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Chefchaouen, ville à dimension humaine
Publié dans L'opinion le 26 - 10 - 2014

A Chefchaouen une première ballade initiatique dans la médina est une découverte particulière. Le promeneur ne se lasse pas d'arpenter ces ruelles étroites, sinueuses, escarpées, piétonnes, bordées de petites maisons aux belles portes cloutées dotées d'auvents de même que les fenêtres au bois de cèdre, façades peintes à la chaux bleue « nila » avec des toits inclinés coiffés de tuiles ocres. Construites sur un terrain montagneux aux contreforts nord-ouest du Rif, dans le pays des Jbala, avec topographie accidentée en pentes abruptes, les maisons, qui épousent les dénivellations du terrain, laissent parfois dépasser de sous le mur de façade vers la ruelle une roche dure, ronde, massive. Est-ce le symbole de la montagne rocheuse qui regimberait farouchement à toute velléité de nivellement ?
A Chefchaouen, comme partout ailleurs dans d'autres villes traditionnelles, les artisans vivotent. Les ateliers de tisserands, pour ne citer que ce corps de métier, depuis des années voient leur nombre diminuer. C'est pourtant chez eux qu'on trouve les articles les plus appréciés jellab (jellaba courte), châles, mendil, draps, tapis de laine aux couleurs diaprés.
« La crise européenne a pesé lourd sur le commerce à Chefchaouen comme partout ailleurs et par conséquent sur les artisans qui peinent à joindre les deux bouts » confie un bazariste du quartier Souika.
Toutefois des choses sont préservées. Ainsi la vie ici est encore très simple, les habitants sont accueillants, la propreté est de rigueur, la sécurité est totale de jour comme de nuit. Dans les ruelles à partir de Bab al Ain et quartier Souika des femmes rurales proposent des légumes et fruits de saison, pain d'orge et jben fromage de chèvre emblèmes de la diète méditerranéenne. Dans la place Outa Lahmmame, du nom du premier hammam de la cité construite il y a cinq siècles, il arrive que des jeunes, se faufilant dans la masse des foules bigarrées, proposent du haschisch. On entend dire qu'on n'est pas loin des régions de la culture du kif.
Au fil de la promenade on peut faire des rencontres intéressantes avec des artisans atypiques comme Lmfaddel El Jaidi tisserand, auteur de romans en arabe inédits, très critiques sur la vie sociale dont « Damnat Lmakhzen », un roman entièrement écrit sur une place célèbre de Chefchaouen où l'auteur donne la part belle aux laissés pour compte (Lire article ci-contre). On rencontre aussi des personnalités de la ville comme Mohamed Hakoun, peintre et photographe qui a à cœur de contribuer au rayonnement de la ville (lire entretien ci-contre).
Chefchaouen, petite ville du Nord du Maroc, perchée à 600 mètres d'altitude, est située à l'est de Tétouan, à une heure de route par CTM. Elle est fondée par des Andalous ayant quitté l'Andalousie avant la chute de Grenade en 1492. L'empreinte de ces premiers habitants est restée visible notamment à travers des petites maisons d'architecture hispano-mauresque.
C'est le Grenadin Ali Ben Rached qui construit la Kasbah portant son nom en 1471. Il se marie avec une femme, Zahra, originaire de la petite ville d'Anadlousie, Vejer de la Frontera, région de Cadix, qui lui donne deux enfants dont As-Sayyida Al-Hurra de Tétouan, célèbre initiatrice de la course contre les Ibériques. Ben Rached choisit un site éloigné du littoral et assez escarpé pour être difficile à attaquer et aussi facile à défendre pour ceux qui s'y réfugient, avec de l'eau à foison et une richesse agricole et forestière dans les environs avec pin et cèdre du Rif. C'est le pays des tribus Jbala et Ghomara. Ce sera un émirat autonome. Le choix du site géographique, assez reculé, s'explique par la situation où se trouvait le Maroc à l'époque, au XVème siècle, attaqué de toutes parts par les Portugais et les Espagnols qui occupèrent plusieurs ports de la Méditerranée et de l'Atlantique.
A l'origine donc Chefchaouen était une place forte pour défendre le territoire contre des envahisseurs et stopper l'avancée des Ibériques de Sebta vers les terres intérieures marocaines. Le flux progressif d'une population de migrants andalous, musulmans et juifs, avec artisans, marchands, agriculteurs, savants, architectes, façonnera au fil du temps une identité de la ville dans sa configuration actuelle avec ses quartiers disposés en cercle autour de la Kasbah et du Masjid al Aadam. Cette grande mosquée est construite pour la prière et la transmission du savoir, avec son beau minaret de forme octogonale.
La médina abrite vingt mosquées et un grand nombre de mausolées et zaouias, ce qui lui a valu dans le passé le surnom de Madina Saliha (ville sainte) et la réputation de cité hermétiquement fermée au non-musulmans jusqu'aux années 1920 après les combats héroïques livrés par les combattants du grand Abdelkrim Khattabi contre les armées coloniales espagnoles et françaises.
Relevant de la toponymie amazighe, l'origine du nom de Chefchaouen est controversée tantôt signifiant pour les uns un maquis de résistance, pour d'autres le nom d'une ancienne tribu qui habitait la région, tantôt encore on y relève des connotations de mixité et de métissage d'un site hospitalier accueillant de populations réfugiées venues d'horizons divers pour constituer une communauté homogène avec l'apport majeur des tribus autochtones Ghomara. Mais l'explication qui emporte plus d'adhésion des historiens est celle qui veut que le nom est constitué de Chouf Echaouen (regarde les deux cornes) autrement dit « regarde les deux montagnes » qui constituent les défenses naturelles du site. Il s'agit ici en l'occurrence des monts Kalaa et Meggou respectivement entre 1600 à 2000 mètres d'altitude.
La médina, tissu urbain historique, est constituée de plusieurs quartiers qui portent l'empreinte de son histoire. C'est progressivement que ces quartiers y ont vu le jour, au gré des vagues successives de migrants d'Espagne qui ont apporté avec eux un art culinaire, musique andalouse, artisanat, techniques de construction etc. Etendue sur 23 hectares, elle est ceinte de remparts dotés de huit portes : Bab Al-Ain, Bab Souk, Bab Jnan al Qaaid, Bab El Makhrok, Bab El Ansar, Bab Sebbanine, Bab el Harmoun, Bab El Hammar. Elle est constituée de six quartiers : Souika historiquement le premier quartier construit, Bab Souk, Kharrazine, Rif Andalous, Ansar, Sebbanine. Les ruelles de ces quartiers convergent vers un point central qui est la place Outa Lhammam où se trouvent la grande mosquée et la Kasbah avec son musée ethnographique. Cette place draine de nombreux visiteurs avec des boutiques, cafés et restaurants tout autour.
Autre site où convergent les foules, la source Ras al Maa au bout du quartier Sebbanine. Elle a certainement compté dans le choix pour l'édification de la ville dans cet endroit précis. Le spectacle du jaillissement de l'eau du pied de la montagne attire des foules quotidiennes de promeneurs avides de détente. Mais l'eau n'est plus aussi abondante que par le passé remarque les Chefchaounis. Il semble qu'ici aussi l'impacte de la sécheresse n'a pas manqué de laisser son empreinte et ça fait longtemps qu'il n'a plus neigé en hiver sur les tuiles ocres. Dans le passé l'eau très abondante permettait grâce au courant fort de faire fonctionner des moulins nombreux. Aujourd'hui encore la source fournit la ville en eau potable et depuis quelque temps c'est l'ONEP qui s'en charge. Les gens ironisent sur la « mainmise » de l'ONEP qui fait payer la consommation d'eau aux habitants, « une eau douce, don divin à portée de main et qui ne coûte pas un centime pour le distributeur » ! Il est vrai que le promeneur ne peut pas ne pas savoir gré au fait de pouvoir boire l'eau fraiche des fontaines qui jalonnent les ruelles et ce en toute sécurité en pensant qu'elle provient directement du cœur de la montagne.
Comme c'est souvent écrit et répété : photos et peinture reproduisant ruelles, derbs et portes de la médina bleue, séduisent d'emblée et constituent une invitation irrésistible au voyage aussi bien pour les Marocains que pour les étrangers dit-on. Image d'Epinal, diront les plus sceptiques. La séduction des images de Chefchaouen est une tradition qui ne daterait pas d'aujourd'hui puisque le peintre espagnol orientaliste, Mariano Bertuchi Nieto, né à Grenade en 1884 et mort à Tétouan en 1955 et qui avait eu une influence sur l'école de peinture de Tétouan, avait dans le même esprit peint Chefchaouen dans des tableaux célèbres comme « Ruelle de Chefchaouen » (1941). Le photographe espagnol Francisco Garcia Cortès de même en avait laissé de clichés mémorables.
Chefchaouen contemporaine abrite souvent des manifestations où exposition de photos et peintures prennent une place prépondérante. La musique andalouse et la hadra prestation musicale d'origine spirituelle sont souvent de la partie lors de fêtes religieuses. La ville s'est fait connaître culturellement par le premier festival de la poésie créé en 1966 à l'initiative de deux grands poètes natifs de la ville Mohamed Maymouni et Abdelkrim Tabbal. Aujourd'hui beaucoup de poètes, écrivains et peintres participent à l'animation de la petite ville. La ville tiendrait la dragée haute à bien des grandes villes pour une certaine aura internationale. Ainsi en mars 2010 la ville a été le théâtre de la signature de « Déclaration de Chefchaouen » pour la reconnaissance de la Diète méditerranéenne comme patrimoine immatériel par l'Unesco. Les signataires étaient, en plus de la ville de Chefchaouen, trois autres villes Soaria (Espagne) Koroni (Grèce) et Cliento (Italie). Cet appel a effectivement abouti à la reconnaissance de la Diète méditerranéenne comme patrimoine immatériel de l'Unesco. Il s'agit d'un art de vivre, symbiose entre l'environnement naturel et l'art de la table basé sur les produits du terroir. Cette reconnaissance serait une base supplémentaire pour la coopération entre les peuples de la Méditerranée. Vaste programme. Il semble en tout cas que Chefchaouen a préservé la symbiose précitée grâce à ses femmes et ses hommes et de par un échange fructueux, équilibré et pérenne entre la ville et son arrière pays.


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