Le Proche-Orient retenait son souffle, lundi 19 janvier au matin, après la mort la veille au soir de six combattants du Hezbollah, dont un haut responsable militaire du mouvement, dans un raid israélien sur le plateau syrien du Golan. L'attaque est survenue trois jours après des déclarations de Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, confirmant que celui-ci possédait des missiles balistiques susceptibles de toucher l'ensemble du territoire israélien et revendiquant le droit de la milice chiite libanaise à riposter aux bombardements de l'Etat juif en Syrie. Depuis qu'a éclaté le soulèvement contre le régime de Bachar Al-Assad, en mars 2011, l'aviation israélienne a frappé à plusieurs reprises des sites militaires syriens ainsi que des dépôts d'armes, destinés selon elle au Hezbollah. Dimanche soir, en ouverture de son journal, Al-Manar, la chaîne de la formation chiite, a estimé que les frappes sur le Golan montraient que « l'ennemi est devenu fou à cause des capacités croissantes du Hezbollah et que cela pourrait déboucher sur une aventure coûteuse pour l'ensemble du Proche-Orient ». Au même moment, les rues de la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah, se dépeuplaient à toute vitesse, les habitants redoutant une escalade similaire à celle qui avait débouché sur la guerre de l'été 2006. Des deux côtés de la frontière néanmoins, les analystes sont enclins à penser que le Hezbollah s'abstiendra cette fois de répliquer à l'opération de son ennemi juré par un tir de missiles sur son territoire, susceptible de déclencher un engrenage fatal. Non seulement parce que le mouvement est focalisé pour l'instant sur le front syrien, où il s'est engagé dès 2012 en soutien au président Bachar Al-Assad et où ses forces rencontrent une forte résistance. Mais aussi parce qu'en l'attaquant en territoire syrien, où sa présence n'est pas du goût de tous les Libanais, Israël le prive de la capacité à brandir l'argument de la défense du territoire national. « Etat de confusion » « Le Hezbollah est dans un état de confusion depuis son intervention en Syrie. Son seul salut est dans son retour à l'Etat libanais », a réagi l'ancien député libanais Farès Souhaid, dans un tweet. De son côté, Yoram Schweitzer, directeur d'un cercle de pensée israélien, estimait dans un article du Times of Israel que la riposte du Hezbollah pourrait venir ultérieurement, sous une forme différente d'un tir de missiles : « Même si l'organisation ne répond pas immédiatement, c'est le genre de choses dont il garde un décompte très précis. » L'assaut, mené par hélicoptère, a été donné à proximité de la ville de Quneitra, dans la partie du Golan restée sous souveraineté syrienne, non loin de la ligne de démarcation avec l'autre partie du plateau, occupée par l'Etat juif depuis 1967. La zone est le théâtre de violents combats entre les brigades anti-Assad, notamment le Front Al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaida, et les forces loyalistes, épaulées par le Hezbollah. Ces affrontements débordent à intervalles réguliers du côté israélien du Golan, occasionnant quelques échanges de tirs avec les troupes qui y sont stationnées. Le fils de l'ex-chef des opérations militaires du Hezbollah tué L'armée israélienne n'a fait aucun commentaire officiel. Dimanche après-midi, une source militaire anonyme, citée par les agences de presse, s'était contentée d'affirmer que des « éléments terroristes » avaient été frappés, alors qu'ils préparaient des attaques contre l'Etat juif. C'est le Hezbollah qui a levé un peu plus tard l'incertitude sur l'identité des cibles, en révélant que « plusieurs frères moudjahidin avaient été tués par l'ennemi sioniste, au cours d'une visite de terrain, dans le village de Mazrat Al-Kamal », dans la province de Quneitra. Deux figures très respectées du mouvement chiite libanais ont péri dans les frappes : Jihad Moughniyeh, 25 ans, le fils d'Imad Moughniyeh, chef des opérations militaires du Hezbollah, assassiné en 2008, à Damas, dans un attentat à la voiture piégé, imputé par la milice à Israël ; et le commandant Mohamed Issa, 42 ans, qui supervisait l'intervention du Hezbollah en Syrie. Diplômé de l'université américaine de Beyrouth, la pépinière de l'élite libanaise, Jihad Moughniyeh avait rapidement grimpé les échelons du Hezbollah, au point que certaines sources le présentaient comme le responsable de ses forces dans le plateau du Golan. Cette double disparition porte un rude coup, non seulement à la formation paramilitaire libanaise, mais aussi au régime Assad, dont le maintien au pouvoir dépend de plus en plus du soutien de ses alliés chiites.