En 1910, grâce aux recherches audacieuses de Kandinsky, le courant abstrait est né. D'autres artistes s'y joignent, avec des directions variées : rayonnisme, suprématisme, néoplasticisme... Engendré par les deux mouvements antagoniques, l'expressionnisme et le cubisme, le courant abstrait va se formuler dans les deux écoles du cubisme, le courant abstrait va se formuler dans les deux écoles du moment, De Stijl et Bauhaus, trouvant dans le design et l'architecture, tout en portant en lui deux tendances antagoniques, l'abstraction lyrique et l'abstraction géométrique. Depuis sa naissance dans la Grèce antique, la culture européenne est stimulée par la loi des contrastes, par la confrontation entre le sentiment et la raison, le parallélisme ou la conciliation entre ces deux grands concepts, ainsi que par l'enchaînement évolutif de la création et de la pensée. *La conception abstraite A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la tendance lyrique de l'abstraction, celle du sentiment, est née, comme arme de résistance en France, comme appel à la liberté des hommes, jointe par l'abstraction géométrique, la tendance de la raison, comme appel à la paix, voulant instaurer l'équilibre et la conciliation. L'adoption du courant abstrait par les artistes du monde arabe, surtout au Maroc, en Tunisie et au Liban, a été dans les années 1960, comme une révolution dans la scène artistique où prédominent les styles figuratifs. Ces jeunes artistes d'alors, ébahis devant la production des deux tendances abstraites vues en Europe, durant leurs études, se sont contentés, pourtant, d'appliquer dans leurs œuvres les techniques de ces courants, sans pouvoir analyser, ni ses conceptions, ni son enchaînement évolutif. Seulement, par l'adoption du courant abstrait dans ces pays cités, ainsi que par l'adoption de la nouvelle figuration dans d'autres pays arabes, se formule la deuxième étape de la vision artistique au Maroc et dans le monde arabe : l'étape des influences, une étape évolutive nécessaire, car à travers elle, la création artistique, dans son bouillonnement, rompt (avec l' « art de rupture » annoncé par certains artistes marocains) avec le statisme figé de l'étape pré artistique. Après l'indépendance, l'art au Maroc a connu une effervescence culturelle et artistique, illustrée par l'abstraction, seulement, les artistes qui ont brandi ce courant sont restés dominés par les mouvements abstraits. Le souci essentiel de ces artistes, comme l'a écrit Abdellah Stouki, « était de démontrer combien était fallacieuse la tentative d'infantiliser le créateur marocain » (Catalogue de l'exposition Arts Plastiques Méditerranéens, Casablanca, 1983). Certes, ces artistes n'ont pas voulu que l'art au Maroc soit considéré comme naïf et primitif. Ils ont voulu se mesurer aux autres artistes, mais s'appariant des techniques des maîtres, sans presque aucune innovation, sauf certains artistes qui ont trouvé des voies plus recherchées dans l'art. *Le style abstrait lyrique Parmi les styles adoptés par les artistes marocains, se situe l'abstraction lyrique avec ses différentes directions : informel, gestuel, tachisme, etc. la plupart des artistes influencés par cette tendance au début ont cheminé vers des recherches plus audacieuses et plus authentiques, des recherches qui tournent autour du signe. Les autres ont persisté dans l'informel ou le gestuel, tout en épurant leurs techniques. Tout un éventail se forme et s'élabore, de l'automatisme à l'orchestration chromatique, en passant par la libération de l'inconscient, comme chez Jilali Gharbaoui, et la recherche du rythme, comme chez Labied Miloud. On cite encore parmi ces artistes, Ahmed Amrani, Omar Bouragba, Nouffissa Benjelloune, Tijani Chrigui et Amina Benbouchta. *Le style abstrait géométrique Deuxième style à partir duquel vont surgir les tendances abstraites qui tournent autour du signe ou de l'architecture, l'abstraction géométrique a attiré plusieurs artistes au Maroc, ainsi que dans le monde arabe. Elle a des affinités avec l'abstraction géométrique islamique, et en adoptant ce style, la plupart de ces artistes ont été conscients de la richesse de leur patrimoine arabo-berbère ; mais au lieu de se libérer de l'influence occidentale, puriste et mécanique, au lieu d'analyser cette tendance et ce qu'elle a engendré comme mouvements plastiques, tels le constructivisme, l'op'art, l'art cinétique, le minimalisme..., au lieu d'analyser aussi la conception islamique et les arts traditionnels locaux, certains de ces artistes restent bloqués dans leur style, dominés par le formalisme ou le cinétisme qu'ils ont adoptés. D'autres s'en vont ou bien vers un géométrisme coloré, tout en plaquant parfois des motifs d'architecture, ou bien vers la répétition et la combinaison des formes géométriques simples, tout en cherchant des compositions décoratives où prédominent le rythme, la transparence ou les contrastes colorés. On cite, parmi ces artistes, Mohamed Melchi, Hamid Alaoui, Karim Bennani, Mohamed Hamidi, Abdelkrim Ghattas, Abdelmajid Bouaffia, Hamid Kalmoune et Aziz Rhokhsi. Certains de ces artistes vont évoluer, grâce à des recherches importantes ; on va les trouver dans des tendances nouvelles. Mais, parmi les jeunes, on distingue encore l'influence de l'abstraction géométrique dans leurs travaux. Parmi eux, on cite Youssef Belmahdi, Sanaa Bezzaz, Abdelhadi Mourid, Rachid Taleb et Mohamed Hafidi.