C'est incontestablement de l'europhorie au pays des hommes intègres. Depuis le 31 octobre dernier, le Burkina Faso est entrain d'écrire une nouvelle page de son histoire. Ce jour qui a vu Blaise Compaoré démissionné, sous la pression de la rue. Et c'est Michel Kafando, un diplomate de carrière à la retraite, qui a été désigné pour mener la transition. Une période qui ne devra pas excéder 12 mois et devra aboutir à l'élection présidentielle en novembre 2015. Mais pour beaucoup d'observateurs, le plus dur reste à faire car les forces en présence - partis politiques, la grande muette, la société et les courtisans de tous bords- laisseront-elles le nouveau Président mener à bien son agenda ? L'ère post-Blaise Compaoré, l'homme qui voulait coûte que coûte se maintenir au pouvoir, après l'avoir occupé pendant 27, à travers la modification de l'article 37 de la Constitution devant lui permettre de briguer un troisième mandat, a bel et bien commencé. Cette nouvelle page que les Burkinabés écrivent aujourd'hui est l'illustration de l'expression de la société civile, des partis d'opposition mais aussi de la volonté de l'armée qui a évité un bain de sang au pays. C'est même volonté d'aller de l'avant qui a abouti à la désignation, dans un esprit consensuel, de Michel Kafando, un diplomate de carrière, âgé de 71 ans, et qui était à la retraite après de longs et loyaux services rendus à son pays. L'esprit et le caractère de ce mode de choix montrent, si besoin est, que le peuple Burkina Faso est mature car c'est l'intérêt supérieur de nation qui a été mis au-dessus de toutes autres considérations. Et c'est à juste titre que le Président en exercice de la CEDEAO, John Dramani Mahama, Président de la République du Ghana s'est félicité de la signature solennelle de la Charte de la Transition et de la désignation du nouveau chef de l'Etat en qualité de Président civil de la Transition. « Ces actes démontrent une fois encore, la volonté du Peuple burkinabé, de ses Forces vives et de ses Forces de défense et de sécurité de privilégier l'intérêt supérieur de la nation. A cet égard, la CEDEAO encourage toutes les parties prenantes à respecter l'esprit et la lettre de la Charte de la Transition au cours de sa mise en œuvre. La CEDEAO considère que la signature et l'entrée en vigueur de la Charte de la Transition ainsi que, la désignation du Président de la Transition consécutives à la levée de la suspension de la Constitution sont des avancées positives qui ouvrent la voie à la mise en place d'une transition civile devant permettre le retour à une vie constitutionnelle normale à l'issue d'élections libres », a ajouté John Dramani Mahama. Cependant, il insiste sur le fait qu'il revient maintenant « à tous les acteurs de favoriser la mise en place effective et rapide des organes de la transition civile qui doit conduire, d'ici novembre 2015 au plus tard, à la tenue d'élections démocratiques libres, inclusives, pacifiques et transparentes. L'action concertée et déterminée de la communauté internationale, en particulier celle de l'Union Africaine, de la CEDEAO et des Nations Unies, qui se sont rapidement engagées en appui à la résolution de la crise a joué un rôle clé » avant d'ajouter que « l'Union européenne restera engagée aux côtés du Burkina Faso pour l'accompagner dans le processus de transition ». Pour ce qui est de l'Union africaine, bien qu'elle ait réagit tardivement malheureusement comme c'est toujours le cas dans ce genre de situation, l'institution panafricaine a salué le courage et la détermination du peuple burkinabé tout en l'invitant à s'unir pour la réussite de la transition. D'ailleurs, il semble que les travaux du prochain Sommet de l'UA seront largement consacrés à l'épineuse question de la modification de la Constitution dans les pays africains afin d'éviter d'autres drames aux peuples du continent d'autant plus que des « dinosaures » au pouvoir, depuis des décennies, ne veulent pas entendre parler de l'alternance. Derrière la réussite de la révolution burkinabée, qui n'a laissé aucun Africain indifférent, les interrogations fusent de toutes parts. En effet, les forces en présence- les partis d'opposition, la société civile, l'armée et les courtisans de tous bords - laisseront-elles Michel Kafando mener à bien son agenda ? Cette question mérite d'être posée dans la perspective de l'élection présidentielle de novembre 2015 car ce sont les amis d'aujourd'hui qui seront les adversaires dans l'urne. Certes, l'armée restera républicaine mais qu'en sera-t-il des autres parties surtout que l'ancienne majorité ne sera pas exclue du jeu politique ? Indéniablement, le risque et la peur de l'arrivée de nouveaux démons ainsi que la reconquête des privilèges déchus feront que d'aucuns n'ont aucun intérêt à ce que la transition réussisse. C'est en cela que le plus dur reste à faire. C'est justement ce qu'il faut craindre. Il appartient donc à Michel Kafando de ménager les choux et les chèvres pour que la révolution du 30 octobre ne devienne pas un rêve brisé.