Dans notre pays, les services d'hygiène relèvent principalement des compétences des communes. Mais à voir l'état déplorable de certains abattoirs gérés par ces communes, l'on ne peut que douter de l'intégrité et de la compétence des messieurs affectés à l'hygiène. Car par un tel je-m'en-foutisme ne sommes-nous pas entrain de faciliter la tâche et d'encourager encore davantage l'abattage clandestin ? Jusqu'à quand allons-nous nous contenter de ne rien faire d'autre à part encaisser des taxes alors qu'en guise d'abattoirs, respectueux des normes et offrant les services adéquats, l'on continue d'offrir des édifices en ruine et d'une grande saleté? L'abattoir d'El-Jadida, à titre d'exemple, a été construit au temps du protectorat français. Depuis, plus de 80 ans après, le décor est resté le même : même procédé d'abattage, une trachée des bêtes passée au fil de la lame... Arrivés sur place avant le lever du soleil, nous constatons que le gros du travail a déjà été fait. Les bêtes, mises en stabulation la veille par « les bergers », étaient passées depuis les premières heures du jour, une à une, au fil des couteaux des égorgeurs de l'établissement. Quelques carcasses encore sanguinolentes, accrochées à des esses, véritables pièces de musée, draguent, à l'ombre, les derniers clients du jour. Le site de l'abattoir fait partie des endroits les plus anarchiques. Désordre et insalubrité s'y côtoient. Les abatteurs exercent dans des conditions hygiéniques des plus choquantes. C'est à peine croyable. À l'intérieur de ces « tueries », la saleté a atteint son paroxysme. La puanteur est étouffante. Tout est crasseux: sol, murs, plafonds, et outils de travail. Pis encore, des individus sales, peu respectueux des règles d'hygiène, sont chargés de l'embarcation de la viande. Or, il y a des exigences qui doivent être applicables et des principes qu'il faut respecter : 1- Les abattoirs doivent être construits et aménagés de manière à ce que les activités propres soient systématiquement séparées des activités sales, afin d'éviter que les carcasses et les abats ne soient souillés. 2- Ils doivent satisfaire aux exigences fixées par la législation sur les épizooties. 3- Les postes de contrôle des animaux avant l'abattage et de contrôle des viandes doivent être aménagés de sorte que ces contrôles s'effectuent conformément aux prescriptions et de façon rationnelle. 4- Après le contrôle des viandes, les carcasses et les abats doivent être transportés dans un local de réfrigération, à moins qu'ils ne soient destinés à la découpe à chaud. 5- La température doit diminuer selon une courbe continue, pour atteindre une température égale ou inférieure à 7° C en ce qui concerne les carcasses du bétail de boucherie. 6- Lors du processus de réfrigération, une ventilation adéquate doit être assurée afin d'empêcher toute condensation sur les viandes. Concernant le contrôle de l'hygiène de l'abattage, « l'œil » du vétérinaire est souvent le seul critère déterminant. « C'est à l'œil que sont repérées les bêtes malades. » nous confia un boucher. Autrement dit, rien n'est systématique. Les bêtes destinées à l'abattage subissent des visites ciblées et, le lendemain, un autre contrôle est effectué, à la suite duquel la viande est estampillée. Avant son abattage, l'animal est astreint à une diète. « Il ne doit ni boire ni s'alimenter pendant 12 heures », nous expliqua-t-il. C'est à ce moment qu'est organisé le premier contrôle pour obtenir le visa des services vétérinaires, nécessaire à sa commercialisation dans les conditions légales ». Mais il ajoute sur un ton ironique : « de fausses estampilles circulent et servent à écouler la marchandise provenant des abattages clandestins ». La saturation de l'abattoir d'El Jadida est plus qu'un fait. Situé en pleine zone de restructuration, l'abattoir est depuis des années « candidat à la délocalisation ». La municipalité avait prévu de construire un nouvel abattoir en 1984. Un avis d'appel d'offres pour la réalisation d'une étude a été lancé par le conseil municipal de cette époque. Mais rien n'a été fait. Le conseil actuel avait promis au début de son mandat de réactiver le dossier et qu'un nouvel abattoir moderne verra le jour en partenariat avec la commune de Moulay Abdellah. Mais à ce jour, tout reste dans le flou ! Les gérants de la ville doivent revoir toute la « conception de l'abattage » et envisager l'introduction de méthodes modernes, comme le système de « fût basculant », ce qui fera gagner du temps et améliorer les capacités d'abattage. Ceci diminuera aussi l'abattage clandestin, de plus en plus florissant. L'abattage et la vente de carcasses d'ovins et bovins, non estampillées peut véhiculer des zoonoses, proposées par des bouchers de la ville, et ce, « au su et au vu de tous ». Il existe par ailleurs des hangars qui hébergent du cheptel dans la ville... sous le nez des responsables du secteur. Ces animaux peuvent être malades ou infestés par des parasites, virus ou bactéries qui, consommés par l'homme, peuvent transmettre des maladies comme la gale, la toxoplasmose, le botulisme, la salmonellose... D'un autre côté, l'abattage et la découpe de l'animal, s'ils sont réalisés dans de mauvaises conditions d'hygiène (mains sales, outils et locaux non désinfectés, souillures de la carcasse avec des matières fécales, non respect de la chaîne du froid...) peuvent contaminer la viande et provoquer une intoxication alimentaire avec des conséquences graves pour les enfants, personnes âgées ou malades, femmes enceintes... En définitive, là où les responsables de ce secteur parlent de veiller à l'application des règles élémentaires de l'hygiène et de salubrité publique, les citoyens sont toujours hantés par la peur de consommer de la viande présentant des risques. De gros efforts doivent être faits dans le domaine de l'abattage. Il s'agit, pour ce secteur, d'une priorité dont dépendent les autres activités rattachées à l'hygiène. Le constat est donc des plus alarmants. L'état hygiénique de cet abattoir est déplorable, sachant que la majeure partie de la viande consommée à El jadida en sort. La tâche est donc hardie pour ces services d'hygiène. Car, ils ne jouent pas pleinement leur rôle de garde – fou, pour la sécurité alimentaire des populations. Affaire à suivre...