Le géant américain Apple a mis fin aux spéculations en dévoilant début septembre sa très attendue montre connectée, de quoi prendre de court les horlogers suisses par une éventuelle déferlante des SmartWatch. Après les juteux secteurs de la téléphonie mobile et de la musique en ligne, le groupe californien débarque dans la filière des accessoires de mode où il souhaite ouvrir, dès 2015, «le prochain chapitre» de son histoire. Déconcertés, les spécialistes redoutent que la montre intelligente de la marque à la pomme ne vienne faire de l'ombre sur les traditionnels modèles «made in Switzerland», véritable vitrine de l'industrie helvétique. Et comme pour rassurer le marché, le patron de Swatch Group, Nick Hayek, estime que «les investisseurs sont sous pression en raison du franc fort, pas des smartwatches». «Nous ne sommes pas nerveux. Ce sont les groupes qui produisent de tels objets : Apple, Samsung, LG Electronics, qui sont hypernerveux», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. Les investisseurs ne semblent pourtant pas aussi détendus : l'action de Swatch, numéro un mondial, a perdu plus de 2 pc à la Bourse de Zurich au lendemain de la présentation de l'iWatch mardi dernier. En ratant «le virage» des montres connectées, les groupes du pays helvétique seraient en passe de reproduire la même erreur que dans les années 1970 quand ils avaient négligé la concurrence des montres à quartz japonaises. C'est en tout cas l'avis du co-inventeur de la Swatch aux années 70, Elmar Mock, qui porte un regard sans concession sur la non-participation des horlogers helvètes au marché naissant de la montre connectée. A ses yeux, l'évènement aujourd'hui n'est pas tellement la mise sur le marché d'une nouvelle génération de montres, mais le fait que le géant Apple en soit le concepteur. C'est un marché qui possède un grand potentiel, mais l'expérience du consommateur sera assez fondamentale pour dire si le nouveau produit sera adopté à grande échelle ou pas, a-t-il fait observer. Dévoilée la semaine dernière, la première Smartwatch sera disponible début 2015 au prix de départ de 349 dollars, avec deux tailles d'écrans tactiles et toute une série de bracelets interchangeables. Elle sera aussi équipée de capteurs permettant de surveiller le pouls, la forme et les mouvements de celui qui la porte. L'iPhone sera indispensable pour faire fonctionner l'Apple Watch. Selon les professionnels du secteur, un total de 100 millions de montres intelligentes devraient être commercialisées chaque année, soit un marché qui pèserait autour de 30 milliards de dollars, soit davantage que l'ensemble de l'horlogerie suisse. Les montres connectées sont donc en mesure d'empiéter sur une partie du marché helvétique, notamment les marques dites «plate-bande» que monopolisent Swatch et Tissot. Presque tout le monde s'accorde à dire qu'il n'y a pas une menace existentielle pour les entreprises de fabrication des montres mécaniques. D'après une étude publiée récemment sur l'arrivée de la nouvelle génération de montres connectées, il est difficile de croire au scénario selon lequel celles-ci pourraient menacer le secteur, comme l'avaient fait les montres nippones aux années 1970. En 2013, la Suisse a exporté 28 millions de montres à un prix moyen unitaire de 1.500 dollars, dont 1,6 million aux alentours de 20.000 dollars ou plus. Or pour le chef de l'entreprise Tag Heuer, Stéphane Linder, la vigilance reste en tout cas de mise face à l'arrivée des montres intelligentes «qui nécessite une anticipation des risques d'une révolution technologique d'envergure».