«J'étais à peine né lorsque Fidel Castro est arrivé au pouvoir, donc l'idée que les politiques mises en place en 1961 puissent être aussi efficaces aujourd'hui [...] me paraît peu sensée.» Ces quelques mots prononcés par le président des États-Unis, il y a près d'un an, sont-ils le signal d'une normalisation des relations entre Washington et Cuba, qui endure un embargo depuis plus d'un demi-siècle ? C'est l'espoir que formule le «New York Times» dans son éditorial, publié dimanche 12 octobre. À la lumière des conflits dans le monde, la présence de Cuba sur la liste américaine des quatre pays finançant le terrorisme – aux côtés de l'Iran, du Soudan et de la Syrie - a-t-elle un sens ? Pas pour les éditorialistes du quotidien new-yorkais. «Cuba a été placée sur cette liste en 1982 alors qu'elle finançait des groupes terroristes en Amérique latine. Ce n'est plus le cas. Des officiels américains ont même reconnu que La Havane avait joué un rôle constructif dans le conflit colombien en accueillant les pourparlers de paix entre Bogota et les dirigeants de la guerilla. [...] Barack Obama y gagnerait à bien regarder Cuba [sur une carte], car un changement majeur de ses relations pourrait apporter un certain succès à la politique étrangère menée par les États-Unis.» Des pertes estimées à plus de 116 milliards de dollars Et le "New York Times" de démontrer en plusieurs points qu'un changement de politique entre Cuba et les États-Unis est «politiquement faisable, afin de rétablir des relations diplomatiques formelles et de démanteler l'embargo absurde». Le régime Castro – tout comme les Nations unies – n'ont eu de cesse de dénoncer cet embargo qui «isole du monde le Cubain ordinaire». Il aurait causé à l'économie de l'île communiste des pertes estimées à plus de 116 milliards de dollars, selon un chiffre donné en septembre 2014 par le gouvernement cubain. Les pertes ne sont pas seulement économiques, elles pénalisent surtout les tentatives de libéralisation initiées par le gouvernement communiste. Depuis l'arrivée au pouvoir de Raul Castro en 2008, une brise de liberté frémit sur l'île caribéenne. Les habitants sont désormais autorisés à prendre un emploi dans le secteur privé et à devenir propriétaire. Au printemps dernier, les députés cubains ont, en outre, voté une loi encourageant les investissements étrangers dans le pays. Ainsi, le Brésil a aidé l'île à financer la construction d'un port, un projet viable seulement si les sanctions américaines sont levées... L' ouverture de Cuba n'est pas que financière mais aussi politique. Le régime autoritaire a ainsi libéré des prisonniers politiques détenus depuis plusieurs années. Les restrictions de voyage ont de plus été assouplies, permettant à des dissidents de se rendre à l'étranger, rappelle le «New York Times». «Ces changements prouvent que Cuba se positionne dans une ère post-embargo», affirme le quotidien. Fin décembre 2013, Raul Castro s'est d'ailleurs déclaré prêt à dialoguer avec les États-Unis si l'indépendance et le système politique de l'île étaient respectés. Des propos tenus quelques jours après une poignée de main historique avec Barack Obama, lors des funérailles de Nelson Mandela. Un changement de génération Et le "New York Times", qui n'en est pas à son premier éditorial pour la levée de l'embargo, n'est pas seul à penser ainsi. «La génération qui a supporté inflexiblement est en train de s'éteindre». En atteste un récent sondage, selon lequel 56 % des Américains seraient favorables à une normalisation des relations avec l'île que Washington traite en paria depuis les années 1960. Plusieurs gestes ont été faits en ce sens par l'administration Obama. En 2009, des lois ont facilité les voyages des Cubains résidant aux États-Unis vers leur pays natal ainsi que l'envoi de vivres à leurs proches sur place. Il a en outre autorisé les visites d'ordre culturel ou sportif, et plusieurs nouveaux aéroports américains, en plus de celui de Miami, opérent des vols vers Cuba. Mettre totalement fin à l'embargo nécessitera l'accord du Congrès. Et c'est là où le bât blesse... «À chaque fois que quelque chose concernant Cuba veut être entrepris, il y a toujours une ferme opposition de quelques membres du Congrès. Ce n'est jamais le bon moment", a confié à Reuters un officiel américain, souhaitant garder l'anonymat. En attendant, le «New York Times» rappelle que "la Maison Blanche peut faire bien plus sans l'aval du Congrès. Par exemple, autoriser les Américains à financer les entreprises privées cubaines ou étendre les autorisations de voyage vers l'île». Car n'est pas Beyoncé et Jay-Z qui veut. Contrairement au couple star venu célébrer en avril 2013 leur anniversaire de mariage sur l'île, les Américains ont toujours l'interdiction de s'y rendre. «Au regard des nombreuses crises à travers le monde, Barack Obama doit – et il devrait voir [dans la normalisation des relations avec La Havane, NDLR] cela comme une opportunité de marquer l'Histoire.»