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Hydrographie au Maroc : Splendeur passée et promesse d'avenir
Publié dans L'opinion le 08 - 06 - 2014


Une superbe naissance
Au Maroc, l'hydrographie est née en 1260 le long de l'embouchure du Bou Regreg (1) . Cette année là, Monsieur l'Ingénieur Mohamed Ben Ali effectue le levé des fonds marins, estime l'intensité des courants et étudie le flux des marées. Son but : donner à la ville de Salé le statut de place maritime fortifiée, dotée d'un port artificiel situé à l'intérieur de la cité.
C'est, à ma connaissance, la première fois au monde que l'on engage des travaux de cette envergure sur un front, à la fois océanique et urbain.
À la suite de cette réalisation majeure dans l'histoire portuaire de notre pays, les Sultans du Maroc instituent, dans chaque port, un service hydrographique sous la responsabilité d'un personnage lettré appelé «Fquih». Cette disposition demeure en vigueur jusqu'à la fin du XIXème siècle. La principale activité journalière du Fquih consiste à repérer le chenal d'accès, à annoncer l'heure et la hauteur de la marée, à évaluer le vent et à codifier la navigation côtière. En particulier, il connaît de manière empirique le zéro hydrographique, c'est-à-dire le niveau le plus bas pouvant être atteint par la surface de la mer en un lieu donné.
Monsieur l'Ingénieur Mohamed ben Ali (2)
L'idée de Monsieur l'Ingénieur Mohamed ben Ali consiste à construire une forteresse munie de deux portes marines donnant accès à un port intérieur. Par sa vision, il bouleverse la façon de concevoir la relation à la mer : elle devient source d'énergie.
Notre ingénieur s'appuie sur ses connaissances en hydrographie et retient le principe d'utiliser la dynamique des grandes marées pour faire pénétrer les eaux du flot océanique. En particulier, il constate que la topographie de Salé autorise le retour de ces eaux vers le fleuve par simple gravité. La force motrice est donc entièrement fournie par la nature : c'est là que réside son génie (3) d'hydraulicien.
Ayant ainsi défini les bases de son projet, Mohamed ben Ali le met en œuvre : il creuse un bassin de 1 hectare et le relie à l'oued au moyen de deux canaux ; puis il entoure le port par une grande muraille et renforce les remparts existants, fixant par là même, pour huit siècles, les limites de l'espace citadin.
Deux portes matérialisent la communication fluviale et sont assez spacieuses pour permettre le mouvement des navires. L'une située sur la façade Sud, Bab Dar eç-çanaâ (porte de l'arsenal), ouvre sur l'oued et l'autre à l'Est, prend le nom de Bab el Mrisa (porte du petit port) (4).
Nivellement général du Maroc (NGM)
En ce qui concerne la description des côtes, des croquis sommaires sont dressés, de temps à autre, par divers navigateurs selon les besoins marchands ou militaires.
Il faut attendre 1855 pour que soit publiée la première carte marine (Dumoulin). Elle englobe le littoral méditerranéen du Maroc.
La façade atlantique n'est traitée qu'en 1902 par le lieutenant de vaisseau G. de Caqueray, à
l'initiative de la Société Schneider. À compter de cette date, les cartes sont régulièrement révisées et complétées par des données incluant la température et la salinité.
Cependant, en raison de la première guerre mondiale (1914-1918), la campagne de mesures la plus significative n'a lieu qu'en 1919. À cette occasion, on procède à l'établissement du NGM (nivellement général du Maroc).
En 1925, les enregistrements archivés du médimarémètre du port de Casablanca permettent de vérifier et d'authentifier le nivellement officiel.
Zéro hydrographique
En ce qui concerne l'ajustement du zéro hydrographique, les principales missions sont organisées en 1933 (Chavanier) et en 1952 (Brémond). À cette occasion, on consolide l'instrumentation et on améliore la précision des calculs.
Puis du 20 au 25 novembre 1963, dans un élan patriotique particulièrement émouvant, Monsieur Réboul du service de géodésie (Rabat) décide d'exploiter 39 années d'observations. Il actualise la position du repère de l'échelle des marées installée sur la digue Moulay Youssef (port de Casablanca) : il trouve + 2.1708 m par rapport au zéro hydrographique.
Ce résultat admirable est quasi définitif car il intègre deux fois la période nécessaire à la définition correcte du niveau moyen, soit 18 ans 2/3 solaires ou 6 362.5 jours lunaires (période chaldéenne).
Les corrections incluant les constantes harmoniques des cycles très longs, de durée supérieure à 39 ans, ont en effet une incidence tout à fait négligeable.
Après le départ à la retraite de Monsieur Réboul, l'hydrographie marocaine tombe dans l'oubli et finit par disparaître.
Égarement
En 1972, le département des ports confie à un consultant «l'étude relative à la création d'un service hydrographique au Maroc» ; cette démarche demeure sans suite (5).
L'ampleur du recul et de la perte n'apparaîtra qu'en 2002, année où on transfère le projet du port «Tanger Atlantique» vers le détroit de Gibraltar. Le repérage des divers travaux (assises des digues et quais, dragage des bassins) doit être calé sur le zéro hydrographique du site (Oued R'mel).
Ceux qui président aux destinées du secteur portuaire découvrent alors leur incapacité à comprendre ce concept pourtant élémentaire. Pour sauver les apparences, ils dotent, à la hâte, le département de tutelle d'une entité de façade pompeusement dénommée «hydrographie et océanographie». Puis ils font faire une détermination hasardeuse du zéro hydrographique dans la zone d'implantation. La tentative se solde par un échec et on se trompe de beaucoup : + 1.32 m sous le zéro NGM au lieu de + 0.60 m (6). Devant l'urgence, l'agence responsable du chantier Tanger Med prend acte de l'handicap scientifique et finit par se résigner à faire appel à un bureau d'étude canadien (7).
Une fois de plus, on ne peut que constater l'importance d'interroger l'histoire de notre patrimoine maritime car huit siècles plus tôt, le Fquih avait parfaitement assimilé la notion de zéro hydrographique.
Promesses d'avenir
Aujourd'hui, l'hydrographie fait appel à des technologies de pointe, ayant pour objet la collecte et le traitement de données sur la côte comme en mer. Il s'agit de produire et de diffuser les informations relatives à la sécurité de la navigation ainsi qu'à la préservation, la défense et l'exploitation du milieu marin. Mais son importance est devenue cruciale en raison des exigences de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dite de Montego Bay (1982). Elle est entrée en vigueur en novembre 1994. Le Maroc l'a ratifié le 11 juin 2007 ; cet engagement a fait l'objet du Dahir n° 1-04-134 du 23 mai 2008, publié au B.O. n° 5 714 (5 mars 2009).
Les pays signataires disposent d'un délai de dix ans pour soumettre leurs revendications quant à l'extension de leurs limites maritimes au-delà de 200 milles marins (sans toutefois dépasser les 350 milles marins) en se basant sur la bathymétrie (courbe d'égale profondeur 2 500 mètres), sur la modification de la pente du plateau continental et sur la géologie.
Les services hydrographiques nationaux sont les seules institutions ayant compétence à fournir officiellement les informations relatives à la ligne de base à partir de laquelle sont déterminées les limites maritimes permettant d'établir les zones de souveraineté des pays concernés.
En janvier 2008, faisant preuve de résilience, la Marine Royale décide de renouer avec une tradition millénaire : elle active un plan de six ans pour mettre enfin à niveau l'hydrographie nationale et redonner à notre pays l'autonomie scientifique dans une discipline devenue incontournable sur la scène internationale.
La Marine Royale a respecté méthodiquement, avec persévérance et rigueur, étape par étape, l'ensemble de ce programme : c'est un accomplissement admirable (8).
CHERFAOUI Najib
Fait à Casablanca, le 25 mai 2014.
1. Pour la petite histoire, il faut savoir qu'à l'origine de ces évènements, on trouve Yacoub ben Abdallah (gouverneur du Ribat el-Fath et de Salé sous le Sultan mérinide Abou Yahia). Il se brouille avec le nouveau Sultan Abou Youssef Yacoub son oncle et fait alliance avec la Castille. Ainsi, trente-sept navires de guerre castillans mouillent en face de Salé, au dernier jour du mois de ramadan de l'an 658 de l'hégire (1260). Dans la mi-journée du vendredi 2 chaoual, les guerriers castillans débarquent et prennent au dépourvu les habitants, occupés à célébrer la fête de l'Aïd al-Fitr. Yacoub ben Abdallah, réfugié à Ribat el-Fath, fait alors appel à Abou Youssef Yacoub en opération à Taza. Le Sultan arrive à marches forcées et, après quatorze jours de siège, reprend la ville.
2. Dans son fameux livre, Kitab el-Istiqça, Ahmed Ben Khaled En Naçiri donne le nom de notre ingénieur, Mohammed Ben Ali Ben Abdallah Ben Mohammed Ben El-Hadj le Sévillan. Le célèbre vizir nasride Ibn Al-Khatîb nous renseigne également sur sa vie. En particulier, Mohammed le Sévillan contribue, vers 1276, à l'alimentation en eau de Fès la Neuve : il est l'auteur de l'immense roue élévatoire, proche de la porte principale de la ville qui permettait que l'eau, transférée au niveau convenable, soit distribuée ensuite dans les palais et la ville par simple gravité.
3. Le mot «génie» apparaît pour la première fois en 1532 chez Rabelais, à la fois pour définir les aptitudes et les talents et pour désigner, comme le latin genius, la divinité tutélaire de chacun. Puis les hasards du lexique font voisiner «génie» avec «ingénieur», transformant «génie» en suffixe désignant la capacité de produire.
4. Par ailleurs, il remarque que l'environnement géographique de Salé possède en abondance des matériaux de construction : du grès facile à tailler et durable, du marbre de carrière, de l'argile et du sable pour le mortier. Le bois nécessaire aux travaux provient des chênes lièges de la forêt de la Mamora.
5. L'appel d'offres est lancé par la Direction du Port de Casablanca. Le 21 juillet 1972, la prestation est confiée pour un délai de 35 jours au candidat Ingémer (53 rue des Petits Champs à Paris 1er).
6. Ils adoptent dans l'étude ORi/PSi/ 712076 R2 (février 2002) pour le zéro hydrographique de Tanger Med une position située à 1.32 m sous le zéro NGM.
Ce qui est évidemment faux, car le zéro hydrographique se trouve environ à 0.60 m sous le zéro NGM comme stipulé dans la note N°02520/03.
7. La TMSA (Agence Spéciale Tanger Méditerranée) confie au consultant «Océanide» la détermination du zéro hydrographique pour Tanger, Ksar Seghir et le site du port de Tanger Méditerranée (Oued R'mel). La mission se déroule de mai 2003 à avril 2004. Elle comporte des mesures marégraphiques, l'acquisition des données météorologiques, l'analyse harmonique des enregistrements et l'examen des fluctuations résiduelles. (Réunion du conseil de surveillance de la TMSA en date du 05 novembre 2003 ; diapositives N°8 et 9).
Figure 1 : La porte marine Bab El Mrisa, construite à Salé entre 1260 et 1270, ouvre sur le soleil levant et relie la ville à oued Bou Regreg au moyen d'un canal. (D'après une peinture très réaliste de 1920).
Figure 2 : Le projet de port de l'ingénieur Mohamed Ben Ali date de 1260 ; il consiste à creuser un bassin sur la rive droite de l'estuaire, protégé par une muraille et relié à oued Bou Regreg ainsi qu'à l'Océan au moyen de deux canaux ménagés depuis deux portes marines,
l'une destinée à l'entrée des navires et l'autre à leur sortie. La qualification «le bien gardé de Dieu» est due au Sultan Moulay Zidane.
Figure 3 : Carte marine de la baie de Rabat-Salé et de l'embouchure du Bou Regreg. Ce plan dressé en 1671 par la marine française met en évidence le besoin en données hydrographiques pour indiquer les zones dangereuses aux navires de combat. Au large, dans la zone de mouillage, les profondeurs varient entre 4 et 12 toises, (une toise vaut 1.82 m). La légende indique que les vaisseaux marchands accostent à Salé (rive droite) et les vaisseaux corsaires à Rabat (rive gauche).
Figure 4 : Plan du port de Fédala (1953) ; à partir de 1929, les bassins et les abords de l'enceinte portuaire font l'objet de mesures hydrographiques intensives pour garantir la fiabilité des données indispensables à l'accueil sécurisé des navires transportant les matières dangereuses et les produits pétroliers raffinés.
Figure 5 : Hydrographie du port de Fédala (Mohammedia) en 1770 ; la compagnie madrilène «Los Cinco Grenios Mayores» obtient en 1766 le monopole des céréales et installe des magasins à grains. Cette compagnie fait dresser un plan bathymétrique de l'abri naturel délimité par l'île de Fédala (L), définissant le poste d'accostage (M), identifiant l'îlot (L), montrant les récifs dangereux (K), indiquant l'orientation nord de l'entrée de la baie (I) et le niveau des profondeurs en brasses (une brasse ou toise vaut 1.82 m) ; les longueurs sont en lieues marines (une lieue vaut 5.5 km). Par cette initiative, la compagnie a anticipé l'autorisation accordée par le Sultan Sidi Mohamed Ben Abdellah pour extraire les amas considérables de blé conservés dans les matamores (silos creusés en terre pour stocker les récoltes).


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