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Auréolé du «Prix International de Neurobiologie 2014» : Pr A. Khamlichi : «C'est tout un patrimoine de haute technicité médicale qui est récompensé»
Publié dans L'opinion le 12 - 02 - 2014

Dans l'atmosphère «brumeuse» du quotidien marocain, relayé par maints organes de presse, perce par intermittence quelques lueurs d'optimisme, authentique oxygène pour relever les multiples défis sur les chemins du «Maroc Nouveau».
Il en est plus particulièrement d'une jeunesse qui tourne parfois, pour ne pas dire résolument, ses espoirs vers l'émigration à l'étranger et/ou aux gains faciles qu'offre délinquance, voire criminalité...
De fait, les exploits, toutes disciplines confondues, de nationaux d'ici et d'ailleurs, s'avèrent des motifs de foi renouvelée dans un pays en éternelle mutation.
Le cas du professeur Abdeslam Khamlichi est particulièrement édifiant en la matière. En témoigne cette énième consécration sous forme de «Prix International 2014 de Neurobiologie» engrangé le 18 janvier dernier à Hanovre, Allemagne Fédéral, fief électique de la science médicale. Une consécration qui s'accumule aux moults reconnaissances aux cinq continents pour sa dévotion à la recherche scientifique, notamment en matière de neurochirurgie.
Mais alors, quel impact en particulier de cette nouvelle reconnaissance moniale ? La réponse nous est servie par Abdeslam Khamlichi him self.
Dans l'antre désormais mythique de la «Fondation Hassan II pour la Prévention et la Lutte contre les Maladies du Système Nerveux», ce septuagénaire entretient un «agenda-mégawatts» entre bureau, salle d'auscultation et bloc-opératoire (eh oui !), salles de cours,..., et déplacements aériens aux cinq continents.
- Pr Khamlichi : «La distinction de Hanovre est donnée au Maroc en fait pour l'énorme travail accompli pour la formation des neurochirurgiens aussi bien Marocains qu'Africains Sub-Sahariens.
Il faut savoir, en effet, que depuis 2002 le Maroc a été choisi par la «Fédération Mondiale des Sociétés de Neurochirurgie» pour créer un centre international de référence pour former les neurochirurgiens africains au niveau régional.
En effet, les Africains qui choisissaient de se former en Europe ou en Amérique du Nord finissaient par se marier et s'installer définitivement dans ces contrées en prenant des postes conséquents. Or, les rares parmi eux qui rejoignent leur pays rencontrent des difficultés, notamment les moyens auxquels ils étaient habitués. Conséquence : ils passent un an ou deux et repartent en Occident.
Moralité : nous avons opté pour la formation au niveau régional. Sur ce, les organisations internationales ont décidé de donner des bourses à ces jeunes pour leur formation au Maroc d'autant que le Royaume jouit d'une notoriété en matière de neurochirurgie comme attesté par l'organisation du Congrès de Marrakech de 2005.
Conséquemment, le service de neurochirurgie de l'Hôpital des Spécialités à l'Université Mohammed V de Rabat a été désigné comme «Centre International de référence pour la formation des neurochirurgiens africains».
Et donc, depuis 2002, une trentaine de neurochirurgiens africains sont déjà formés et rentrés chez eux ou sont encore en formation complète (5 ans) à Rabat.
En outre, chaque année ledit centre se charge désormais d'une formation continue avec ateliers et cours pour Africains déjà formés avoisinant la centaine.
Plus encore, grâce au soutien de la «Fondation Hassan II pour la Prévention et la Lutte contre les Maladies du Système Nerveux», du CHU de Rabat, et de l'«Agence Marocaine de Coopération Internationale», ces jeunes médecins bénéficient des bourses mais surtout des prises en charge pour assister à des Congrès nationaux, régionaux et internationaux.
Constat pour le moins édifiant : ces jeunes proviennent de 14 pays sub-sahariens qui n'ont presque pas de neurochirurgiens et où la moyenne des chirurgiens est de 1 à... 2 par 10 millions d'habitants ! Or, la moyenne mondiale est de 1 chirurgien pour 100.000 habitants ! Situation on ne peut alarmante d'où le mérite du Maroc, à telle enseigne que ceux déjà rentrés chez eux forment des jeunes autour d'eux et s'équipent de divers matériels (scanners, IRM, etc) rendant de précieux services à leurs compatriotes...
Et c'est donc tout ce patrimoine national de haute technicité médical et collaboration Sud-Sud que l'organisation « International Neurobionics Foundation » basée à Hannover, a voulu reconnaître et récompenser du Prix 2014 de Recherches en Neuro-Sciences.
«Le succès d'une opération ne tient pas au seul médecin»
- L'Opinion : Finalement, Professeur, à compétences scientifiques égales, quelles différences avec l'Europe ou les Etats-Unis ?
- Pr Khamlichi : Vous savez, dans la pratique de la médecine d'un pays, c'est vrai que la compétence est très importante, mais il y a autres choses...
Il y a d'abord l'équipement, la technologie. Mais il y a en particulier tout ce qui entre dans le système de prévention, de la vulgarisation médicale qui facilite la pratique de la médecine. A travers tous les moyens d'information écrits ou audiovisuels, le citoyen européen ou nord atlantique est mis au fait régulièrement des précautions à prendre pour anticiper le mal ou mieux se préparer à subir un traitement, voire une opération chirurgicale.
En clair le succès d'une opération ne tient pas seulement au médecin, ni à la seule technologie. La moitié de la maladie c'est qui ? C'est le patient. Or, ce patient est très différent.
De plus, 40% de marocains sont analphabètes. Pour les autres... quel niveau de culture ? D'où problèmes de la langue...
Conclusion : C'est tout ce background déficitaire qui fait la différence avec la réalité de pays développés où le médecin a plus de facilités à exercer son métier.
Par ricochet, cependant, le médecin marocain a plus de mérite à exercer car il est en mesure de traiter des malades qui ne connaissent rien de leurs maladies, qui sont loin de collaborer parfois, qui fuient parfois l'hôpital.
Malgré tout il essaie de s'investir pour anticiper les complications qui peuvent intervenir. Exemple très simple : Un malade opéré en Europe - où même chez nous en neurochirurgie – au 3ème ou 4ème jour on lui dit qu'il peut partir chez lui (car il a des soins à faire à domicile, il suit ses contrôles, etc.). Or, nous avons beaucoup de difficultés parfois à convaincre le malade à rester dans la même ville pour un premier contrôle au moins. Sinon, il risque une complication qu'il ne sentira même pas au risque de ne rien gagner de la première opération.
«Gare à l'entrée du capital privé à but purement lucratif ! »
- L'Opinion : Quel constat faites-vous entre secteur privé et secteur public en matière de neurochirurgie ?
- Pr Khamlichi : On ne peut pas et on ne doit pas les mélanger. Il faut qu'il y ait des passerelles et des « Va-et-viens », entre les deux. C'est-à-dire qu'un médecin du privé doit avoir la possibilité d'aller aux hôpitaux publics, aux universités pour participer et apprendre... Inversement, le médecin d'hôpital public ou un enseignant doit avoir la latitude de voir des patients privés et communiquer avec ses collègues du privé.
Cependant la mission du privé n'est pas forcément celle du public... En fait, celle du public reste primordiale car il constitue l'épine dorsale de la médecine du pays.
C'est au public que convergent les nationaux de tous âges, pour toutes maladies graves ou pas. Et donc, ce secteur public doit être en mesure de répondre aux besoins du public... riche ou pauvre... Sinon il y a risque de pertes de vies parfois pour des cas élémentaires.
Seconde primauté au secteur privé : La situation économique du pays. 80% des Marocains optent pour le secteur public faute de moyens financiers
Troisième paramètre : ce sont les hôpitaux, CHU et universités qui assurent la formation médicale qui prépare les générations de médecins de demain et donc la santé future des citoyens. Or le Maroc souffre déjà de déficit notoire : soit 5 à 6 médecins pour 10.000 habitants ! Moins que le reste des pays de l'Afrique du Nord.
Néanmoins, pour le reste les 2 secteurs demeurent complémentaires.
- L'Opinion : Malgré les avancées de la médecine marocaine, des citoyens optent pour les sons à l'étranger. Quel manque à gagner pour le Maroc, en devises notamment ?
- Pt Khamlichi : Voilà un centre de neurochirurgie (le sien) édifié par des donations et des crédits en accord avec le ministère de la Santé, qui a coûté plus de 150 millions de dirhams et qui est opérationnel depuis 4 années avec tout ce qui concerne les maladies du système nerveux. Et donc tout ce qui peut éviter le traitement à l'étranger y compris une machine (gamma knife) de 5 millions d'euros et qui permet de traiter plusieurs pathologies du cerveau sans intervention chirurgicale ! Une machine unique en Afrique et au monde musulman et qui a traité jusqu'à présent quelque 800 malades avec des taux de succès de 95% et plus ! Autrement, ces 800 malades auraient dû casquer entre 12.000 et 20.000 euros en Europe. Par ailleurs, nous traitons des maladies comme l'épilepsie ou la maladie de Parkinson que nous traitons ici même. On peut mesurer ainsi le manque à gagner désormais épongé au niveau de notre institution. Il faut souhaiter que d'autres centres du genre soient dotés de mêmes technologies pour épargner encore plus de devises au pays. N'empêche, la liberté du choix doit être respectée. Il y va du facteur confiance qui joue foncièrement sur le traitement de la maladie.
- L'Opinion : Quel message justement pour le renforcement de l'arsenal médical au Maroc ?
- Pt Khamlichi : Mon message se trouve être de brûlante actualité. Depuis ces derniers mois nous voyons souvent dans les journaux et au parlement la possibilité d'ouvrir l'aménagement de centres médicaux à des capitaux privés. C'est donc des projets à buts lucratifs. Or, si on se limitait à cette vocation intrinsèque, et vu mon expérience de plus de 40 ans de service dans des hôpitaux publics, nos responsables risquent de signer l'arrêt de mort des hôpitaux publics et en particulier les hôpitaux universitaires ! Explications : Il faut savoir d'abord que l'Etat ne peut plus donner aux hôpitaux plus qu'il ne donne. Il ne faut pas se leurrer. Les caisses d'assurances maladies ne couvrent que 20 à 30% de la population. Tout ce qui est « RAMED » l'Etat manque de moyens. De fait les ressources des hôpitaux publics ne risquent pas d'augmenter et, pire encore, seraient voués à une dégradation inexorable devant la multiplication des cliniques à but lucratif. Dans la foulée l'enseignement médical subira sa propre dégradation affectant la médecine nationale dans son ensemble. C'est la raison pour laquelle il est absolument nécessaire que cette ouverture du capital privé à but lucratif s'accompagne d'une ouverture des hôpitaux publics et universitaires au « capital privé à but non-lucratif ». Voir l'exemple édifiant de la Fondation Hassan II ».


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