L'abattage clandestin fournirait un tiers du marché de la viande à Sidi Bennour. L'abattoir du grand souk de Sidi Bennour, les mardi et samedi, et les concessionnaires d'Agadir dans cette boucherie, tout le monde appelle la «gourna», les boucheries se suivent et se ressemblent. D'énormes carcasses de bovins sont exposées. Certaines sont tellement grandes qu'elles touchent le sol et traînent par terre. Des filets de sang s'écoulent des boucheries, et des odeurs insupportables flottent dans l'air. Une grande partie de ces carcasses ne présente aucun tampon sanitaire. Les bêtes ont été égorgées dans la boucherie même, dans des conditions sanitaires déplorables et sans le moindre contrôle vétérinaire. Ce marché est connu, et il n'est pas unique. Au total, on considère que l'abattage fournit un tiers du marché de la viande à Sidi Bennour. Un chiffre énorme, quand on connaît les risques courus par les citoyens consommateurs. Le vétérinaire privé, est clair : «Lorsque l'on mange une viande non contrôlée, on risque plusieurs maladies : la tuberculose, la brucellose et toute une série de maladies parasitaires». Ce qui ne déranger pas le moins du monde les nombreux clients de la «gourna». Parmi eux, des particuliers, mais aussi des snacks, des restaurants et même d'autres bouchers qui viennent s'approvisionner chez les bouchers en gros, attirés par le prix compétitif. Un client anonyme : «Il n'y a pas de risque, si une viande est malade, on le voit tout de suite». Faux, répond le vétérinaire : «Certaines maladies, par exemple, sont repérées par des ganglions dans les poumons. Si on ne contrôle pas le poumon, même un vétérinaire peut se faire piéger». Mais l'abattage ne représente pas le seul danger. Il y a aussi ce que l'on appelle la filière rurale. Il s'agit de bêtes abattues légalement dans des abattoirs de la région et qui sont illégalement vendues à Zemamra, à Arbaa Aounat ou à Béni Hlal. On paie très peu de taxe d'abattage : 195 DH par bovin et 10 DH par ovin. Résultat, la viande est moins chère. Logique, puisqu'à Sidi Bennour, par exemple, il n'y a même pas de local réfrigéré. Là-bas, on nage dans le sang, alors que les normes nationales prévoient 400 litres d'eau par bête pour garantir une bonne hygiène. Les animaux, morts ou vifs, traînent par terre, dans des flaques immondes. L'abattage est brutal, puisqu'il n'y a aucun moyen d'immobiliser mécaniquement la bête qui se débat. Les contrôles vétérinaires sont sommaires et la viande est embarquée vers le centre de la ville à l'air libre, sur des triporteurs, des charrettes, les coffres des voitures légères ou même dans les vieux camions de la municipalité qui ont fait leur temps et qui empestent le mazout. Une virée au centre de la ville a de quoi rendre végétarien le plus carnivore d'entre nous. Face à cette double concurrence – celle des abattoirs ruraux et celle des clandestins – les abattoirs font grise mine. Flambant neufs, ils ne tournent qu'à 20% de leurs capacités. Un éleveur doukkali et client de l'abattoir de Sidi Bennour et sa région est clair : «Tant que la viande rentrera illégalement au souk et tant que l'on continuera de tolérer des filières clandestines, on condamne les abattoirs modernes à tourner en sous-régime et ce au détriment du consommateur». Les chevillards eux-mêmes désertent leur outil de travail, trop cher. Ils se plaignent de ne pas avoir été consultés en amont du projet. Ces abattoirs, modernes, ont pourtant toutes les raisons de facturer cher leurs services. Contrôle vétérinaire, chambres froides automatisées et marquage de la viande… les conditions y sont largement meilleures. Mais nous sommes sur un marché de consommateurs démunis pour lesquels le prix reste le seul critère. Un marché où la qualité et l'hygiène n'ont jamais été considérées comme importantes. Le consommateur n'impose d'ailleurs aucun standard à son commerçant. Au contraire, nombreux sont ceux qui réclament à leur boucher la viande des «souks». Elle a la réputation d'être meilleure, parce que plus fraîche. Elle est vendue le jour de son abattage. Autrement dit, elle est plus belle, plus rose. Pourtant, les spécialistes savent qu'une bonne viande est une viande qui a passé plusieurs jours au frigo. L'éleveur doukkali : «Il faut qu'une viande passe du temps en chambre frigorifique pour devenir plus tendre. C'est ce qu'on appelle le ressuyage». Modernisation de la filière d'abattage Le projet de modernisation de la filière des viandes rouges a été lancé dans la région des Doukkala à l'occasion de la 2e édition de la Foire nationale des animaux de boucherie à Sidi Bennour. Un contrat-programme pour la période 2009-2014 a été passé entre le gouvernement et la Fédération interprofessionnelle des viandes rouges visant l'amélioration la production et la valorisation des viandes rouges. Etaient prévus, à cet effet, une unité de fabrication d'aliments de bétail et un abattoir moderne