Le foncier constitue une problématique composite, multi-acteurs, ayant trait aux dynamismes politique, économique et socio-spatiale. Le foncier est, à l'évidence, un outil d'intervention et de régulation. En effet, toute collectivité territoriale doit mener un projet d'aménagement et de développement de son territoire. Cela se concrétise par la mise en place de diverses politiques publiques, telles que les politiques de l'habitat ou les politiques de promotion concernant les espaces ruraux. Par ailleurs, le foncier constitue un moyen de production indispensable, de concentration et de gestion d'intérêts et de richesses, comme il demeure une expression d'un idéal sociétal. Ce sujet requiert un intérêt à la fois didactique et pratique lorsqu'il pose la question des causalités, des interactions, des lois à respecter et des responsabilités des différentes parties prenantes. Il ne s'agit pas de reconduire un langage superficiel qui soulève l'image de la rareté foncière. Mais, au-delà des clichés de la diversité des statuts fonciers et la multitude d'intervenants, la problématique authentique se pose en termes de dysfonctionnements, de crises d'outils, de gel de terrains, d'opacité du marché, de la déficience législative, de gouvernance et de politique publique. Certes, le Maroc a lancé plusieurs projets de lois structurants mais les acteurs économiques souffrent de la lenteur de la mise en œuvre de ces politiques d'aménagement. «Il faudrait plutôt parler de foncier à développer à des prix abordables et non de foncier en général», explique Mohamed Charif Houachmi, président de l'Observatoire de l'immobilier d'entreprise (OIE). C'est dire qu'il faudrait mettre l'accent sur les processus de production de l'espace urbain, la périurbanisation, les facteurs de mobilisation du sol, les règles du marché, la gestion urbaine et les répercussions sociales. Dilapidation du foncier Ce faisant, l'artificialisation de l'espace et la gestion du sol urbain expriment des formes d'instrumentalisation de la règle de droit et renvoient, souvent, à la dilapidation du foncier comme potentiel de développement à cause, parfois, de certaines contraintes artificielles souvent administratives. Prenons l'exemple d'un projet qui nécessite une superficie importante, s'étendant sur deux ou plusieurs communes de nature administrative différente (urbaine, rurale et/ou périurbaine) ! Sans l'intervention légale, ou parfois illégale de certains acteurs, dans la majorité des cas, l'investisseur se retrouve dans l'incapacité de réaliser son projet. Cependant, en l'absence de dispositif adapté pour contrecarrer cette contrainte spatiale, comment maîtriser et gérer un foncier qui attise énormément de convoitise, mais surtout en forte mutation ? En effet, la dynamique du foncier urbain et périurbain se traduit par un changement de valeur : le terrain urbanisable change de valeur avant qu'il ne soit mobilisé; le changement d'usage : les terrains agricoles changent de vocation; le changement de statuts : les terrains domaniaux deviennent des terrains privés, les parcelles «melk» se transforment en terrains immatriculés et, par conséquent, les grandes parcelles se réduisent en petites surfaces; le changement de paysage : le métrage des terrains et la construction des murs de clôture. Il en est de même pour l'étalement urbain. Est-il le reflet d'une politique publique sensée, d'une gestion de tâtonnement ou d'un laisser-aller prémédité ? «Le foncier urbain est instrumentalisé sous le couvert de la procédure de dérogation pour réaliser des villes dites nouvelles au gré des opportunités foncières publiques sans cadrage urbanistique au préalable», déclare A. El Idrissi, professeur à l'Institut national d'aménagement et d'urbanisme, ingénieur-géométre-topographe et urbaniste. D'autre part, pour le cas du foncier agricole, le Maroc opte pour la sécurisation foncière par l'immatriculation, et encore ! A fin 2012, l'assiette globale enregistrée n'a pas dépassé 10% de l'ensemble du patrimoine foncier national ! Ce qui a drainé à l'Etat, en 2012, des recettes de l'ordre de 2 Mds de DH. «Le secteur présente un potentiel important au moment où on continue à délaisser une multitude de recommandations récurrentes, à savoir le recours au droit de préemption, à la pratique de constitution des réserves foncières stratégiques, aux techniques fiscales, à l'institution de mécanismes et ressources de financement», souligne Abdelouahed El idrissi. Il serait pertinent de s'interroger sur l'efficience des pouvoirs publics en matière de choix politiques. Les investisseurs réclament un dépassement de cette léthargie et une prise d'initiative et de décision qui peut libérer le potentiel économique d'une bonne gestion du patrimoine foncier national. «Il faut définir, clairement et lucidement, des objectifs pour garantir la sécurité juridique de la propriété foncière, faciliter la mobilisation du sol et impulser l'efficacité économique», précise El Idrissi. Au bout du compte, la réponse plurielle à ce nombre de questionnements n'est pas aussi simple. Cela dit, la réflexion des pouvoirs publics doit mettre en évidence le concret de la problématique foncière dans le cadre d'une approche globale.