La pénurie d'emplois de qualité est un facteur d'émigration déterminant, en particulier chez les jeunes diplômés des pays en développement. L'écart de salaire entre les pays d'origine et les pays d'accueil est généralement de 1 à 10. En 2013, plus de 230 millions de personnes vivaient dans un pays différent de leur pays de naissance – une hausse de 57 millions par rapport à l'an 2000 – l'Asie du Sud représentant près de la moitié de cette hausse. Pour relever ces défis, il convient, d'abord et avant tout, de stimuler la diversification des capacités de production plutôt que de se contenter de libéraliser les échanges... Les faits présentés dans le chapitre 5, notamment les études de cas des pays qui ont réussi à améliorer leurs capacités de production, montrent que le développement passe par une stratégie qui permet de diversifier l'activité économique et d'accroître la capacité des entreprises durables à créer des emplois de qualité. Si le secteur manufacturé est habituellement associé à une croissance économique rapide et à la création d'emplois de qualité, le rapport met en lumière des expériences réussies s'appuyant sur le développement agricole et rural, un usage efficace et équitable des ressources naturelles et des services qui relient au reste de l'économie. Il n'existe pas de modèle de développement unique et le rapport consigne les exemples de réussite de pays à tous les stades de développement. Les contraintes liées aux ressources naturelles et les limites environnementales auxquelles sont confrontés tous les pays peuvent être tournées à leur avantage par les économies émergentes ou en développement qui saisissent l'occasion d'un «saut technologique». A cet égard, l'économie verte offre de nouvelles perspectives aux pays en développement qui sont moins confrontés à la nécessité d'adaptation que les économies avancées, aux structures de production anciennes, à forte intensité de carbone. Dans tous les cas, cependant, il est vital d'éviter que la croissance économique se concentre dans un petit nombre de secteurs orientés à l'export, peu intégrés au reste de l'économie. Les politiques de diversification économique, les mesures destinées à faciliter la formalisation et le développement des entreprises, et le respect des normes du travail peuvent tous contribuer à un développement plus global et à la promotion du travail décent. La transformation de la production doit s'appuyer sur un climat favorable aux entreprises, y compris des politiques macroéconomiques de soutien. Les expériences menées dans plusieurs pays asiatiques et latino-américains illustrent la capacité qu'ont les stratégies de développement de favoriser une diversification de la production, en collaboration avec le secteur privé, et de créer un environnement stimulant pour les entreprises, tout en garantissant que la demande globale est suffisante, surtout au moyen de politiques macroéconomiques contracycliques. Ces pays ont aussi fait leurs preuves en instaurant des mesures de contrôle des capitaux bien calibrées afin de maîtriser la volatilité des mouvements de capitaux et de maintenir des taux de change à la fois prévisibles et compétitifs. Ces constatations apportent un nouvel éclairage sur le rôle des pouvoirs publics dans les pays en développement. Selon les idées reçues, des interventions sélectives et un soutien ciblé pourraient être une source de distorsions et d'inefficacité économique. En réalité, la réussite repose sur des stratégies de diversification prudentes dans le contexte d'une libéralisation progressive des échanges, conformément aux engagements multilatéraux. ... deuxièmement, de renforcer les institutions du marché du travail plutôt que de négliger les normes du travail... Les institutions du travail et de la protection sociale sont des facteurs essentiels de la croissance économique, des emplois de qualité et du développement humain. Il n'est pas possible de parvenir à une diversification économique sans prendre de mesures actives pour combattre la faible productivité dans l'agriculture et les petites et moyennes entreprises, la médiocrité des conditions de travail et le fort taux d'informalité. La force et la pérennité de la croissance sont menacées par le creusement des inégalités sociales et par le développement incontrôlé des comportements de rentier parmi les détenteurs de ressources naturelles et les propriétaires fonciers. Renforcer l'efficacité de ces institutions demeure un défi de taille pour de nombreux pays en développement. Les mécanismes de détermination des salaires et les réglementations du travail doivent être soigneusement conçus et une grande attention accordée aux capacités de mise en oeuvre. Malgré ces difficultés, d'intéressantes innovations ont récemment vu le jour dans ce domaine. L'utilité des salaires minimaux pour lutter contre la pauvreté au travail et les inégalités, tout en favorisant la participation au marché du travail, est de mieux en mieux reconnue. Le rapport cite l'exemple de plusieurs pays en développement qui ont trouvé des solutions novatrices pour fixer et appliquer des salaires minimaux, notamment grâce au dialogue social. De la même manière, une négociation collective bien menée peut avoir des effets positifs sur la répartition des revenus tout en déjouant les pièges de l'informalité et de la faible productivité. L'un des problèmes majeurs est le recul de la couverture de la négociation collective – une tendance tout aussi manifeste dans les économies avancées. La question de la protection de l'emploi, qui fit l'objet de débats animés mais sans examen systématique des pratiques actuelles, est soigneusement étudiée dans le rapport. Contrairement aux pronostics, l'assouplissement de la réglementation du travail n'a pas facilité la transition vers l'emploi formel. Au contraire, le rapport donne des exemples de pays, tels que l'Argentine, qui ont combattu l'informalité par le biais d'approches pragmatiques, associant réforme fiscale, protection sociale, accélération des procédures d'enregistrement des entreprises et meilleure application de la loi.