Dans un contexte d'impuissance générale à régler le conflit israélo-palestinien, la France, qui se targue d'avoir de longue date une voix singulière sur ce dossier, peine aujourd'hui à livrer une vision et un message clairs, estiment des chercheurs et des diplomates. Partisane de la solution à deux Etats, se prévalant de bonnes relations avec toutes les parties, et d'autant plus attentive au conflit qu'elle abrite les plus importantes communautés juive et musulmane d'Europe: la France, sur ce dossier explosif, défend une «position traditionnelle», «une ligne équilibrée», «un langage de longue date». «La position traditionnelle de la France est : il n'y aura pas de paix tant que la sécurité d'Israël ne sera pas garantie et tant que les droits des Palestiniens ne seront pas reconnus», a encore assuré mercredi devant l'Assemblée nationale le chef de la diplomatie Laurent Fabius, démentant toute «rupture avec la tradition de la position française». Mais les déclarations jugées très pro-israéliennes du président socialiste François Hollande au lendemain du déclenchement le 8 juillet de l'offensive sur Gaza - le chef de l'Etat avait fait part de la solidarité française sans mentionner les victimes palestiniennes, avant de rectifier le tir quelques jours plus tard -, puis le débat sur l'opportunité d'interdire ou non des manifestations propalestiniennes après des incidents antisémites, ont soulevé des interrogations. Communication ‘en zigzag' La communication des autorités françaises «est en zigzag. Un pas en avant, un pas en arrière», juge Antoine Basbous, qui dirige l'Observatoire des Pays arabes. «Cela se ressent aussi dans la politique vis-à-vis des manifestations: un coup on les autorise, un coup on les interdit. Il n'y a pas de clarté, le message est brouillé», ajoute-t-il. Sur le fond, la politique française n'a pas produit de résultats tangibles jusqu'à présent, même si tous les observateurs reconnaissent que la France ne fait pas exception dans un contexte d'impuissance généralisée. Laurent Fabius a fait une tournée de trois jours en fin de semaine dernière en Egypte, Jordanie et Israël, où il a multiplié les entretiens. «A tous, j'ai tenu le même langage, qui est depuis longtemps celui de la France: il faut un cessez-le-feu immédiatement dans le conflit mais il faut aussi aller sur la négociation pour trouver enfin le chemin de la paix», a-t-il expliqué. Pourtant, comme en novembre 2012, où il s'était rendu en pleine opération «Pilier de la Défense» des forces israéliennes contre le Hamas à Gaza, le ministre est reparti bredouille. «J'ai plaidé pour un cessez-le-feu, mais cela n'a pas été entendu», a-t-il reconnu samedi en quittant Tel Aviv. Son entourage assure que la multiplication des contacts a pourtant fait avancer les choses. «On a activé des canaux. Notre force est d'avoir de bonnes relations tant avec l'Autorité palestinienne qu'avec Israël, ainsi qu'avec d'autres interlocuteurs» comme le Qatar qui peut influer sur le Hamas, fait-on valoir de même source. Mais multiplier des médiateurs aux intérêts parfois rivaux - comme le Qatar et l'Egypte - «entretient la confusion», réplique Yves Aubin de la Messuzière, ancien diplomate français qui avait noué à la demande du Quai d'Orsay des contacts secrets avec le Hamas entre 2008 et 2010. Il juge aujourd'hui toujours nécessaire d'avoir un «dialogue direct et sans concessions» avec le mouvement islamiste, considéré comme organisation terroriste par l'Union européenne. ‘Manque de vision' Au-delà du conflit actuel entre Israël et Gaza - le 3e en sept ans -, M. de la Messuzière déplore «un manque de vision», «une atonie» généralisée. «Le dossier proche-oriental est devenu secondaire, marginal, notamment pour la diplomatie française, depuis les printemps arabes. On le considère comme un conflit de basse intensité qu'on peut régler ponctuellement», affirme ce spécialiste. «Le conflit israélo-palestinien a malheureusement été pas mal négligé» ces dernières années, éclipsé notamment par la Syrie qui a constitué une priorité de la politique etrangère française, confirme une source diplomatique. «L'activisme français sur le dossier n'a jamais cessé», réfute le cabinet de Laurent Fabius, en affirmant qu'au sein de l'UE, Paris assume clairement «le leadership sur cette question». «C'est se faire illusion de penser que la France et l'Europe ont encore une influence sur la région», rétorque Jean-François Legrain, un chercheur spécialiste de la région. «Israël ne veut pas d'une présence européenne, l'Europe sert de tiroir-caisse à l'Autorité palestinienne tout en ayant une incompréhension totale de ce qu'est Hamas, puisqu'il n'y a pas de contacts», ajoute-t-il.