Le travail des enfants est une problématique d'ordre socio-économique et culturel due essentiellement à la pauvreté et à l'existence d'une forte demande de la classe moyenne pour ce genre de main d'oeuvre, a souligné le président de l'association Insaf, Omar El Kindi. Dans le cas des "petites bonnes", 75 pc des employeurs et employeuses sont de classe aisée, d'un niveau universitaire et n'ignorent pas l'interdiction du travail des enfants ni leurs droits élémentaires, a-t-il indiqué dans un entretien à la MAP, à l'issue de la Conférence mondiale sur le travail des enfants, tenue du 8 au 10 octobre à Brasilia. Il a fait savoir que 60 pc de ces filles ont moins de 12 ans, à un âge où, selon lui, elles sont censées être à l'école primaire, rappelant que les chiffres officiels évoquent le nombre de 50.000 à 80.000 petites bonnes au Maroc. Les "petites bonnes", qui sont forcées de travailler parce que leur survie et celle de leur famille en dépendent, sont dépourvues de l'affection parentale, éloignées du système d'éducation, privées d'instruction, leurs droits bafoués et sujettes aux pires formes de violences physiques, psychologiques et sexuelles, a-t-il ajouté. Citant les résultats d'une enquête du Haut commissariat au plan (HCP), il a indiqué que le travail des enfants au Maroc est un phénomène principalement rural, sachant que plus de 9 enfants sur 10 (91,7 pc) en relèvent, la proportion des filles étant de 46,7 pc. Pour faire face à ce fléau et lutter pour l'éradication du travail domestique des filles mineures, a poursuivi M. El Kindi, la stratégie de l'Association consiste à identifier ces petites filles et à négocier avec leurs parents leur réinsertion en famille et leur retour à l'école moyennant un parrainage financier allant jusqu'à 300 DH par mois, en contrepartie d'un engagement d'assurer le suivi scolaire. Pour aider ces familles à subvenir à leurs nouvelles charges, l'association s'occupe de la totalité des frais de scolarité, des soins médicaux et du soutien scolaire, entre autres, a-t-il expliqué. Résultat: depuis 2005, grâce aux protocoles de prise en charge (bourses scolaires, aide à la scolarisation, denrées alimentaires, etc.), 350 filles mineures de la région Tansift-Al-Haouz ont pu être sauvées de cette situation, retirées du travail domestique, réinsérées dans leurs familles et ont pu retrouver le chemin de l'école, a assuré le président de l'association. Il s'est, par ailleurs, félicité que 33 d'entre elles se trouvent cette année entre le collège et le lycée et 4 à l'université, soulignant que le suivi régulier "social et pédagogique" de ces filles est assuré jusqu'à la fin de leurs études. Une stratégie bien payante, selon lui, puisque "dans 19 communes sur les 35 que compte la région de Chichaoua où a travaillé l'association, plus personne ne donne sa fille en location". Cette expérience, qui a donné concrètement ses fruits, pourrait bien être généralisée dans d'autres régions, a-t-il noté, expliquant qu'"il suffit juste de s'asseoir avec les départements ministériels concernés et les Conseils régionaux et municipaux, de modéliser le travail fait et de l'améliorer si nécessaire, pour en faire bénéficier bien d'autres". Parallèlement à ces interventions directes auprès des familles concernées, l'association veille également, en collaboration avec un collectif de 34 associations, à l'organisation d'actions de sensibilisation sur le terrain, au sein des écoles, auprès des institutionnels et de la population, en diverses occasions, pour expliquer les dangers de ce phénomène qui "porte gravement atteinte aux droits de ces enfants", a relevé M. El Kindi. Au moins une avancée a été réalisée sur ce chapitre et une chose est sûre aujourd'hui, c'est que plus personne n'ignore cette question du travail des enfants, a-t-il estimé, car lors des différents débats organisés par des médias nationaux, il n'y a jamais eu, selon lui, de contradicteur et plus personne ne conteste cette réalité, tout le monde en est pleinement conscient. Pour favoriser la scolarisation des filles et prévenir l'abandon scolaire, Insaf a mis en place, en 2012, 6 classes de soutien scolaire au profit de 93 petites filles réinsérées à l'école ainsi que 14 classes de préscolaire au profit de 280 enfants âgés de 4 à 6 ans. Elle a également inscrit en 2012, en partenariat avec des associations locales, 170 filles âgées de 13 à 16 ans dans les classes d'éducation non formelle. La réinsertion familiale et scolaire des filles mineures en situation de travail domestique, la prévention contre le travail domestique et la déperdition scolaire des filles mineures, la sensibilisation/responsabilisation des acteurs sociaux et institutionnels, la conclusion de partenariats localement et le plaidoyer pour la mise en place d'un cadre législatif de protection et de réinsertion assorti de dispositions et de moyens, tels sont les objectifs fixés par l'association, entre autres, a-t-il conclu.