Du 6 au 30 décembre prochain, Ahmed Hajoubi expose ses nouvelles compositions à la Galerie Bab Rouah de Rabat, un dispositif de toiles et d'installations mettant en œuvre un ensemble d'objets dont, notamment, la carde, qui donne son titre à l'évènement : « Qorchâl » (carde). Un souvenir d'enfance se trouve être à l'origine de cette nouvelle exploration de la mémoire par le biais de cet objet utilitaire. Dans un texte ouvrant le catalogue, intitulé « Hommage à ma mère », l'artiste raconte que jusqu'à son quatrième printemps, il était porté sur le dos par sa mère. Un jour, pour s'en débarrasser, cette dernière a placé une carde entre son dos et le ventre de l'enfant, les pointes de la carde dressées vers la chair infantile. C'est la transformation de ce choc initial en œuvres d'art qui inspire en grande partie les deux autres textes du catalogue, signés Jean-François Clément et Youssef Wahboun. Ci-après un extrait de chacun : « Par sa forme, cet outil [la carde] est la matrice d'une répétition de structures rectangulaires imprimées sur des matériaux divers, des coussins au bois, entre art musulman et rêve d'apprenti-sorcier soucieux de productivité. Traces que traversent les mages, parfois métamorphosés en simples coulures, étonnés de l'absence des « bateaux magiques » ou qu'équilibrent de grosses masses noires ou de multiples formes plus petites envahissant tout l'espace où l'on voit parfois, dans des combine paintings mêlant le bois, le fil de fer argenté et la laine ainsi que les cardes avec leurs traces qui en sont l'effet produit techniquement et non plus magiquement. » Jean-François Clément « Certaines cardes accrochent encore de la laine dans leurs griffes. Ce rappel de leur fonction utilitaire est aussi la preuve triomphale de leur dépaysement, la négation de cette fonction première, son détournement au profit de l'invention poétique. Collées à même la toile dans une géométrie impeccable, les cardes sont disposées en ligne ou en carrelage à éviter, tendent encore leurs pointes comme une menace à éteindre, mais sont définitivement mises hors d'état de nuire. C'est le regard séduit et non plus la chair ingénue qu'elles narguent et agressent, tellement leur abondance frappe comme un jaillissement d'hostilité dans le blanc intact de la toile. Elles se multiplient à l'infini pour toiser le spectateur de leur métal griffu, pour lui infliger leur présence périlleuse, brandies par leur manche comme une signalisation de danger de mort.»Youssef Wahboun 2013