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Corruption, gouvernance et blanchiment d'argent dans la ligne de mire des experts européens
Publié dans L'opinion le 23 - 02 - 2014

Dans le cadre du programme « Renforcer la réforme démocratique dans les pays du voisinage méridional », financé par l'Union Européenne et mis en œuvre par le Conseil de l'Europe, une conférence sur les résultats et les recommandations du diagnostic anti-corruption du Maroc a été organisée, le 19 février 2014 pour présenter les résultats d'un rapport sur la corruption au Maroc, établi en coopération avec l'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC). Un diagnostic qui en dit long sur la volonté politique défaillante à combattre, même si ce sont les autorités marocaines qui ont été à l'origine de ce diagnostic dont les résultats ne sont guère reluisant, même si les experts communautaires nous « rassurent », que notre cas est similaire, à quelques points près, entre autres, à la Belgique et à la Roumanie. Toutefois force est de reconnaitre que ce compte rendu ou diagnostic été établi en 2012, alors que les chantiers de réformes venaient à peine de démarrer. Chose que l'équipe d'évaluation aurait pris en considération en tenat compte des récentes initiatives et des efforts consentis au niveau législatif et institutionnel.
De l'aveu des experts, le cadre juridique est satisfaisant du point de vue cohérence globale, mais qui nécessite d'être acompagné par la mise en œuvre de lois organiques.
Le rapport, bien que, handicapé statistiquement par le manque de données évaluatives fiables et cohérentes, relève trois volets auxquels devrait s'atteler le Maroc, et qui convergent avec les revendications de la société civile : la conformité du cadre actuel avec les standards internationaux de lutte contre la corruption, ou du moins avec ceux du Conseil de l'Europe(CE), le renforcement des capacités institutionnelles et la mise en place des réformes du cadre stratégique réglementaire de la lutte contre la corruption. Les recommandations visent, d'après l'équipe d'experts du CE, à orienter et à encourager les autorités marocaines dans la voie de l'adoption d'une politique contre la corruption et du protocole du suivi. Ce sont des analyses indispensables avant la mise en place de toute stratégie ou plan d'action. Certes, relèvent-ils, il y a des priorités dans des secteurs vulnérables, décrétés par les résultats rendus publics.
La méthodologie du diagnostic a été développée par le Groupe des Etats contre la corruption (GRECO), pour une évaluation mutuelle des engagements, comme ce qui se fait avec les 47 états membres de l'UE et les pays annexes. Et ce, sur la base d'un questionnaire et d'une visite sur place dont le principe est de vérifier la conformité du pays avec 6 autres pays et selon un cycle de 4 ou 5 ans. 25 institutions marocaines ont été ainsi évaluées, un travail réalisé pendant 6 mois par une équipe d'experts européens, en coordination avec l'ICPC.
66 recommandations spécifiques ont été mises en exergue par les experts, point de départ d'une plus grande implication dans la mise en œuvre de ces engagements et de l'évaluation de son impact. L'une des recommandations concerne l'établissement d'une nouvelle instance, conformément à l'article 36 de la Constitution de 2011, l'Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC) succédant à l'ICPC.
Une instance qui, comme expliqué par Mr Abdeslam Abou Drar, directeur de l'ICPC, serait le garde fou de l'intégrité, en commençant par les volets éducation et valeurs à tous les niveaux, dans le secteur public et dans le privé, ce qui élargit le champ d'action de la lutte contre la corruption.
Côté prévention, aucun changement par rapport à l'ICPC, mais, pour ce qui est de la lutte contre la corruption, la nouvelle instance aura des prérogatives d'investigation et d'autosaisie. Elle peut, par sa propre initiative, par exemple suite à un rapport de la Cour des comptes ou à une dénonciation, aller enquêter non pas pour faire le travail de la justice, mais pour préparer le travail de la justice. Compte tenu du fait que, en matière de corruption, il est difficile d'avoir des preuves, et si l'instance a de l'expertise, elle peut soumettre des cas à la justice. Enfin, l'instance devenue institution constitutionnelle sera indépendante et autonome avec son propre budget et et en dehors de la tutelle du chef du gouvernement.
Les mesures jusqu'ici mises en place par notre pays, analysées dans ce rapport sont insuffisantes pour pallier à cette problématique qui atteint notre société marocaine et nos institutions. Les recommandations appellent à l'amélioration et au renforcement des mécanismes mis en place par le Maroc sur le plan législatif et institutionnel, pour remédier à ce fléau qui constitue une entrave au développement économique, social et politique du pays.
Pour ce qui est du cadre législatif, le rapport stipule que, s'il criminalise déjà différentes formes de corruption. Le droit marocain ne réglemente pas exclusivement la responsabilité des personnes morales en cas de corruption ou de blanchiment lié à la corruption. Il n'y a pas de législation relative à la prévention du conflit d'intérêts. Le document rapporte, également, l'absence de coordination entre les différentes autorités chargées de la détection, des enquêtes et des poursuites des infractions de corruption.
Toutefois, selon la Constitution de 2011, la séparation des pouvoirs, l'indépendance de la justice et la bonne gouvernance sont trois volets à même d'assurer une forme de prévention de la corruption au niveau de la Justice. Seulement, le débat sur la réforme du système de la justice, dont les directives sont l'indépendance, la moralisation et la transparence, tend à s'étaler et la réforme tarde à voir le jour pour moult raisons. Alors que six objectifs de la Charte de la Réforme du Système Judiciaire sont nécessaires pour la consolidation de l'indépendance du pouvoir judiciaire en général et des magistrats en particulier, le renforcement de l'efficacité et de l'efficience de la Justice et le développement des capacités institutionnelles du système judiciaire. Pour cela, un Code d'éthique est nécessaire, pendant et en dehors de l'exercice de la fonction, de même que ce code d'éthique doit reconnaitre les conflits d'intérêt. D'autres recommandations concernent les donations et offrandes protocolaires. Et enfin dans un souci déontologique, établir des règles à mettre en pratique, la déclaration du patrimoine des magistrats... En matière d'incrimination des actes de corruption, un peu de confusion et des lacunes dans les textes du Code pénal persistent.
Pour ce qui est de la nouvelle législation des marchés publics, elle est satisfaisante à condition qu'elle soit suivie à la lettre et dans toutes les institutions, soulignent les auteurs de cet audit.


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