Le ministre indien des Affaires étrangères, Salman Khurshid, effectuera à partir du 29 janvier courant une visite de travail au Maroc, une occasion pour donner un nouvel élan aux relations unissant Rabat et New Delhi à tous les niveaux, et tirer profit de l'énorme potentiel qu'offre l'intérêt grandissant du géant d'Asie pour l'Afrique. M. Kurshid, l'une des figures de proue du parti historique du Congrès, qui gouverne le sous-continent depuis une décennie, visitera le Royaume dans le cadre d'une tournée dans le continent qui le conduira également en Tunisie et au Soudan, a annoncé jeudi le porte-parole du ministère indien des affaires étrangères. Au Maroc, M. Khurshid aura une série d'entretiens avec les responsables marocains, dont son homologue, Salaheddine Mezouar, une opportunité pour passer en revue les moyens de revitaliser le partenariat maroco-indien et favoriser la coordination au plan diplomatique sur les questions bilatérales, régionales et internationales. Plus large démocratie au monde et troisième puissance économique d'Asie, l'Inde, avec ses 1,2 milliard d'habitants, constitue incontestablement aujourd'hui un acteur incontournable sur la scène diplomatique et économique mondiale. Membre fondateur du groupe des pays émergents des BRICS, le sous-continent joue aujourd'hui un rôle clé en Asie-Pacifique et nourrit l'ambition de devenir membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Depuis l'établissement des liens diplomatiques en 1957, les relations entre le Maroc et l'Inde ont connu une progression notable, un partenariat d'excellence concrétisé par la visite historique de SM le Roi Mohammed VI dans ce pays en 2001. La visite Royale a permis en effet d'insuffler une dynamique salutaire aux rapports entre les deux pays dans divers domaines, pour en faire aujourd'hui un modèle de coopération sud-sud. Les échanges économiques entre l'Inde et le Royaume ont ainsi progressé de manière notable pour atteindre près de deux milliards de dollars, selon des statistiques officiels de 2012, dont presque 40 pc portant sur les phosphates et ses dérivés, qui contribuent énormément, comme le répètent souvent les dirigeants indiens, à la sécurité alimentaire dans leur pays. Parallèlement, une série de joint-ventures ont vu le jour ces dernières années au Maroc et en Inde portant outre sur les phosphates et ses dérivés, sur des secteurs aussi variés que les mines, l'automobile, l'hôtellerie ou encore les produits pharmaceutiques. Des grands groupes indiens comme Tata, Birla, Rhartia ou Ranbaxy sont déjà implantés au Maroc. En dépit de ces avancées notables, le constat de part et d'autre reste néanmoins que le potentiel de partenariat entre les deux pays surtout au niveau économique est loin d'être mis à profit, au vu des opportunités d'investissements qu'offre le Maroc et ses atouts comme plate-forme pour les opérateurs indiens pour percer aussi bien en Afrique que dans les pays de l'Union européenne à la faveur des accords de libre-échange conclus par le Royaume. Nonobstant la distance géographique, les deux pays, aux cultures et aux civilisations millénaires, offrent en effet des similitudes en termes d'ouverture, de choix démocratiques et économiques, et sont aussi résolument engagés, au plan diplomatique, en faveur des causes de la paix, comme cette semaine même au sujet de la crise syrienne, avec en prime un rôle de premier plan dans différentes missions de paix des Nations unies. D'où l'importance aujourd'hui d'une action concertée pour activer à la fois le cadre et les mécanismes régissant cette coopération, à travers des consultations techniques et politiques régulières, la dernière session de la commission mixte ayant eu lieu en 2011 à New Delhi. La mise en place de commissions sectorielles ciblées en mesure de répondre avec célérité aux attentes notamment des opérateurs économiques, la promotion de la diplomatie parallèle à la faveur des deux groupes d'amitié parlementaires déjà en place, ainsi que la promotion des échanges culturels et universitaires s'avèrent être aussi des voies pour consolider la dynamique de coopération. Fort de ses avancées scientifiques, en termes de technologies de l'information et de communication, ainsi que dans le domaine pharmaceutique, l'Inde peut notamment servir de partenaire de choix dans les domaines de l'éducation, de la science ou encore pour l'accès à des médicaments génériques à bas coût. L'émergence d'une importante classe moyenne indienne aisée, cultivée et férue de voyages, peut aussi, selon nombre de tours opérateurs à New Delhi, constituer une clientèle importante de la destination Maroc, dont la civilisation, la culture et la gastronomie sont très réputées dans le pays de Gandhi. Pour ce faire, l'établissement d'une ligne aérienne directe et un effort consistant de promotion sont indispensables dans un marché aussi vaste et prometteur. Aussi, la visite au Maroc du chef de la diplomatie indienne, politicien chevronné doublé d'un homme de lettres reconnus, porte-t-il les signes d'un engagement ferme de l'Inde pour dynamiser l'axe Rabat-New Delhi et faire du Royaume, dont la stabilité politique, l'ouverture économique et les atouts géostratégiques sont ici reconnus, le fer de lance de sa stratégie pour renforcer le partenariat avec le continent africain et rattraper son retard vis-à-vis de l'autre géant asiatique, la Chine voisine. M. Khurshid, qui avait pris la charge de plusieurs portefeuilles ministériels, dont celui de la justice ou des minorités, est issu d'une longue lignée de politiciens et intellectuels qui ont servi au plus haut niveau politique en Inde pendant trois générations, son grand père, Zakir Hussain, un proche collaborateur du Mahatma Gandhi, était le troisième président de ce grand pays et son père, Alam Khan Khurshid, avait conduit, lui aussi, les rênes de la diplomatie indienne. Dans cet Etat multi-religieux majoritairement hindoue, M. Khursid fait partie des leaders politiques les plus en vue de la minorité musulmane, forte de quelque 160 millions de personnes, soit la troisième communauté musulmane du monde après l'Indonésie et le Pakistan. Bien que l'Inde traverse aujourd'hui une phase de ralentissement économique après presque une décennie de croissance à deux chiffres, le géant asiatique est bien placé, à plus long terme, comme le prévoit l'Organisation de coopération et développement économiques (OCDE), à devenir la deuxième puissance du monde juste derrière la Chine. Un partenaire bien indiqué à l'heure où le Maroc s'active pour drainer de nouveaux investissements et nourrit l'ambition de faire son entrée dans le club des puissances émergentes.