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Des associations constatent une pénurie chronique des médicaments dans les centres de santé A l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale : Marche à Casablanca contre la stigmatisation de la maladie mentale
Des associations de familles de malades souffrant de troubles psychiques organisent une marche à Casablanca le dimanche 6 octobre à Ain Diab à l'occasion de la célébration de la journée mondiale de la Santé mentale qui coïncide chaque année avec le 10 octobre. Il s'agit notamment de l'Association AMALI regroupant des proches et amis de malades souffrant de schizophrénie et l'Association Marocaine des Usagers de la Psychiatrie (AMUP), laquelle rassemble dans ses rangs des patients souffrant d'affections psychiques stabilisés et pleinement impliqués dans la vie active. Il s'agit d'une association première du genre où des patients eux-mêmes militent pour les droits des malades du fait qu'ils connaissent les problèmes de fond de l'intérieur. Amal Moutrane, secrétaire générale de l'AMUP travaillant dans une banque, soutient que l'un des plus importants objectifs de la marche est de dénoncer la stigmatisation de la maladie mentale : «Le gros problème pour la maladie mentale c'est la stigmatisation car on est loin de considérer cette maladie sur un pied d'égalité avec les autres affections physiques par exemple. Quand on parle d'un malade souffrant d'affection psychique il arrive souvent qu'on dise de lui avec indifférence voire mépris : "Ce n'est qu'un attardé, un maboul, il ne faut pas en tenir compte". C'est très ancré dans les mœurs malheureusement. La dignité humaine en prend pour son grade. Il en est de même des décideurs qui ne daignent consacrer que peu d'intérêt à la maladie qui ne bénéficie pas des mêmes traitements que les autres. Même quand un malade mental est stabilisé, on considère qu'il ne peut pas travailler, ni se marier et il arrive que même sa propre famille le rejette parce qu'elle ne supporte pas le poids du regard d'autrui. Des familles continuent à cacher leurs proches par peur du regard des autres. Donc, nous pensons que pour aider les malades et leurs proches, il faut lutter d'abord contre la stigmatisation et briser les tabous qui entourent la maladie». Amal Moutrane explique qu'avec d'autres patients elle suivait les activités de l'association Amali. C'est tout récemment début 2013, avec d'autres patients, que la décision a été prise de créer une association de patients souffrant de maladies psychiques sous l'instigation du Pr Moussaoui ancien directeur du Centre psychiatrique universitaire Ibn Rochd. Parallèlement à la stigmatisation, l'autre point important objet de la marche de protestation, c'est la question des soins qui laissent trop à désirer dans le domaine de la prise en charge de la maladie mentale du fait d'interférence de plusieurs facteurs structurels comme l'insuffisance des médecins psychiatres, des infirmiers spécialisés, assistantes sociales, insuffisance aussi de lits etc. Ainsi, à Casablanca, d'après les données statistiques, il y a uniquement 220 lits pour hospitalisation psychiatrique. Un projet en cours vise l'augmentation de cette capacité d'accueil pour atteindre les 400 pour une ville où la demande réelle est estimée à plus de 2.500 lits. Pour ce qui est du privé, il existe 4 cliniques psychiatriques en tout avec des frais exigés variant entre 1000 et 2.500 Dh la nuit. Il reste que le drame du plus grand nombre c'est aussi le manque de médicament. Médicaments: une pénurie chronique Naïma Trachen Slamti, présidente de l'Association AMALI, elle-même mère d'un malade atteint de schizophrénie, s'était engagée avec d'autres parents pour créer cette association en 2007. Elle explique que les familles ont appris avec réconfort le fait que le ministère de la Santé place la santé mentale comme deuxième priorité après les urgences. Du coup, le budget alloué à la santé mentale devait être revu à la hausse. Malheureusement, jusqu'à présent, le gros problème de la majorité des familles nécessiteuses c'est l'absence de médicaments dans les centres de santé. «Les familles que nous recevons dans notre centre d'écoute disent ne pas avoir de moyens pour acheter des médicaments surtout de la nouvelle génération qui n'ont pas des effets secondaires apparents (bave, tremblements) et qui permettent au patient d'avoir une apparence extérieure normale, ce qui l'expose moins à la stigmatisation. Grâce à un traitement avec ces nouvelles molécules selon les estimations de l'OMS, 20% des malades peuvent avoir une activité normale et 80% peuvent développer un handicap. Mais les médicaments coûtent très cher et se trouvent hors de portée pour la grande majorité des patients. C'est pour ça que cette marche du dimanche 6 octobre est organisée. En arrivant au centre de santé, ces familles ne trouvent pas de médicaments alors que la santé mentale est placée comme deuxième priorité au Maroc, ce n'est pas normal. Les responsables de pharmacies des centres de santé disent qu'ils n'ont rien, pas de médicaments, ils ont une liste de malades qu'ils ne peuvent pas satisfaire. Où est-ce qu'il est passé le budget ? A la délégation de la Santé on nous explique que les centres de santé ont leurs dotations en médicaments mais on ne sait pas si c'est à cause de la forte demande qu'il y a pénurie ou autre chose, ce n'est pas clair. Apparemment, l'importance des dotations ne correspond pas à la demande, c'est du moins ce qui ressort par exemple de notre entretien avec une responsable du centre de santé d'Ain Chok qui nous a montré le registre des malades en soulignant que rien que l'injection de Modecate, elle en fait 47 par jour et elle a plus de malades que ça. Elle passe sa journée à faire l'injection de Modécate qui est un neuroleptique retard qui fonctionne pour la stabilisation de la maladie mentale comme l'insuline pour les diabétiques. Les parents des patients viennent se plaindre, raison pour laquelle nous avons opté pour une démarche d'enquête, nous n'avons pas visité tous les centres de santé mais nous en avons visité cinq à Casablanca avec à chaque fois le même constat : l'absence de médicaments. A la délégation de la Santé, le délégué nous assure que tout cela va changer, qu'on est en train de travailler là-dessus, des commissions seraient en train de travailler sur le budget de la santé mentale pour qu'il soit bien dispatché, mais nous, pour l'instant, nous ne voyons rien venir. Nous faisons notre cellule d'écoute chaque semaine et chaque fois c'est la même plainte «il n'y a pas de médicaments !»