La croissance de l'urbanisation au Maroc avoisine les 4.5% par an; contre seulement 2,5% comme moyenne mondiale. A cause de ce taux infernal, la population urbaine est passée de trois millions en 1960 à dix huit millions en 2010. Tout indique que ce chiffre a augmenté aujourd'hui pour flirter avec les vingt millions. Voilà qui est de nature à poser de véritables défis à l'habitat, à l'emploi, et au sous équipement, renforçant par là même les tendances négatives de l'exclusion urbaine. Le Schéma National d'Aménagement du Territoire a consacré la prééminence de la ville comme moteur de développement économique, ce qui veut dire que le combat contre les tendances rétives de l'urbanisation à outrance change complètement de cap et met dorénavant l'accent sur les potentialités de la ville, raisonnée ici en termes d'espace de création de richesses et non plus en termes d'espace à cantonner. Au-delà de leurs attributions classiques à fournir les services et prestations urbaines, les communes urbaines se voient octroyer un nouveau rôle majeur qui est le rôle d'animateurs économiques et de gestion. Au titre de cette nouvelle prérogative, la commune urbaine est appelée à se prononcer sur des projets urbains d'une grande complexité; qui exige le recours à des expertises étrangères et à des partenaires pluridisciplinaires. C'est ce genre de recours multidimensionnel qui permet à la commune urbaine - qui est en manque d'expérience par ailleurs - de concilier entre ce qui est gestion du quotidien, rationalisation des ressources, préservation du patrimoine, ou encore prévention des risques naturels et écologiques. Et aujourd'hui, plus que jamais, la lutte contre les dérapages urbains illustrés par la criminalité, la délinquance et le terrorisme sont à l'ordre du jour. Or, il se trouve que le développement durable ne doit pas être saisi uniquement dans son acception écologique et sécuritaire, mais devrait-il ambitionner de mobiliser et le volet économique et le volet de la bonne gouvernance. Les spécialistes ne ratent aucune occasion à exposer l'état des questionnements et des chantiers mis ou à mettre en œuvre et d'en débattre en comparaison avec les expériences d'ailleurs. Ce n'est donc nullement une question de mise au point des politiques interpellées, mais un devoir délibéré d'instaurer des ponts entre les opérateurs pour réfléchir ensemble à propos de questions saillantes du genre réformes institutionnelles, modes de faire valoir innovants induits par les structures ad hoc de gestion et autres structures similaires. Ce sont là des problèmes difficiles à gérer à un moment où les gestionnaires sont de plus en plus soumis au respect de l'application des principes du développement durable et des recommandations de la charte nationale de l'environnement. Les défis lancés à la gestion urbaine sont connus et sont éloquents plus que jamais: ils sont désormais orientés vers le recyclage des eaux usées pour une réutilisation de l'eau pour l'irrigation, surtout à ce moment précis où le Maroc est en train d'expérimenter les nouvelles avancées technologiques en matière d'agriculture urbaine. (Les deux stations d'épuration du grand Casablanca et du grand Rabat). Le second défi des gestionnaires est incontestablement la mobilité urbaine et son corollaire le transport urbain. Or, le transport urbain ne se limite pas à la seule préoccupation classique du transport public. Aujourd'hui, la complexité des jeux en ce domaine est bien réelle, dans la mesure où il faudra s'atteler à résoudre une infinité de problèmes très liés entre eux : un trafic urbain de plus en plus nerveux et encombrant, des accidents urbains mortels non justifiés, une congestion, des embouteillages et des bouchons de plus en plus difficiles à gérer par le recours aux seules techniques classiques, des chaussées à élargir au détriment des emprises des trottoirs qui ne cessent de rétrécir, renvoyant les piétons à la chaussée avec un maximum de risques. C'est surtout à cause de l'ampleur des risques et des dangers qu'encourent nos villes, à un moment où les systèmes de prévention au Maroc ne sont pas bien rodés, qu'une étude d'envergure fut lancée par le gouvernement marocain, en partenariat avec la banque mondiale, pour voir se dessiner les contours d'une nouvelle politique anti-risque au Maroc. En attendant, les risques sont bien éloquents, à commencer par les dangers écologiques (pollution de circulation, pollution industrielle), par les risques naturels (inondations, séisme, éboulement). Que la gestion urbaine soit appelée à freiner l'étalement urbain,, qui débouche sur une périurbanisation perverse et très coûteuse en investissements et peu rentable économiquement. L'étalement urbain, en plus de ses coûts exorbitants et sa très faible rentabilité, se fait au détriment des terres agricoles qui sont le plus souvent des terres arables. L'urbanisation dévore quelques trois mille hectares annuellement qui sont malheureusement des terres agricoles. La gouvernance urbaine est d'une telle acuité que les acteurs urbains remettent en cause la capacité de la planification urbaine à gérer l'étalement urbain, qui est une extension incontrôlée de la tache urbaine et qui constitue de ce fait une caricature perverse de la ville. Ces acteurs doutent aussi de la capacité de la planification urbaine à assurer la fluidité des trafics, à gérer tous les déplacements urbains, à mettre en place l'infrastructure d'accueil pour de nouvelles activités, et surtout à maîtriser les centralités. Les différentes études évaluatives se sont arrêtées au niveau de la mise en ouvre des outils d'intervention et sans jamais s'interroger sur l'outil lui-même, sur son efficacité, son adaptabilité et sa performance. Cela est d'autant plus contraignant en l'absence d'une politique foncière palpable et une décentralisation qui donne de plus amples compétences et prérogatives aux élus en matière de planification. Rappelons que ce thème s'inscrit dans la réflexion qui anime la planification territoriale et qui revêt une dimension nationale. Le but des débats est justement de tester l'expérience marocaine et l'évaluer en le comparant aux expériences étrangères. La bonne gouvernance peut être évaluée par le biais de la constitution du conseil des villes, ses missions, ses prérogatives et ses capacités d'action. Elle peut être évaluée aussi à travers l'examen des nouveaux instruments de gestion. Ou encore à travers les contrats et les partenariats comme par exemple la gestion déléguée ou les sociétés d'économie mixte, ou à travers les structures ad hoc qui regroupent des compétences transférées comme c'est le cas de l'agence de développement de la vallée Bouregreg. Tout cela nous amène à nous interroger sur le bien fondé de ces nouvelles structures en posant la question classique : comment ces structures remplissent-elles leurs missions ? Que ce soit la mission qui les amène à fournir des services et prestations aux populations les plus démunies, ou celle qui les amène à monter des projets urbains, avec toute la complexité que cette mission trop technique entraîne.