pays le premier de ces risques serait de ne pas disposer d'une loi et de poursuivre les pratiques dégradantes actuelles et les occupations du littoral par des activités sans lien avec celui-ci, de maintenir des risques élevés pour les investisseurs et de voir les investissements structurants rapidement détruits ou rendus inutiles du fait de modifications du littoral générées par des événements climatiques violents et liés au réchauffement de la planète. Le second risque serait de sanctuariser le littoral plutôt que de le considérer comme un gisement renouvelable de productions multiples et variées de richesses matérielles et immatérielles, ce qui conduirait certainement à la systématisation de l'usage anarchique des dérogations pour tout projet générateur de richesses matérielles. Le développement de toutes les filières de valorisation économiques et sociales durables des différents gisements que comprend le littoral doit faire partie intégrante du projet de loi et de ses textes d'application. Il y a plusieurs aspects de principales lacunes dans le projet de loi 81-12 : restriction du système de gouvernance, multiplicité des exceptions et les nombreux renvois aux textes réglementaires et les difficultés de coordination horizontale avec les règlements de voisinage et enfin l'absence d'une approche des changements climatiques dans sa relation avec la recherche scientifique et l'innovation. Le projet de texte prévoit un nombre important de textes d'application (16) qui peuvent aussi bien renforcer l'esprit du texte par une gouvernance rigoureuse et une applicabilité élevée basée sur des bonnes pratiques déjà éprouvées au Maroc que de vider le projet de son objectif principal de valorisation durable des patrimoines naturels du littoral. La dimension de gouvernance n'est pas bien claire dans le projet du texte. Cette dimension désigne le système de répartition des responsabilités qui concernent la gestion du littoral selon les dispositions juridiques contenues dans le projet. Ainsi, on relève, à ce sujet, les constatations suivantes : L'administration responsable de l'application des dispositions d'interdiction, d'autorisation ou de gestion de manière générale n'est pas bien définie dans plusieurs articles du projet. Certes, le projet le concept « la gestion intégrée et durable du littoral » et confirme implicitement la responsabilité collective des principaux acteurs concernés – administrations, collectivités territoriales et établissements publiques – en se basant sur les dispositions et les modalités procédurales dans le texte. Les principales modalités consistent en un système des comités que le texte a indiqué la nécessité de leur création au niveau central – le comité national de gestion intégrée du littoral – et au niveau régional – des comités régionaux de concertation. La question qui se pose ici est de savoir dans quelle mesure on peut s'appuyer seulement sur le système des comités comme un cadre et outil unique de gouvernance du littoral, sachant que cette gouvernance exige une grande connaissance continue des pressions croissantes auxquelles s'exposent les zones du littoral et nécessite une vraie audace et responsabilité et par conséquent, des vastes pouvoirs décisionnels pour imposer le respect de la loi. Malgré les efforts déployés dans le projet de texte pour formuler des dispositions bien précises, l'aspect de concertation et de participation adoptés dans son élaboration impose le recours à des formules générales qui leurs manque la précision requise surtout en ce qui concerne la réglementation des domaines communs avec les règlements avoisinants. A cet égard, il faut reconnaître que cela parait très naturel puisque les zones littorales font partie intégrante du territoire national couvertes par toutes les réglementations sectorielles en vigueur jusqu'aujourd'hui. De ce fait, il ne faut pas s'attendre à ce que le projet de loi relatif au littoral change cette réalité du jour au lendemain d'un seul coup. Pour cela, on constate l'existence d'une sorte de chevauchement ou intersection entre plusieurs dispositions contenues dans le projet de loi avec d'autres dispositions similaires dans d'autres réglementations avoisinantes. Il s'agit notamment des réglementations relatives à l'aménagement du territoire dans son sens large- l'urbanisme, la politique de la ville et politique d'aménagement du domaine et d'habitat – et aux textes juridiques se rapportant au milieu maritime notamment ceux qui visent la protection de la mer contre la pollution et la préservation des richesses maritimes et ceux qui régissent l'exercice de certaines activités économiques maritimes: par exemple, on trouve la loi 52-09, relatif à l'agence nationale pour le développement de l'aquaculture, qui lui confie l'attribution de « répertorier l'ensemble des sites favorables à l'implantation d'activités aquacoles » comme il lui confit aussi «d'établir et tenir à jour le registre de classement des zones maritimes en fonction de leurs degrés de salubrité ». Par ailleurs, certains projets de loi parallèles au projet de loi sur le littoral dont on a informé le conseil économique, social et environnemental, comme le projet de loi portant sur les carrières et le projet de loi relatif à la préservation des systèmes écologiques des pêches et la protection du milieu maritime, peuvent eux aussi poser la problématique d'harmonisation et d'interférence avec les objectifs du projet de loi objet de renvoi. A ce sujet, il faut reconnaître aussi que même avec une grande précision dans la formulation des dispositions de tout texte juridique, cela reste insuffisant en l'absence de la volonté et le désir de collaborer avec les acteurs institutionnels concernés. De ce fait, et parmi les obstacles majeurs auxquels le projet de loi du littoral est confronté demeurent ceux qui résultent d'une transformation d'interférence entre les réglementations en un conflit de prérogatives entre les diverses administrations et institutions concernées ce qui entrave l'outil de planification au niveau régional, et par conséquent, conduit à un gel de l'ensemble des mesures et procédures contenues dans le projet de loi. En outre, faute de collaboration et de coordination entre les secteurs administratifs peut engendrer une incohérence de politiques publics sectorielles et l'absence d'harmonisation entre les objectifs des programmes et les projets à réaliser dans les régions littorales, ce qui peut porter préjudices aux communes urbaines et rurales littorales qui détiennent la prérogative territoriale générale à l'égard du littorale, et qui peuvent se trouver dans une situation très embarrassante et probablement pire que celle qui précède la promulgation de la loi.