Le phénomène des violences sexuelles faites sur mineurs irait crescendo au Maroc, 11.599 cas d'abus ayant été épinglés entre 2007 et 2012, dont 8129 cas ont concerné des filles (70 %), selon une étude nationale sur les violences sexuelles à l'encontre des enfants, dont les conclusions ont été dévoilées, vendredi à Rabat. Cette étude fait ressortir, avec à l'appui des données quantitatives recueillies auprès du ministère de la Justice et des Libertés, que la violence sexuelle sur mineurs représente 26 % des cas traités entre 2010 et 2012. L'étude, réalisée par l'experte marocaine Hind Ayoubi Idrissi, sous la supervision d'une commission composée de représentants des ministères de la Justice et des libertés et de la Santé, de la Direction générale de la sureté nationale et du Conseil national des droits de l'Homme, relève que les mariages précoces, «forme de violence sexuelle», enregistrent une nette progression au Maroc. En 2013, quelque 35.152 actes de mariage ont été conclus contre 18.341 en 2004, soit une progression de 91,6 %, selon cette étude, la première à traiter le phénomène de la violence sexuelle comme axe principal en impliquant des enfants victimes et en faisant valoir l'approche genre. Ces proportions ne rendent pas compte de la réalité dans la mesure où beaucoup de mariages se font encore par la Fatiha et concernent des filles âgées de moins de 11 ans, fait remarquer l'étude. Elaborée suite à une série de «Focus groups» initiés aux villes de Meknès, Casablanca et Marrakech, cette étude lève le voile sur de nouvelles formes d'abus sexuels à des fins commerciales, à savoir la traite des enfants à des desseins d'exploitation sexuelle, la prostitution des enfants, l'exploitation dans le tourisme, le voyage et la pornographie. Ces manifestations de la violence sexuelle sont très peu documentées, précise l'étude. D'autres formes surgissent au Maroc à travers le développement des technologies de l'information et de la communication, dont les sollicitations en ligne, via les réseaux sociaux notamment, indique-t-on. Par ailleurs, les différentes interventions liminaires ont été unanimes à souligner le danger que recèle ce phénomène, qui fait figure de «la plus abjecte des violations des droits des enfants et qui constitue une agression ignoble de la dignité de l'enfant et de sa sécurité psychique et corporelle». Les chiffres dévoilés par cette étude ne reflètent pas la réalité, en l'absence d'un système d'infirmation national regroupant des données sur la violence sexuelle et vu le caractère tabou de ce phénomène, en particulier chez les familles des enfants victimes, ont souligné les participants Selon Hind Ayoubi Idrissi, le volet théorique de cette étude s'est appesantie sur les différentes publications nationales à ce sujet et sur les statistiques détenues par les services compétents ainsi que sur les expériences des organisations de la société civile en la matière. Côté pratique, le choix des villes de Meknès, Casablanca et Marrakech tient à plusieurs considérations comme l'existence de statistiques et d'associations opérant sur le terrain, a-t-elle ajouté, notant que ces chiffres ont été adossés à des données collectées auprès des tribunaux, hôpitaux, de la police judiciaire, et des enfants dont les témoignages, édifiants, ont été d'un grand apport, tant pour établir l'état des lieux de ce phénomène que pour élaborer des recommandations et formules à même d'assurer leur protection. Dans sa présentation des résultats de cette étude, l'experte marocaine a fait remarquer que ce phénomène, qui touche aussi bien les garçons que les filles, concernent en premier lieu la tranche d'âge entre 15 et 18 ans, suivie de celle des 12 à 15 ans, notant qu'il n'existe guère un lieu où l'enfant peut se sentir en sécurité et que l'auteur de ce crime n'appartient généralement pas à la famille de la victime, mais quelqu'un connu par l'enfant et jouissant de sa confiance. La pauvreté, a-t-elle poursuivi, constitue l'un des éléments revêtant un danger d'abus sexuel à l'encontre de l'enfant, tout comme le handicap, la régression du rôle de la famille, de l'école et de la société dans son ensemble. Les différentes interventions ont également souligné la nécessite d'adopter une stratégie globale dédiée à la protection des enfants, de réviser la loi pénale de manière à garantir la punition des criminels et le dédommagement des familles des victimes, et de consolider le système de protection des enfants selon les références constitutionnelles et les engagements internationaux. Les intervenants ont, en outre, mis en avant l'inéluctabilité de sensibiliser l'enfant au sein de la famille et à l'école, de renforcer les mécanismes d'écoute en les disposant des ressources financières et humaines nécessaires et de créer des établissements spécialisés dans l'accompagnement social et psychique des victimes. Dans le cadre de la célébration du 25ème anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant, le Maroc, rappelle-t-on, avait lancé, le 20 novembre dernier avec l'appui de l'UNICEF, une campagne nation ale pour mettre fin à la violence contre les enfants avec comme objectif une sensibilisation et une mobilisation globale pour la protection des enfants contre ce phénomène. Le Maroc a ratifié la majorité des accords internationaux en la matière, notamment la Convention des Nations-Unis relative aux droits de l'enfant et la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels (Lanzarote 2007). Le Royaume a également participé aux congrès mondiaux sur l'exploitation sexuelle des enfants et des adolescents (Stockholm 1996, Yokohama 2001 et Rio 2008), comme il a organisé en 2001 et 2004 le congrès arabo-africain contre l'exploitation, la violence et l'abus sexuel contre les enfants.