Chicha et El Yazid, ou l'apparition d'une étoile et la sagesse d'un père spirituel Notre série sur « Ces Hommes qui ont fait le football Jdidi » se poursuit de plus belle. Cette fois-ci, c'est Chicha et El Yazid, qui ont focalisé le sujet de notre brin de causette au café « La Tulipe » avec Chouaïb Douib, ex-footballeur jdidi. Révélé dans un club de quartier du nom de Raja, Chicha de son vrai nom Al Garchani Abderrahmane fut transféré au club DHJ encore à l'âge de cadet. L'adolescent exhibait déjà un talent de vedette sur les terrains vagues contre des ainés chevronnés, ahurissant ses fans par des éclats de maestro. M. El Yazid président du Difaâ qui venait à peine de consolider sa place parmi les grands, clamait partout dans les médias « qu'un jeune garçon allait bientôt attirer regards et renommée sur notre ville ». La prophétie allait, en effet, se réaliser en 1967-1968 durant la 2ème saison de l'équipe dans le championnat national, au cours de laquelle le jeune espoir allait remporter le titre de premier buteur avec 18 ballons dans les filets adverses. L'une des grandes rencontres qui allait faire de lui une star, le Difaâ la jouait contre le KAC de Kenitra avec ses Boujemaâ, Mohammed, Baltam, Pampam et autre Kala... à El Jadida. Ce jour là, d'après ce que nous a raconté Chouaïb Douib, ex-joueur et coach de football, une grande partie du public menée par Ouardi parrain du Raja et Sid El Arbi vendeur de petit lait après ses matchs, avait suivi Chicha à pied depuis son quartier jusqu'au stade El Abdi avec une fanfare très tapageuse pour les faibles tympans. Le Difaâ diminué par l'absence de son capitaine Maâroufi, sa tête d'or et champion des buteurs de la saison précédente Chiadmi, ainsi que d'autres valeurs sûres gratifia l'assistance d'un piètre spectacle en première mi-temps et encaissa deux buts. Au repos Ouardi se faisant fort de tourner le vent en faveur des locaux descendit aux vestiaires pour promettre à Chicha devant un comité inquiet que tout but marqué contre le KAC valait 5000 francs (50 dhs de nos jours), tandis que M. El Yazid dans un coin à l'écart miroitait sa montre d'or comme trophée devant le seul témoin, arrière droit et copain Abdellatif Spania en disant et répétant « à toi tout seul tu peux terrasser le KAC. Même diminués nous pouvons la remporter cette rencontre ». La 2ème mi-temps débuta avec un Chicha aux manches retroussées, comme débuta après dix minutes son carton contre Hmida Haouat, keeper du KAC. Au 4ème but Ouardi se leva dans la tribune pour crier « Chicha, AHBESS ! si jamais tu marques le 5ème , je ne tiendrai plus ma promesse ». Tout le public rit aux éclats. Le parrain trouvait que la dette s'alourdissait alors que la prime d'un match elle-même octroyée par le comité pour chaque joueur ne dépassait pas 5000 francs en cas de victoire. Alors que Mr Ziani arbitre de la rencontre ajoutait un autre petit caillou à ceux qu'il avait déjà en main pour ne point rater le compte. Et pour ne pas perdre ses 20000 francs gagnés au pari, Chicha seul devant les bois adverses, fut surpris par l'apparition inattendue de feu Krimo, ailier de l'époque et agent de police, qui marqua le 5ème but par une botte qui avait frôlé le soulier de l'enfant prodige et paré à l'avertissement de Ouardi. Une botte impuissante cependant à arrêter les larmes de la star qui avait pleuré vaincu et pleurait encore victorieux. Le KAC dans un sursaut d'honneur logea le ballon dans les filets du Difaâ juste avant la fin de la rencontre suite à un pénalty tiré par le grand Kala, pour ramener le score à 5-3. Les annales retiendront qu'après l'aventure vécue M. El Yazid fut porté en triomphe par ses poulains devant une tribune en délire.