Activiste franco-tunisienne, Samia Hathroubi œuvre dans le domaine associatif, un peu particulier, celui du dialogue des cultures et des religions. Elle est actuellement membre de la Foundation for Ethnics Understanding , sise en France, dont le but est de travailler ensemble contre l'islamophobie en Europe, contre l'antisémitisme et pour contrecarrer certaines dispositions et interdictions de la part des autorités européennes antidémocratiques telles que la circoncision ou l'abattage rituel. Rencontrée en marge du colloque international : «Les femmes au cœur des monothéismes : une histoire plurielle» qui s'est déroulé en novembre à Rabat, elle nous parle de l'islamophobie, du dialogue interreligieux ainsi que du colloque. Activiste franco-tunisienne, Samia Hathroubi œuvre dans le domaine associatif, un peu particulier, celui du dialogue des cultures et des religions. Elle est actuellement membre de la Foundation for Ethnics Understanding, sise en France, dont le but est de travailler contre l'islamophobie en Europe, contre l'antisémitisme et pour contrecarrer certaines dispositions et interdictions antidémocratiques de la part des autorités européennes telles que la circoncision ou l'abattage rituel. Rencontrée en marge du colloque international : «Les femmes au cœur des monothéismes : une histoire plurielle» qui s'est déroulé en novembre à Rabat, elle nous parle de l'islamophobie, du dialogue interreligieux ainsi que du colloque. Volontariat à l'international Historienne de formation, j'ai étudié l'islam. J'ai intégré le bénévolat depuis quatre ans, d'abord dans une association en France qui œuvre dans la lutte contre l'antiracisme et sur le dialogue interculturel. Il y a 3 ans, j'ai fait du consulting en Palestine, au Moyen Orient, en Tunisie et au Maroc avec la jeunesse marocaine sur des programmes de leadership avec un certain nombre d'ONGs. Et, depuis deux ans, je travaille avec une Organisation américaine non gouvernementale, qui a 25 ans d'existence, sur le dialogue intercommunautaire aux Etats unis, entre les afro-américains et les juifs, les hispaniques (les Américains originaires de l'Amérique Latine et d'Espagne) et les Afro-américains et entre les juifs et les musulmans. Le programme judéo-musulman avec les communautés juives américaines et musulmanes américaines a été lancé il y a une quinzaine d'années aux Etats-Unis et s'est développé en Europe depuis 5 ans avec des imams et des rabbins, des partenaires sociaux... C'est un programme ambitieux qui regroupe 45 communautés musulmanes et juives à l'échelle européenne. Mettre une femme musulmane jeune à la tête des leaders musulmans et juifs est à la fois symbolique et fort. C'est une grande responsabilité que d'essayer d'avoir de la pondération et de la diplomatie constructive. Au début, il est sûr qu'il y avait des réticences de la part des imams et des rabbins. Aujourd'hui, on loue ces initiatives sachant que l'on garde une certaine indépendance financière de par les gouvernements. L'argent vient de philanthropes hommes et femmes juifs, musulmans et chrétiens qui financent la « Foundation for ethnics understanding ». Les trois religions y sont représentées. D'où est né le besoin de cet engagement judéo-musulman ? Le dialogue interreligieux consiste à rapprocher les communautés juives et musulmanes pour qu'il y ait plus de dialogue mais aussi pour lutter contre l'islamophobie et l'antisémitisme, et pour que les droits des minorités religieuses soient reconnus dans les pays dans lesquels ils vivent. A la manière de ce qui se fait sur le programme islamo-chrétien, plus ancien et plus avancé, où rencontres entre imams des mosquées et prêtres des églises de France, et toutes les tendances de l'islam et du christianisme français sont d'usage, bien qu'il y ait encore des problématiques qui persistent. Le dialogue judéo-musulman émane, le plus souvent, des autorités publiques qui disent qu'il faut que les musulmans et les juifs parlent ensemble. Un langage qui, en réalité, n'est pas sincère, il est plutôt utilisé par certains acteurs en France, pour des fins politiques notamment pour faire passer la question israélo-palestinienne en France. Le programme judéo-musulman qu'on veut développer en Europe traite de questions spécifiques communes entre juifs et musulmans, tels la circoncision ou l'abattage rituel, source de polémique depuis quelque temps, surtout au Danemark. Il y a eu de la part de la commission européenne et du Conseil de l'Europe, des tentatives d'interdire la circoncision et d'interdire l'abattage rituel, ces deux cibles pointaient essentiellement des doigts les musulmans mais cela touchait également la communauté juive. Deux campagnes ont été menées pour cibler ces questions qui, au fait, impliquent la communauté judéo-musulmane. Une campagne diplomatique a été organisée aux Etats Unis, à Rome, à Londres, à Paris, à Bruxelles contre l'interdiction par le ministre danois de l'abattage rituel, ce qui a eu des échos. A travers cette mobilisation judéo-musulmane, des membres de la communauté ont été reçus l'année dernière par le Secrétaire général du Conseil de l'Europe à Strasbourg, c'était la première fois qu'il recevait une délégation judéo-musulmane. Le dialogue interreligieux nous a permis de repenser nos pratiques, de revivifier notre pensée sur l'abattage rituel. Tous ces retentissements médiatiques ont eu une bonne incidence sur notre cause. C'était également une manière de montrer notre solidarité judéo-musulmane. Actuellement, les comités y sont plus sensibles et font attention à chaque pas et à chaque proposition législative de la part du Conseil de l'Europe et des Etats membres de commissions européennes. Et pour ce qui est de l'islamophobie ? Il est temps que les pays européens prennent conscience de ce qu'est l'islamophobie, un phénomène qui va croissant en Europe. Les britanniques s'en sont rendus compte, la France un peu moins... La plupart des gens disent que, être islamophobe, c'est juste critiquer l'islam, alors que c'est plus grave que cela, c'est un ancrage culturel et un enracinement. D'ailleurs, on plaide aussi pour une définition du point de vue législatif au sein de la fondation. On a pris conscience des enjeux qui sont aujourd'hui sur la scène européenne. On travaille avec des organisations telles que « Tell Mama », le « Network européen contre le racisme », avec les étudiants musulmans et juifs d'Europe, pour lutter non seulement contre l'islamophobie et l'antisémitisme, mais pour essayer de faire converger nos luttes ensemble sur une prise de conscience générale sur ce qu'est l'acte antimusulman et antijuif à l'échelle européenne. Quelle a été votre intervention lors du colloque : Femmes et monothéisme ? Dans mon intervention, j'ai parlé de ce qui se déroule aujourd'hui en Europe et ce que j'appelle une compétition des droits et de racismes. On a le sentiment qu'on a deux poids, deux mesures. C'est ce que confirment, d'ailleurs, les imams : En France, dès qu'on touche à un juif, on touche à la république, et dès qu'on touche à un musulman, il n'y a rien qui se fait. Ce qu'on essaie de montrer, c'est que, à chaque fois qu'on touche à quelqu'un en fonction de son appartenance ou de son identité, on touche à toute une nation. Ne dit-on pas qu'une démocratie est jugée selon la façon dont elle traite ses minorités ? Cette forme de solidarité est éloquente et montre aussi que l'Europe doit prendre conscience de la diversité et du pluralisme du continent. Lors du colloque, une quarantaine de femmes des trois confessions se sont exprimées dans les panels. La première journée était essentiellement universitaire, sur comment lire les écritures saintes, la Bible, le Coran, la Torah pour essayer d'en dégager une vision progressiste ou en tout cas une lecture féministe qui tend vers l'égalité. Car le constat dégagé, c'est que le leadership est exclusivement masculin et qu'il y a un certain nombre de questions et de lois dans les pays arabo-musulmans qui sont iniques et extrêmement inégalitaires envers les femmes. L'apport théologique de pasteurs, des oulémas nous a « lanterné » sur des lectures nouvelles des écritures saintes, ce qu'elles peuvent nous apporter pour essayer d'amener une réforme, mais de l'intérieur et pas de l'extérieur. Il ne s'agit pas dans cette dynamique de dire que c'est le monde occidental qui peut nous apporter le féminisme mais de partir de nos écritures, de nos traditions islamiques pour essayer d'en faire sortir une forme d'équité et de révision de nos propres pratiques. Le dernier panel était sur la jeunesse féminine au cœur de l'interreligieux et sur son pouvoir à revivifier l'interreligieux d'un point de vue chrétien, juif et musulman. Je me suis exprimée en tant que femme musulmane leader d'un mouvement interreligieux européen. Quelles sont vos impressions sur le colloque ? Novateur, de très haut niveau, ambitieux, courageux et réformiste à l'image de Asma Lamrabet, l'organisatrice, membre de la Rabita des Oulémas. Etre entre femmes théologiennes des trois religions, doctorantes en sciences islamiques, qui ont des connaissances en fiqh, femmes actives dans le monde religieux, et pas dans une vision où l'occident ramène toutes les réponses, est déjà une grande étape de franchie. On se rend compte qu'il y a une mauvaise interprétation des écritures saintes et que, il y a des réticences de groupes, souvent masculins, à intégrer un autre regard sur la femme pour qu'elle puisse assumer des responsabilités au sein de leur communauté. Quel message à passer ? Le message à passer est celui d'un islam où il n'y a pas de violences. On matraque notre religion dans les médias, audiovisuel ou presse écrite. L'islam c'est la guerre, c'est la violence, le terrorisme et les discriminations ... Un travail d'éducation et de rééducation poussé doit être mis en œuvre pour changer cette situation. On ne tolère plus ce regard de travers, négatif et minorisant sur des filles ou femmes musulmanes voilées ou qu'elles soient prises à défaut, insultées ou attaqués dans le bus ou dans la rue, c'est ce qui se passe en Europe. On doit aller à la rencontre des autres, comme spécifié dans le coran, assumer nos responsabilités et être présents dans les médias.