Les jihadistes de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL) ont renforcé jeudi leur présence à Boukamal, principale localité à la frontière irako-syrienne, après l'allégeance à ce groupe par des jihadistes rivaux dans cette zone. «L'EIIL a renforcé sa présence à Boukamal, où des combattants du Front Al-Nosra --branche syrienne d'Al-Qaïda-- ont prêté allégeance» au groupe jihadiste qui opère en Irak et en Syrie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Des militants pro-EIIL ont diffusé une vidéo sur YouTube montrant un grand convoi de voitures et de camions entrant dans la localité et portant le drapeau noir de l'EIIL. «Les convois de l'EIIL circulent dans Boukamal après sa conquête, grâce à Dieu», ont commenté d'autres sympathisants du groupe extrémiste sur Twitter. «Nous vous félicitons d'avoir annoncé notre ville comme secteur rattaché à l'EIIL», a annoncé dans un communiqué l'émir d'Al-Nosra à Boukamal, expliquant toutefois que cette «union» a été conclue en vue d'éviter «l'effusion de sang». A Boukamal, des combattants d'Al-Nosra ont en effet prêté allégeance à l'EIIL, pourtant leur frère ennemi, permettant à ce dernier de contrôler les deux côtés de la frontière, avec la prise samedi d'Al-Qaïm, la ville voisine irakienne. Boukamal est l'une des principales villes de la province pétrolière de Deir Ezzor, dans l'est de la Syrie. Toutefois, ailleurs dans cette province, les combats continuaient de faire rage jeudi entre l'EIIL et Al-Nosra qui tente de défendre ses bastions, selon l'OSDH. La majorité de la région de Deir Ezzor est aux mains de l'EIIL, qui avance dans l'ouest irakien et qui aspire à créer un émirat islamique entre la Syrie et l'Irak. D'après Romain Caillet, spécialiste des mouvements islamistes, le ralliement de combattants d'Al-Nosra à l'EIIL «s'explique par la puissance du groupe, la crainte qu'il inspire, ainsi que par l'affaiblissement d'Al-Nosra sur le terrain». Bien financé et bien armé, l'EIIL voit également son prestige s'accroître dans les milieux jihadistes après ses avancées fulgurantes en Irak, selon M. Caillet, d'où la défection de certains combattants d'Al-Nosra en sa faveur. La menace de l'EIIL pour l'Irak, mais aussi pour d'autres pays de la région est telle que le secrétaire d'Etat américain John Kerry a réuni jeudi à Paris ses pairs de Jordanie, d'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis pour évoquer en urgence la crise irakienne et la menace posée par ces jihadistes. L'intervention Syrienne ne serait pas la bonne solution Jeudi les Etats-Unis ont indiqué s'opposer à toute intervention militaire de la Syrie dans la crise qui secoue l'Irak, confronté à une offensive d'extrémistes sunnites, le régime de Damas ayant été accusé de mener des raids aériens contre les jihadistes. L'armée syrienne a mené mardi des raids aériens contre des insurgés du côté syrien de la frontière avec l'Irak, a déclaré jeudi le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki à la BBC. La porte-parole du département d'Etat américain Marie Harf n'a pas confirmé ces frappes, mais a affirmé lors d'un point de presse qu'une intervention militaire par le régime syrien de Bachar al-Assad ne serait «en aucune façon salutaire à la sécurité de l'Irak». «Le défi de la sécurité en Irak ne peut pas et ne devrait pas être résolu par le régime Assad, par des raids aériens du régime Assad, ou par des milices financées et soutenues par d'autres pays dans la région», a insisté Mme Harf. Le président Barack Obama, qui s'était opposé à l'invasion américaine en Irak en 2003, a offert d'envoyer quelque 300 conseillers militaires dans le pays pour épauler l'armée irakienne face à l'avancée des jihadistes, qui ont déjà pris des pans entiers de territoires. Mais M. Obama a refusé de s'engager davantage et Washington, qui a pris ses distances avec le Premier ministre irakien al-Maliki, un dirigeant chiite, réclame depuis deux semaines la formation d'un gouvernement uni et rassembleur à Bagdad entre chiites, sunnites et kurdes. Le président américain avait aussi résisté aux appels à une intervention américaine en Syrie contre Bachar al-Assad, pointé du doigt pour sa répression de la rébellion, menée par des sunnites à la fois modérés et extrémistes. Mme Harf a précisé jeudi que l'Iran, à la différence de la Syrie, pouvait en revanche «jouer un rôle constructif» en Irak si Téhéran «agissait véritablement pour promouvoir un gouvernement inclusif» intégrant toutes les parties, et non de façon sectaire en défendant les seuls intérêts chiites. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry se rend vendredi en Arabie saoudite, allié des Etats-Unis et monarchie sunnite critique à la fois du régime Assad et du gouvernement Maliki.