Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
Réunion de la commission maroco-russe : Des perspectives prometteuses du partenariat stratégique avec Moscou : En géopolitique, il n'y a pas de place aux sentiments
La commission maroco-russe qui se tient jusqu'à mercredi, à Rabat, est un des événements des plus attendus de la rentrée politique de cette année. Cette 5ème session revêt un aspect très particulier dans un contexte de guerre froide version « 2.0 » et son cortège de sanctions économiques mutuelles entre l'Occident et la Russie, qui offrent, paradoxalement, une opportunité historique au Maroc pour diversifier son partenariat extérieur. La Russie absorbe déjà 15% des exportations agroalimentaires du Royaume. Profitant de l'aveuglement de nos partenaires européens, qui ont privilégié l'affrontement politique avec la Russie à leurs intérêts économiques, les exportateurs marocains sont bien décidés à exploiter au maximum l'occasion qui se présente, en écoulant encore plus de légumes et de fruits sur le marché de ce pays. Un marché sur lequel ils ne sont, par ailleurs, soumis à aucun quota. Il est à rappeler que nos partenaires européens avaient décidé, de manière unilatérale, de réviser les conditions d'entrée des produits agricoles marocains sur leurs marchés, mettant ainsi en péril quelque 50.000 emplois. Il faudrait, toutefois, les remercier d'abandonner leur place sur le marché russe des produits agricoles, ce qui permettra non seulement de sauver lesdits emplois au Maroc, mais offrira également aux exportateurs nationaux l'accès à un marché russe autrement plus prometteur que celui de la vieille Europe, appauvrie par la crise. Le marché russe n'est pas acquis d'office aux exportateurs marocains des produits agroalimentaires. Leurs confrères d'Amérique latine et ceux d'Asie leur disputent déjà l'entrée du portillon du juteux marché russe. Cependant, rôdés au contact des Européens à jauger rationnellement leurs atouts compétitifs et points faibles, les professionnels marocains ont décidé de promouvoir essentiellement les produits maraîchers, dans un premier temps. Au-delà de l'aspect purement économique du sujet, le spectacle d'opérateurs économiques marocains, débarrassés de leur tropisme européen, voguer hardiment vers de nouveaux horizons, est le plus rassurant pour l'avenir du Maroc. Les Marocains ont bien retenu les propos de feu Hassan II. On peut tout changer, sauf la géographie. Le Maroc n'a nulle volonté de remettre en question ses relations privilégiées avec ses partenaires européens. Mais ces derniers présentent, ces derniers temps, des signes de grave désorientation. Alors que le spectre de la récession plane à nouveau sur le vieux continent, les décisions politiques à caractère antiéconomique prises par les partenaires européens constituent des erreurs, dont la moindre des choses est de se dissocier. Ceci sans parler du rôle, de plus en plus flou, joué par ces derniers, depuis quelques années, autant au Proche-Orient qu'en Afrique du Nord. Le gaz russe et l'hiver ukrainien Les médias européens auront beau hurler à une prétendue menace militaire que ferait peser la Russie sur les ex-pays de l'Union soviétique, saisis par la fièvre de l'OTAN, l'opinion publique internationale non-occidentale est de moins en moins convaincue. Sinon, pourquoi le Kremlin aurait-il poussé les rebelles de Nouvelle Russie à signer récemment une trêve à Minsk, en Biélorussie, avec le gouvernement ukrainien, alors que sur le plan militaire la situation est, actuellement, tout à l'avantage des premiers ? Dans la nouvelle charrette de sanctions imposées par l'Union Européenne à la Russie, Bruxelles s'est bien gardée de suivre l'exemple des États-Unis et de s'en prendre aux compagnies gazières russes. Sans le gaz russe, les pays de l'Est européen risqueraient fort de geler cet hiver. Moscou le sait parfaitement et ne le veut pas non plus. Fins stratèges, les Russes cherchent le statu quo et attendent patiemment que l'hiver vienne à bout de l'actuel régime politique ukrainien, sans qu'ils aient à bouger le petit doigt. Les Ukrainiens, qui n'ont pas payé leurs factures de gaz russe, n'auront pas de quoi se chauffer cet hiver. A moins d'en « prélever » sur celui destiné aux marchés européens, qui transite en gazoduc par leur territoire. Quant aux conditions du FMI pour accorder crédit à Kiev, elles sont de natures à provoquer un nouveau Maïdan. Pendant ce temps, les rebelles de Nouvelle Russie vont prendre leurs quartiers d'hiver sans manquer de rien, correctement approvisionnés par la Russie, avec laquelle ils contrôlent actuellement presque tout le tracé frontalier. Il est fort à parier que le régime politique de Kiev n'ira pas jusqu'au prochain printemps. En géopolitique, il n'y a pas de sentiment, dit un slogan actuellement très à la mode à Moscou. Sa véracité n'en est pas moins vérifiée à Rabat. Car, Dieu merci, le portefeuille de la politique étrangère du Maroc n'est plus entre les mains du parti qui dirige l'actuel gouvernement. Le triste spectacle du premier vice-président pijidiste de la Chambre des Représentants, le jeudi 11 du mois en cours, à Oslo, saluant les « valeurs communes » que le Maroc partagerait avec les pays européens, lors d'une conférence au sommet des présidents des parlements européens, sans oser toucher mot sur l'attachement des Marocains à leurs valeurs religieuses et leur rejet de la permissivité sociale, promue en Europe, est plus que navrant. Orthodoxie religieuse et mysticisme géopolitique On n'a pu que rester ébahi d'étonnement et de honte de voir le très « islamiste » responsable du PJD se taire piteusement face à la motion de dénonciation du Maroc en raison de sa législation peu favorable à l'homosexualité, adoptée en la présence de la délégation de parlementaires marocains dont il présidait la visite auprès de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, à Strasbourg, il n'y a pas plus longtemps qu'en juin de l'année dernière. Il n'a réagi ni à l'époque, ni jusqu'à présent. Ses œillères idéologiques l'empêchent-elles de voir que le Maroc peut trouver des alliés pour obliger les Occidentaux à admettre qu'ils se doivent de respecter les valeurs religieuses et traditionnelles des autres peuples de la planète ? Les islamistes marocains se sont tellement épuisés à dénoncer l'Occident, de manière souvent excessive, avant d'accéder au pouvoir, qu'ils en sont tombés dans le travers inverse une fois qu'ils s'y sont installés. Le syndrome afghan semble, d'autre part, façonner jusqu'à présent leur vision de la Russie. Les péripéties de la crise syrienne n'ayant pas dû arranger les choses. Parmi les points de convergence entre le Royaume du Maroc et la Fédération de Russie, soulevés par l'ambassadeur de Russie à Rabat, M. Valérie Vorobiev, lors de son rapport sur la région présenté à la conférence des ambassadeurs russes, en juillet, à Moscou, celui de l'attachement aux valeurs dites « traditionnelles » de chaque peuple, que les pays occidentaux s'évertuent à dénoncer, considérant leurs standards sociaux comme la norme à laquelle les autres peuples se doivent de plier. Pour des barbus hantés par les « esprits » et affamés de reconnaissance franc-maçonne, les conceptions géopolitiques à dimension mystique d'un intellectuel russe comme Alexandre Douguine doivent littéralement relever d'une autre dimension de pensée. Copieusement dénigré en Occident, l'influence des idées originales de Douguine est pourtant indéniable sur l'élite politique nationaliste russe. Après plus d'un demi-siècle d'indépendance, le Maroc a atteint un niveau de maturité politique et socioéconomique qui lui permet de nourrir de nouvelles ambitions géopolitiques, bien au-delà du cadre étriqué d'un Maghreb en panne et, en partie, livré au chaos et d'un voisinage européen en crise et incapable de remettre en cause ses choix politiques pour s'en extraire. Ne vont pas manquer d'apparaître, sur le chemin de la concrétisation desdites ambitions, moult tentatives, franches et directes ou déguisées et sournoises, d'empêcher le Maroc d'aller de l'avant. Les mouvements de subversion locaux, à l'instar du 20 février, vont soudainement regagner en activité, quelques médias alternatifs éructer plus vigoureusement leur haine du « Makhzen » et les campagnes de dénonciation de non-respect de « droits », des plus légitimes à ceux qui prêtent le plus à débats et propres à diviser la société, risquent fort de connaître une notable inflation. Mais les Marocains, dans leur écrasante majorité, ont parfaitement saisi les enjeux en cours et font bloc derrière leur monarchie pour affirmer pleinement la souveraineté du Maroc à diversifier ses partenaires pour aller de l'avant. Dans le monde multipolaire en construction accélérée par les faux pas de l'Occident, qui croyait pourtant ainsi empêcher son affermissement, le Maroc se doit dès à présent d'établir ses réseaux de relations pour pouvoir prétendre s'y tailler une place à la mesure de ses capacités, sans se sous-estimer, ni se sur-estimer. Le partenariat stratégique avec une puissance de l'envergure de la Russie, qui n'encourage ni le séparatisme, ni le « chaos régénérateur », outre l'accès à son marché très prometteur, constitue certainement un atout politique majeur pour le Royaume. Comment dit-on gagnant-gagnant dans la langue de Pouchkine ?