En fin de compte, le tassement des cours du baril sur le marché mondial, s'il est de bon augure pour les finances publiques du Royaume, facilitant par ailleurs la tâche du gouvernement concernant la décompensation des produits pétroliers, ses effets seront beaucoup moins positifs à moyen et long termes, retardant l'engagement des compagnies pétrolières dans l'exploration de gisements d'hydrocarbures. Ce qui reporte d'autan la réduction de la dépendance énergétique du Maroc. A moins de 50 dollars le baril, les petites compagnies pétrolières indépendantes ne peuvent continuer à s'impliquer dans des projets d'exploration, leurs coûts de financement réduisant à néant la rentabilité de leurs investissements. Pour les grandes compagnies, ou majors, tels Total, Chevron ou British Petroleum, ce seuil se situe à 60 dollars, même si les fonds importants dont disposent lesdites compagnies leur permettent de maintenir quelques temps les projets de prospection entamés. Toutefois, le ministre de l'Energie souligne que, jusqu'à présent, aucune des compagnies engagées dans des projets d'exploration au Maroc n'a annoncé une mise en veille de ses activités. Kosmos Energy, compagnie pétrolière texane de taille modeste par rapport aux majors du secteur, compte toujours commencer son programme de prospection à Cap Boujdour. Preuve de la continuité de son engagement : la location pour trois ans d'une plate-forme d'exploration pour 7 millions de dollars, avec la possibilité contractuelle de sous-louer ladite plate-forme à d'autres compagnies. Kosmos Energy est parvenue, en effet, à intéresser la BP à ses permis d''exploration au large d'Agadir et d'Essaouira. Au large d'Essaouira, la compagnie sino-pakistanaise PEL procède, actuellement, à des tests sismiques et traitement des données, préalablement au début des forages. La compagnie Circle Oil a enregistré, pour sa part, des résultats probants dans le Gharb et même commencé à écouler sur le marché les extractions de ses puits. Pour assurer le financement de son programme d'introduction sur le marché industriel et domestique du gaz naturel liquéfié (GNL), le Maroc devrait mobiliser 4,6 milliards de dirhams au cours des cinq prochaines années. D'ici là, la décompensation partielle du gaz butane, dont la subvention coûte 15 milliards de dirhams au budget public, devrait être achevée, des études dans ce sens étant actuellement menées. En attendant que le Maroc produise son énergie électrique à hauteur de 45 à 50% à partir d'énergies renouvelables, il devra affronter des cours du pétrole qui ne sont actuellement réduits qu'en raison d'une conjoncture internationale particulière. L'économie chinoise ne va pas rester longtemps atone et l'Arabie Saoudite ne pourra pas éternellement mener la guerre des cours à la Russie et à l'Iran. Le Maroc escompte, donc, rendre opérationnelle une troisième ligne d'interconnexion électrique avec l'Espagne et une autre avec le Portugal, dans le but de recourir moins au pétrole dans sa production d'énergie électrique. Si le budget de l'Etat va bénéficier, à court terme, de la baisse actuelle des prix du baril de pétrole, non seulement cette baisse ne saurait durer très longtemps, mais, en plus, elle influe sur l'engagement des compagnies pétrolières dans la prospection d'hydrocarbures au Maroc. Se préparer à affronter les défis de l'avenir devrait, donc, être la principale préoccupation du gouvernement, au lieu de se satisfaire d'un baril de pétrole bon marché, situation qui n'est pas destinée à durer.