Récemment, 13 personnes souffrant de maladies mentales se sont évadées du Centre hospitalier psychiatrique de Casablanca, un incident qui remettrait en cause la prise en charge des schizophrènes au Maroc. Eclairage avec Amina Bencherki, vice-présidente de l'Association marocaine pour l'appui, le lien et l'Initiation des familles des personnes souffrant de troubles psychiques (AMALI). Selon Amina Bencherki (en médaillon), vice-présidente de AMALI, le début des troubles de schizophrènie est noté vers 15-25 ans chez le garçon et 20-30 ans chez la fille. Pouvez-vous nous faire un état des lieux de l'évolution de la schizophrénie au Maroc ? Au Maroc on dénombre près de 340 000 personnes qui souffrent de la schizophrénie, soit 1 % de la population avec un taux de prévalence qui est plus élevé en milieu urbain qu'en zone rurale. C'est une pathologie qui existe depuis longtemps et dont la prévalence semble stable dans le temps. Quelle frange de la population est la plus touchée ? Il semble qu'il y ait autant de filles que de garçons avec début de la maladie plus précoce et évolution plus grave chez le garçon. Le début des troubles est notée vers 15-25 ans chez le garçon avec des formes plus précoces et d'autres plus tardives, et 20-30 ans chez la fille. La schizophrénie touche toutes les catégories sociales, sans distinction de race ou de sexe. On évoque souvent la piste héréditaire. Est-ce le cas ? En l'état actuel des connaissances, il n'existe pas de théorie unitaire et incontestée sur la genèse et le développement des troubles psychiatriques. Toutefois des données issues de différentes disciplines scientifiques permettent de discerner des facteurs biologiques et psychosociaux qui agissent de concert et contribuent à provoquer les maladies schizophrénies. En d'autres termes, c'est une maladie biologique, à composante héréditaire ( maladie avec terrain génétique) qui peut se déclarer suite à des facteurs spychosociaux. Quels sont les symptômes majeurs de cette maladie ? En ce qui concerne la schizophrénie , on ne parle pas de maladie mais de syndrome c'est-à-dire un ensemble de symptômes constatés sur une période donnée. Par souci de simplicité, on peut dire qu'il existe 3 grandes catégories de symptômes : des symptômes positifs comme les délires, hallucinations observées principalement lors des périodes de crise. Positifs, car ils s'ajoutent à un comportement normal d'un individu (en plus). Ensuite, les symptômes négatifs tels que l'émoussement affectif, manque de discours, apathie ou « paresse pathologique», manque de motivation, d'intérêt, d'hygiène corporelle et manque de sociabilité. Et enfin des troubles cognitifs comme la difficulté à penser de façon efficace et à traiter l'information de façon adaptée. on constate une recrudescence des maladies mentales post-ramadan. Quelles sont les raisons ? Peut-être due à l'arrêt du traitement pendant la période de jeûne. La prise de médicaments est absolument essentielle. Les neuroleptiques agissent essentiellement sur les symptômes positifs (délires, hallucinations) par contre, ils sont quasi inefficaces quant ils s'agit de traiter les symptômes négatifs et aider la personne à sortir de son isolement à développer la motivation , à fonctionner de façon autonome en famille et en société. D'où la nécessité de développer dans notre pays des traitements psychosociaux et de réadaptation qui vont de pair avec les traitements médicamenteux et qui peuvent prévenir les rechutes. Selon vous, la marginalisation des malades ne contribue-t-elle pas à aggraver la situation des patients ? Sans aucun doute. Tous les tabous qui s'accrochent à cette pathologie sont très tenaces et nous faisons tout ce que nous pouvons pour lutter contre la stigmatisation. Il est important de savoir que ces personnes qui sont définies comme dangereuses et dont il faut se protéger sont la plupart du temps des victimes qu'il faut protéger par des lois spécifiques et adaptées. La personne malade est un être humain comme les autres, mais elle est par moment gênée par des symptômes qui modifient sa perception de l'environnement, sa façon de raisonner, ses capacités d'attention, de mémoire et son état émotionnel. Qu'en est-il de la prise en charge et du traitement de la pathologie au Maroc ? La prise en charge médicamenteuse se généralise au Maroc, grâce aux efforts déployés par ministère de la Santé, professionnels de la santé et des familles qui commencent à jouer un rôle dans l'amélioration des soins Treize patients se sont récemment évadés du Centre psychiatrique de Casablanca. Des défaillances dans la prise en charge ? Une insuffisance de personnel soignant et d'encadrement. Une insuffisance de personnel soignant et d'encadrement. Votre association a lancé en janvier 2009 le programme psycho éducatif « Profamille » envers les familles des malades. Qu'en est-il aujourd'hui ? La famille joue un rôle très important dans la stabilité du malade. Car il ne suffit pas de prendre les médicaments et c'est gagné. Le plus dur reste à faire. Prendre en charge le malade au quotidien et faire en sorte qu'il y ait le moins de rechute possible. Pour cela, la famille a besoin d'être formée, de connaître la maladie et son traitement, de connaître les règles de communication avec le malade, les limites à lui imposer afin de créer un cadre familial vivable pour toute la famille, de déculpabiliser et de savoir qu'elle n'est pas responsable, etc. Nous formons chaque année un groupe de familles à ce programme international profamille qui comporte 14 séances, plus des séances à 1 an et à 2 ans. Les résultats statistiques des évaluations de ce programme sont présentés chaque année à un congrès international dont le prochain se tiendra en novembre à Lyon dans le Centre hospitalier « Le Vinatier ». Nous souhaitons que le ministère nous épaule financièrement et matériellement car nous recevons énormément de sollicitations alors que nous ne sommes que 4 à 5 personnes dans l'association. * Tweet * *