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Décentralisation quand tu nous tiens ! : Une analyse du projet de loi organique relative aux «Jamaâtes »
Publié dans L'opinion le 01 - 12 - 2014

La décentralisation est traditionnellement présentée comme étant à la fois une source d›efficacité accrue pour l›action publique et un moyen d›approfondissement de la démocratie. Le bilan mitigé qui peut être dressé de ces deux dimensions de la décentralisation à la marocaine, presque quarante ans après l'adoption de la charte communale de 1976, continue d›entretenir les jeux de rôle des partisans de l'efficacité administrative et des adeptes de l'approfondissement de la démocratie locale.
En l›absence de réforme de l›Etat, mais aussi de choix clairs quant aux cadres territoriaux d›action publique à privilégier, la réforme de la décentralisation de 1976 s'est traduite par une organisation tétanisée du fait des phénomènes de concurrence mimétique entre État et collectivités qu›a exacerbée la co-administration systématique des territoires, mais aussi par la compétition structurelle entre collectivités elles-mêmes. L›empilement de strates administratives, inspiré du système français, a vu ses effets négatifs amplifiés par l›absence de coordination inter-niveaux auquel conduit le principe de non-tutelle. Un tel constat condamne-t-il pour autant tout approfondissement du chantier de la décentralisation ?
Bientôt 40 ans de Décentralisation au Maroc (1976-2016). Depuis l'« Acte I » de Décentralisation inaugurée en 1976, en passant par l'« Acte II » de 2002 et, enfin, notre Décentralisation marocaine s'apprête à entamer une nouvelle étape, avec le projet d'« Acte III » de 2014 : « le projet de Loi organique relative aux Collectivités ou communes ! (on ne sait pas encore quel terme utiliser) .
Si, autrefois, le débat était nourri sur la Décentralisation, aujourd'hui il y a comme une sous-estimation de ce processus que le Maroc a choisi et suivi, bon an mal an, dès le lendemain de l'indépendance. Alors que notre économie est ralentie par la lenteur de nos enchevêtrements administratifs et qu'il est autant prioritaire de s'investir dans la compétitivité de notre industrie que dans la mise à niveau de notre « mille-feuilles » administratif. Lien que l'on manque souvent à préciser. C'est pourquoi, le présent projet de loi organique revêt une importance primordiale pour définir un cadre favorable à la compétitivité de nos territoires appelés à « séduire » les investisseurs et participer au développement économique national. Après quarante ans d'expérience de Décentralisation marocaine, un nouveau cadre institutionnel devrait normalement capitaliser les acquis et aller de l'avant vers plus d'ouverture, de souplesse et de performance.
La lecture et l'analyse du projet de loi organique relative aux « collectivités » fait ressortir un certain nombre de remarques :
- D›abord sur le titre même du projet de Loi, dont il n›existe qu›une version en arabe. Or, la traduction française serait d'une grande utilité dans la mesure où elle nous permettrait de saisir le sens du titre. Ainsi, la traduction française du mot arabe (jamaâtes) peut être soit collectivités, soit communes. D›ou il était nécessaire d›avoir une version en français. Pourquoi ? Car le terme arabe de « jamaâtes » prête à équivoque. Il peut signifier « collectivités » et en même temps « communes ». Dans les deux cas, que cela signifie «collectivités» ou que cela signifie «communes», cela nécessite une précision ou une qualification.
Ainsi, si les concepteurs du texte voulaient signifier que projet de loi organique porte sur les « collectivités », cela manque de précision dans la mesure où il existe plusieurs types de collectivités. Mentionner le terme «collectivités» sans aucun qualificatif, lui attribue un caractère général et ambigu. De quelle collectivité s›agit-il ici ? Du moment qu'on parle de collectivité, il faut lui donner un qualificatif : soit national, soit local, soit ethnique... Si on se mettait à la place des rédacteurs de ce projet, on va comprendre que ces derniers signifiaient par « collectivités », tout court, les collectivités territoriales ou locales sans le spécifier, croyant que les collectivités sont toutes territoriales ou locales et donc il n›y avait pas besoin de le spécifier. Or, les collectivités ne sont pas forcément ou uniquement territoriales. Il existe plusieurs sortes et plusieurs degrés de collectivités. Il y a d›abord les collectivités nationales que sont les Etats. L'Etat est la première collectivité publique nationale, c›est-à-dire une personne morale de droit public, qui a une dimension nationale, contrairement aux collectivités territoriales qui ont une dimension territoriale (communale, provinciale, régionale). Et c›est par rapport à l›Etat, collectivité nationale, que les autres sont territoriales ou locales. Il y a également les collectivités ethniques qui ont une base tribale et une organisation traditionnelle, ces collectivités sont propriétaires de biens fonciers et font l›objet d›un texte juridique qui en détermine l›organisation, le fonctionnement....
Pour toutes ces raisons, et en vue de lever tout équivoque, le législateur doit commencer par rectifier l›appellation du projet de loi en ajoutant la mention territoriales ou locales s'il s'agit de «collectivités». Si ce sont les communes qu›on vise, là encore, il faut mentionner urbaines ou rurales ou les deux à la fois. Ensuite, quant à l›article 8 du projet de loi qui dispose que la collectivité ne peut prendre de « décision réglementaire contrevenant aux décisions réglementaires du chef du gouvernement... ». Alors que l'article 140 de la Constitution dit « les collectivités territoriales disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs attributions.» La Constitution n'a pas lié la validité de ce pouvoir à sa conformité avec celui du chef du gouvernement !
A cet égard, il est à rappeler aux rédacteurs de ce projet qu'une collectivité territoriale est une personne morale de droit public qui exerce sur son territoire certaines compétences qui lui sont dévolues par l'État dans un processus de décentralisation. L'Etat est entendu ici au sens de l'ensemble des pouvoirs publics de niveau national : pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire et c'est le Chef de l'État qui veille au bon fonctionnement de ces différents pouvoirs (et non pas par le gouvernement qui n'est qu'une partie d'un des pouvoirs de l'Etat). Le texte même du projet de loi sur les collectivités dans son article 2 dit que « la commune jouit de la personnalité morale et autonomie fin et forme une partie de l'organisation territoriale du Royaume », de même l'article dit : « la commune gère ses affaires suivant le principe de libre gestion...» : La libre gestion signifie non intervention d'un autre niveau dans ses décisions à condition de respecter les lois. Respect auquel veille le contrôle que l'on qualifie très souvent de tutelle et qui n'est exercé que pour garantir le respect de la Loi nationale et la forme unitaire de l'Etat. La tutelle ne doit pas être confondue avec un quelconque pouvoir hiérarchique : il ne s'agit pas pour l'Etat, encore moins pour le gouvernement, d'user d'un quelconque pouvoir hiérarchique mais de s'assurer que les lois, qui s'imposent à lui aussi, soient respectées par les collectivités décentralisées et cette «surveillance» s'exerce a posteriori, c›est-à-dire après l'édiction de l'acte par la collectivité locale. Or, dans le cas d'espèce, le projet de Loi, non seulement exige la conformité des décisions des Conseils locaux aux décisions du chef du gouvernement, ce qui en fait un contrôle hiérarchique et vide l'autonomie de gestion reconnue par la constitution aux CT et devient, par là même, un contrôle sur l'opportunité de la décision. L'autonomie de la collectivité locale ne serait garantie que si une illégalité de la part de celle-ci susciterait l'intervention de l'autorité de tutelle, et ne dépendrait pas du représentant du gouvernement mais d'un juge.
Ceci dit, le projet apporte une innovation en matière de Tutelle a l›article 9 : « le gouverneur exerce le contrôle administratif concernant la légalité des décisions de la commune » : il s›agit ici du transfert ou de la délocalisation du pouvoir de contrôle, autrefois tutelle de l'administration centrale, vers l'administration territoriale en la personne du gouverneur. Concernant le Président : on relève le retour à la possibilité de renverser le président à mi-mandat par les deux tiers des membres. Le projet de Loi fait ainsi un retour en arrière en réintroduisant la possibilité de démettre le président par les 2/3 comme autrefois du temps de la toute puissance du Ministère de l'Intérieur. Alors que la tendance va dans le sens du renforcement de la position du président à la légitimité populaire directe, cette disposition est une consécration de l'instabilité de l›exécutif communal: on demande au président d›avoir une vision et une stratégie pluriannuelle sur les 6 années et en même temps on le menace qu›il peut être renversé à mi-parcours. Comme autrefois, si on veut la tête d›un président, on s›arrangera pour avoir les 2/3 !! Enfin, au niveau des Finances, la nouvelle loi organique des Finances a apporté de nouveaux principes, à savoir : la gestion axée sur les résultats, la performance, la responsabilité et l'accès à l'information... principes qui seront appliqués dans la gestion des finances de l›Etat mais aussi dans celles des collectivités locales. Or, dans le projet relatif aux « collectivités », ces nouveaux principes ne sont nullement et à aucun moment évoqués ! Enfin, entre les trois projets de Lois organiques qui portent sur la Décentralisation (région, communes et provinces-préfectures), il y a comme une impression de répétition. Il n'y a pas de spécificité propre à chaque texte. Ainsi, on retrouve les mêmes termes, les mêmes phrases reprises dans les trois projets de textes...on a l›impression d›un «copier coller» entre les 3 projets de loi (région, communes et provinces) au point qu'à la lecture de l›un des projets de loi, on a l›impression de lire l›autre...!
Aujourd'hui, le moment est venu d'aborder autrement la Décentralisation et de rompre avec la méthode de défaisance dans laquelle elle s'est progressivement inscrite depuis quarante ans. Une méthode qui, peu ou prou, a sans cesse conduit à demander à l'Etat les résidus de compétences qu'il était bien disposé à octroyer à des collectivités décentralisées faisant souvent office de « consortiums de réalisation ». Cette méthode minimaliste a fini par tourner le dos à l›ambition démocratique qui a historiquement porté la charte communale de 1976. Le système politico-administratif local, dans sa double dimension décentralisée et déconcentrée, perdure encore trop souvent à agir « au nom » de la société civile et des citoyens et non « à partir» d›eux. La notion d›intérêt général reste l›idée que les décideurs s›en font, c›est-à-dire le plus souvent les fonctionnaires de l'Etat, continue à s›en considérer comme le dépositaire exclusif. Au lieu d›organiser des scènes locales de débat public et la participation des administrés pour définir l›intérêt public local, la décentralisation marocaine continue, surtout à ses échelles intermédiaires, d›opposer des pouvoirs «périphériques» représentatifs à un « centre » censé monopoliser la science de l'intérêt général. Par conséquent, plus que par une simple amplification quantitative de moyens et de compétences, c'est à l'aune de son perfectionnement qualitatif qu'il faudra penser, accompagner puis évaluer, tout approfondissement de la décentralisation. Le scénario attendu ici et depuis longtemps, vise à confier à des collectivités locales recomposées la pleine responsabilité de concevoir et de conduire de véritables politiques publiques intégrées capables d'assurer un développement compétitif durable de nos territoires. Un développement dont l'objet doit être de catalyser plus efficacement les initiatives issues de liaisons partenariales renouvelées avec les forces économiques, sociales et associatives locales. Une telle ambition n'a rien de contradictoire avec la volonté de préserver les capacités d'intervention de l'État, garant des grands intérêts nationaux et de notre sécurité collective, des droits sociaux individuels et des libertés publiques, mais aussi cadre d'expression privilégié de la volonté collective ou de ce que certains appellent « la communauté des citoyens »...


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