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La dérive budgétaire pourrait mettre le Maroc sous la tutelle de ses créanciers
Rapport annuel du Conseil Economique, Social et environnemental : La dimension Education, principal facteur de stagnation au Maroc Territorialiser les politiques publiques
Publié dans L'opinion le 24 - 08 - 2013

M. Chakib Benmoussa, ancien président du Conseil économique, social et environnemental (CES) a présenté, à la fin de sa mission, à S.M. le Roi, le rapport de cette institution au titre de l'année 2012. Ce rapport annuel résume la perception par le CES de la situation économique, sociale et environnementale en 2012 et passe en revue les faits marquants de l'année 2012, notamment l'amorce de la mise en oeuvre de la nouvelle Constitution et l'installation de la Haute instance du dialogue national sur la réforme de la justice. Le Conseil procède à une analyse des principales évolutions sur les plans économique, social et environnemental.
Cette analyse s'appuie sur plusieurs indicateurs, émanant de sources nationales et internationales, ainsi que sur l'exploitation des résultats du baromètre du CESE qui a évalué l'appréciation de la situation économique et sociale et l'identification des attentes prioritaires de la population et des acteurs sociaux. Sur cette base, le CESE propose des recommandations et attire l'attention sur certains points de vigilance, en vue d'accroître l'efficacité de l'action publique.
Compte tenu de l'importance de la question de la compétitivité pour le redressement des fragilités structurelles de l'économie, le rapport de cette année comporte une étude thématique sur la compétitivité durable et met l'accent sur les liens qui existent entre la compétitivité globale, la cohésion sociale et l'environnement.
Le socle institutionnel, une opportunité pour impulser une nouvelle dynamique de réformes
L'année 2012 a été marquée par la mise en conformité de la pratique institutionnelle et politique avec l'esprit et les dispositions de la Constitution adoptée par référendum en juillet 2011. Elle a été caractérisée par l'entrée en fonction d'un gouvernement doté de pouvoirs renforcés. Un programme gouvernemental a été présenté, avec pour principes directeurs l'action intégrée, l'approche participative et la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes.
Le lancement par Sa Majesté le Roi du chantier de réforme de la justice, avec l'installation de la Haute instance du dialogue national sur la réforme de la justice, constitue un fait majeur de l'année. Ce chantier revêt une importance stratégique et suscite un grand espoir pour consacrer la suprématie de la loi et stimuler le développement. La démarche adoptée traduit la volonté de faire aboutir cette réforme dans un cadre de dialogue et de concertation associant les différentes sensibilités. De sa réussite dépend largement l'évolution de nombreux chantiers engagés par notre pays : moralisation de la vie publique, développement économique et encouragement de l'investissement, renforcement des valeurs de citoyenneté, promotion des libertés et des droits de l'homme.
Sur le plan régional, le contexte politique demeure toujours perturbé, avec un manque de visibilité quant aux perspectives politiques et sécuritaires dans les pays concernés. S'agissant de la conjoncture économique internationale, elle a été fortement marquée par la récession au sein des principaux pays de la zone euro et le maintien à un niveau élevé des cours des produits énergétiques. Ces facteurs ont pénalisé la croissance de l'économie nationale et lourdement affecté ses équilibres macroéconomiques. La poursuite des politiques de rigueur dans les principaux pays partenaires du Maroc en Europe ne laisse pas entrevoir, selon le Conseil, de perspective de reprise de la croissance dans ces pays à court terme. A cet égard, elle doit constituer pour le Maroc un facteur de vigilance.
Le Conseil considère que l'existence d'un socle institutionnel solide constitue une opportunité qui doit être rapidement mise à profit par les pouvoirs publics, de concert avec les acteurs économiques et sociaux, pour rendre effectives les dispositions constitutionnelles et impulser une nouvelle dynamique de réformes.
Manque de visibilité sur les réformes et attentisme des opérateurs
La stagnation de l'activité dans les principaux pays partenaires en Europe, une mauvaise récolte céréalière ainsi que les cours élevés des produits énergétiques ont affecté la performance de l'économie nationale en 2012 et aggravé les déséquilibres budgétaire et extérieur. Combinées à un manque de visibilité sur les réformes et à l'attentisme des opérateurs et à la faiblesse structurelle de la compétitivité de l'économie, ces évolutions ont impacté négativement la croissance et pesé sur les créations d'emploi.
Dans ces conditions, la croissance s'est établie à 2,7% en 2012, contre 5% une année auparavant consécutivement à la baisse de 8,9% de la valeur ajoutée agricole et au ralentissement du rythme de progression des activités non agricoles de 5,2% à 4,4%. En outre, le retard dans l'approbation de la loi de finances a contribué à l'instauration d'un climat d'attentisme parmi les opérateurs, en relation avec le manque de visibilité sur les orientations budgétaires.
Cette évolution est perceptible notamment à travers le recul des crédits à l'équipement, dont l'encours a enregistré une baisse de 2%, ce qui semble indiquer un ralentissement de l'investissement des entreprises.
Cependant, l'inflation a pu être contenue à la faveur du maintien du dispositif de la compensation, et ce en dépit de la hausse des prix des carburants intervenue en juin.
Néanmoins, l'économie nationale a subi l'impact du maintien à un niveau élevé des cours du pétrole, ce qui a accru les dépenses de soutien des prix des produits énergétiques et alourdi les déficits budgétaire et commercial.
En effet, malgré le relèvement des prix des carburants, qui a permis une économie de 5,7 milliards de dirhams, les dépenses de compensation se sont accrues de plus de 12% pour atteindre près de 55 milliards. Dans ces conditions, le déficit budgétaire est passé de 6,1% à 7,1% du PIB. Les niveaux atteints deviennent difficilement soutenables et devraient constituer un facteur de vigilance afin de prendre les mesures pour restaurer une marge de manoeuvre permettant de mener les politiques de développement économique et social.
La couverture du déficit impose de recourir régulièrement à l'emprunt, et entraîne mécaniquement la progression de l'encours de la dette du Trésor qui représente 57,8% du PIB à fin 2012, au lieu de 47% en 2009. Les émissions de 2012 sur le marché international, libellées en dollars, ont certes été réalisées à des conditions favorables. A l'avenir elles risquent néanmoins d'être affectées par la détérioration de la situation des finances de l'Etat et la dégradation éventuelle de la notation de la dette du Maroc, dont les perspectives ont été revues de stable à négative par une agence de notation.
Alourdissement des déficits extérieurs et faiblesse de la compétitivité
S'agissant des comptes extérieurs, le déficit des échanges commerciaux s'est alourdi et les recettes du tourisme de même que les transferts des Marocains résidant à l'étranger n'ont pas permis de le compenser. En conséquence, le compte courant de la balance des paiements a enregistré des déficits importants, atteignant 9% du PIB après 8% en 2011. Dans ces conditions, le solde négatif de la balance des paiements a nécessité une ponction sur les avoirs extérieurs qui ne représentaient plus que l'équivalent de quatre mois d'importations à fin 2012 au lieu de cinq, un an auparavant.
Face à la contraction de ses avoirs extérieurs, et afin de se prémunir contre des chocs extérieurs éventuels, le Maroc a obtenu en août une facilité auprès du FMI, sous forme d'une ligne de précaution et de liquidité, d'un montant équivalent à 6,2 milliards de dollars. L'octroi de cette facilité constitue un signe de confiance dans les perspectives de l'économie marocaine et les politiques poursuivies. Cette facilité, que les autorités ne comptent utiliser qu'en cas de détérioration majeure, consécutive à un choc extérieur, permet un accès rapide à des ressources en devises.
Le déficit extérieur renvoie à la faible compétitivité de l'économie, dont l'amélioration requiert d'accompagner le tissu productif national dans sa mise à niveau, sa diversification et l'élévation de son contenu technologique.
Conscient des enjeux importants en termes de rehaussement du rythme de croissance et du niveau de développement social de ce chantier, le Conseil a consacré l'étude thématique de son Rapport annuel à la problématique de la compétitivité.
Les dirigeants d'entreprises préoccupés par la fiscalité et l'accès au financement
Si les classements internationaux du Maroc en matière de climat des affaires ont connu un léger recul, il n'en demeure pas moins que les flux au titre des investissements directs étranger (IDE) ont enregistré une hausse, en dépit de la conjoncture internationale peu favorable. Cela démontre une confiance des opérateurs étrangers dans le potentiel de développement de leurs activités au Maroc. Néanmoins, il importe que l'action des pouvoirs publics oeuvre à améliorer le climat des affaires et la visibilité des opérateurs nationaux et internationaux.
De fait, en 2012, le retard dans l'approbation de la loi de finances a contribué à l'instauration d'un climat d'attentisme parmi les opérateurs, lié au manque de visibilité sur les orientations budgétaires. Cette situation a affecté les performances des entreprises confrontées en outre à l'allongement des délais de paiement.
Cette analyse est confirmée par l'appréciation de la situation des entreprises par leurs dirigeants, telle qu'elle ressort de l'étude conduite dans le cadre du baromètre du CESE. En effet, les dirigeants d'entreprises estiment majoritairement que la situation actuelle de leur entreprise n'est ni bonne ni mauvaise. Leurs principales préoccupations concernent la fiscalité et l'accès au financement, la qualité des services de l'administration publique et le développement durable dans ses aspects de protection et d'utilisation des ressources. Cela incite à mettre en place des mesures pour améliorer les relations entre les opérateurs et l'administration, renforcer la confiance et améliorer la visibilité des opérateurs économiques.
S'agissant des classements internationaux, le Maroc a reculé dans le classement Doing Business en 2012, après avoir enregistré un progrès notable en 2011 : il passe ainsi du 93e au 97e rang du classement sur 185 pays. Cette évolution est imputable au recul de la 146e à la 163e place en ce qui concerne le volet Transfert de propriété, suite à l'augmentation des droits d'enregistrement. Sur le volet Paiement des impôts, le Maroc a perdu trois places, et se situe désormais au 110e rang, avec un coût associé aux délais de paiement estimé à 238 heures de travail.
Les pouvoirs publics semblent conscients de l'importance d'agir sur ces volets et des mesures sont en préparation pour agir sur les différents aspects où le Maroc enregistre un retard. Néanmoins, la rigueur du dispositif de pilotage conditionne l'efficacité de la mise en oeuvre du plan d'action arrêté par la Commission nationale de l'environnement des Affaires (CNEA).
RAMED : Degré de satisfaction variable
Sur une population cible de 8,5 millions de personnes, 5,1 millions de bénéficiaires ont pu accéder au régime d'assistance médicale (RAMED) à fin décembre 2012. Sur ce total, on recense 2,7 millions de personnes (environ 938 000 foyers) qui disposent de la carte RAMED, tandis qu'un reçu de dépôt de dossier a été délivré à près de 700 000 foyers, ce qui leur permet un accès gratuit aux soins en cas d'urgence. Néanmoins, la perception au niveau local semble indiquer un degré de satisfaction variable quant à la mise en oeuvre de ce dispositif.
Le régime de l'Assurance maladie obligatoire (AMO) concerne, quant à lui, 72% de la population. Les catégories couvertes actuellement sont les salariés et les titulaires de pension des secteurs public et privé et leurs ayants droit, représentant 34% de la population. Par contre, les indépendants, comprenant les commerçants, les artisans et aide-artisans, les professions libérales et les personnes actives non salariées, formant 38% de la population, ne sont pas encore couverts.
Nécessité d'un dialogue social élargi et efficace
Si le dialogue social tripartite (patronat, syndicats et gouvernement) a marqué une pause en 2012, des avancées ont été enregistrées au niveau du dialogue entre les partenaires sociaux. Elles concernent principalement l'établissement d'un accord-cadre régissant la médiation sociale en matière de contentieux du travail. Ce cadre conventionnel vise à instaurer un processus de prévention et de résolution des conflits collectifs dans le milieu professionnel, permettant ainsi d'instaurer un climat de confiance et d'assurer la pérennité de l'entreprise, tout en préservant les intérêts des salariés.
Les relations entre les partenaires sociaux sont appelées dans l'avenir à s'inscrire dans le cadre d'un modèle social fondé sur l'élaboration de grands contrats sociaux entre toutes les composantes de la société marocaine, comme l'a appelé de ses voeux Sa Majesté le Roi lors de son discours d'installation du Conseil Economique et Social. Dans ce cadre, le CESE suggère l'organisation d'Assises du Dialogue national sur les grands contrats sociaux. Il s'agit de mettre à la disposition du gouvernement, des organisations syndicales et de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc, un cadre institutionnel permettant de favoriser la convergence nationale sur de grandes réformes liées à quatre dimensions essentielles : la préservation du pouvoir d'achat des citoyens, la compétitivité des entreprises, la protection sociale, la prévention et la résolution pacifique des conflits collectifs du travail.
Un système éducatif en attente de réforme
La dimension Education constitue le principal facteur expliquant la stagnation du Maroc en matière de développement humain, telle que mesurée par l'Indicateur de développement humain (IDH), déterminé par le PNUD.
En effet, si l'indice Education a enregistré un progrès important entre 1980 et 2006, on constate que, à partir de 2006, le niveau de cet indice tend à se stabiliser autour de 0,44 tandis que la valeur moyenne de l'indice pour la catégorie des pays à développement humain moyen passe de 0,48 à 0,56. De ce fait, le Maroc a accusé un recul dans le classement en passant du 124e rang en 1980, au 131e en 2005, pour atteindre le 146e en 2012.
Cette situation s'explique notamment par la faible amélioration de la durée moyenne et de la durée attendue de scolarisation.
Au-delà des indicateurs, la question de l'éducation est cruciale en raison de ses répercussions en matière de réduction des inégalités et de renforcement de la cohésion sociale. Aussi, il est impératif de faire une évaluation des politiques suivies jusqu'à présent et d'en tirer des enseignements pour conduire une réforme qui s'avère urgente, comme souligné par le discours royal du 20 août 2012. Pour réussir, cette réforme doit adopter une approche inclusive, permettant un débat national élargi débouchant sur des orientations bénéficiant du soutien de l'ensemble des parties prenantes.
Le Maroc doit par ailleurs veiller à la réalisation de l'ensemble des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), qui constituent une base pour la valorisation du capital humain et le rehaussement de sa contribution à la création de richesses. Cela suppose notamment une mise en oeuvre rigoureuse des plans d'actions engagés, en particulier dans les domaines de l'éducation, de la santé et de l'égalité de genre.
Fortes attentes sur le front des inégalités sociales et spatiales
L'analyse des perceptions de la situation sociale, conduite dans le cadre du baromètre du CESE, fait ressortir l'ampleur des attentes des citoyens et des différents acteurs sociaux en matière de politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, d'amélioration des services de santé et du rendement de l'enseignement public. En effet, pour les différentes cibles, ces domaines ont été à la fois associés aux perceptions les plus négatives et identifiés comme ceux constituant leurs principales préoccupations. Les résultats de l'étude qualitative auprès des citoyens, soulignent ainsi que la pauvreté apparaît comme un phénomène essentiellement rural mais qu'elle est aussi perçue comme très endémique en milieu périurbain. Les principales difficultés rencontrées dans ces zones sont l'accès aux soins, une alimentation très basique voire insatisfaisante et un logement surpeuplé, inadapté aux besoins essentiels. En revanche, les perceptions les plus positives portent sur la promotion de l'égalité entre femmes et hommes, la sécurité des personnes et des biens et la garantie des droits humains et des libertés publiques. Les acquis dans ces domaines constituent ainsi un socle à renforcer par davantage d'efficacité des politiques de développement humain, en particulier celles en direction des populations rurales et des zones enclavées.
Pour une meilleure exploitation des énergies renouvelables et de l'eau
S'agissant du volet environnemental, après la consécration du droit au développement durable et à un environnement sain dans la Constitution de juillet 2011, le cadre législatif en matière d'environnement a été marqué en 2012 par l'élaboration d'un Projet de loi-cadre portant Charte nationale de l'environnement et du développement durable, qui a été soumis par le gouvernement au CESE et a donné lieu à un avis du Conseil. Ce projet décline les orientations de la Charte nationale de l'environnement et du développement durable en leur conférant une assise juridique à travers l'explication des principes, droits et devoirs ainsi que la définition des engagements qui doivent être respectés par l'ensemble des parties prenantes. Il prévoit également des mesures d'ordre institutionnel, économique et financier en vue d'instaurer une gouvernance environnementale garantissant l'efficacité et la cohérence des actions menées.
Afin d'accompagner la dynamique nouvelle créée par ce texte, le Conseil juge nécessaire de mettre en cohérence l'ensemble du dispositif réglementaire et juridique existant. Par ailleurs, il est impératif d'évaluer et de mobiliser des financements publics et privés importants pour réussir la mise en oeuvre des mesures opérationnelles prévues par le projet de loi pour assurer la transition écologique.
Dans le domaine des énergies renouvelables, une avancée importante a été réalisés en 2012, avec la signature par MASEN conjointement avec l'ONEE, le consortium adjudicataire et les bailleurs de fonds, des contrats relatifs au financement, à la construction et à l'exploitation d'une première centrale sur le site d'Ouarzazate, d'une puissance de 160 MW. De même, le programme éolien intégré, qui prévoit le développement de grands parcs éoliens, a enregistré une nouvelle impulsion avec la désignation des soumissionnaires pour l'appel d'offres relatif à plusieurs centrales éoliennes d'une puissance globale de 850 MW. Ce projet constitue la seconde phase du Programme Eolien Marocain, la première phase ayant porté sur le projet éolien de 150 MW de Taza.
Cependant, ces avancées notables dans la réalisation de centrales de grandes puissances ne s'accompagnent pas d'un développement similaire de projets éoliens et solaires de moyennes et petites puissances, qui constituent pourtant un réservoir important de production locale d'énergie. Dans ce sens, il est impératif de procéder à la publication des décrets d'application de la loi 13.09 relative au développement des énergies renouvelables, et de mettre en place un dispositif fiscal incitatif dédié.
S'agissant de la problématique de l'eau, la sécheresse qui a prévalu en 2012 conforte la pertinence de la stratégie suivie en matière de mobilisation des ressources. Néanmoins, l'action des pouvoirs publics doit converger vers l'élaboration d'un modèle de gestion des ressources en eau fondé sur la sécurisation de l'accès actuel et futur à la ressource, la protection des personnes et des biens face aux inondations, ainsi que sur l'efficacité de l'utilisation de la ressource à travers l'établissement de schémas d'interopérabilité impliquant tous les intervenants dans la gestion des ressources.
La lecture faite par le CESE des principales évolutions de l'année 2012 confirme la pertinence des axes d'action identifiés en 2011, complétés par l'exigence de se conformer à l'esprit de la Constitution et de mettre en œuvre rapidement l'ensemble de ses dispositions. Cela se traduit en particulier par la priorité accordée aux volets de l'inclusion économique et sociale, au renforcement de la gouvernance et de la territorialisation des politiques publiques ainsi qu'à la participation des citoyens à la conception et à la mise en oeuvre de ces politiques.
Les principales recommandations
Face à l'ampleur des déficits sociaux et devant les incertitudes liées à la crise mondiale, la mise en oeuvre rapide et le pilotage efficace des politiques nationales visant à accélérer la croissance et à renforcer la cohésion sociale, en mobilisant l'ensemble de la société, est d'autant plus nécessaire. Dans le contexte actuel d'exacerbation de la concurrence internationale, les différentes composantes de la société doivent privilégier le dialogue et la concertation, tout en oeuvrant pour la mise en oeuvre rapide des actions arrêtées en privilégiant l'intérêt national sur les bénéfices catégoriels.
Le Conseil estime que le principal enjeu sur le plan économique est d'accroître la capacité de l'économie nationale à résister aux chocs exogènes et de s'adapter aux mutations de l'environnement international en saisissant les opportunités que ces mutations peuvent offrir. Il importe, à cet égard, d'optimiser le positionnement du pays à l'international et d'améliorer le climat des affaires, tout en préservant la stabilité macroéconomique. Pour pallier les déficits sociaux, il est impératif, sur la base d'une évaluation rigoureuse des politiques passées, d'engager sans plus tarder les chantiers d'amélioration de la qualité du système éducatif et du dispositif de formation professionnelle, et celle du système de santé afin d'accompagner la généralisation de la protection sociale, et permettre ainsi l'effectivité des différents programmes (AMO, RAMED). La recherche d'une plus grande efficacité des politiques publiques passe par le renforcement de leur cohérence, notamment à travers une territorialisation permettant d'assurer la transversalité du déploiement de ces politiques.
Renforcer la gouvernance des stratégies sectorielles et le positionnement du Maroc à l'international
Le CESE met en avant rois axes pour redynamiser la croissance dont le premier consiste à renforcer la gouvernance des stratégies sectorielles et le positionnement à l'international.
Les stratégies sectorielles ont permis d'instaurer un cadre propice au déploiement de l'action de l'Etat et de procurer une certaine visibilité aux investisseurs. Cependant, leur mise en oeuvre a révélé un manque de convergence entre les différentes feuilles de route mais également avec les politiques transversales, notamment en matière d'éducation-formation, de fiscalité et d'aménagement du territoire. Il incombe donc aux pouvoirs publics d'améliorer la visibilité des opérateurs, à travers l'implémentation rapide et coordonnée des actions prévues dans le cadre des différentes stratégies et de procéder de manière institutionnalisée à des évaluations régulières permettant d'apporter les ajustements nécessaires.
Parallèlement, il est impératif de valoriser les atouts que constituent la position géographique du Maroc et ses relations privilégiées avec ses différents partenaires. Ainsi, en ce qui concerne le Statut avancé avec l'Union européenne, il importe d'en accélérer la mise en oeuvre à travers la définition d'objectifs et d'un calendrier d'exécution précis. S'agissant des pays du Golfe, leur disposition à développer leurs relations avec notre pays doit être mise à profit pour attirer davantage d'investissements et accroître nos exportations. En outre, notre pays doit renforcer son ouverture sur le continent africain et le pourtour méditerranéen. Ces efforts doivent être accompagnés par la pratique d'une veille stratégique orientée vers le renforcement des parts de marchés ainsi que vers la promotion des investissements directs étrangers (IDE), à travers le suivi des stratégies des entreprises multinationales, pour assurer un meilleur positionnement de notre pays dans les chaînes de valeur internationales.
Néanmoins, la conquête de nouveaux marchés et le renforcement des parts des exportations marocaines sur les marchés traditionnels demeurent tributaires de l'amélioration de l'offre exportable et du rehaussement de la compétitivité globale de l'économie. A cet égard, l'étude thématique, objet de la deuxième partie du présent rapport du Conseil, porte sur la compétitivité durable, en mettant l'accent sur les liens qui existent entre compétitivité globale, cohésion sociale et environnement. En effet, la compétitivité, pour être durable, doit être équitable, inclusive et participative ; elle doit garantir une gestion efficace des ressources et s'appuyer sur les valeurs culturelles de tolérance et d'ouverture. La recherche de la compétitivité doit adopter une vision de long terme et permettre au pays de tirer parti de ses atouts et de progresser dans les domaines qui présentent des déficiences.
Cette étude présente l'état des lieux de la compétitivité durable et les moyens à mettre en oeuvre pour la renforcer en s'appuyant sur une analogie qui assimile la construction de la compétitivité nationale à celle d'un édifice. Les fondations de cette compétitivité durable sont la stabilité macroéconomique et l'ouverture au monde extérieur. Ses piliers se composent d'un cadre institutionnel et juridique efficace, d'infrastructures de base et financières cohérentes, d'une culture nationale et d'entreprise propices à la compétitivité et d'infrastructures sociales et environnementales solides. Les fondations et les piliers sont complétés par une toiture : la technologie et l'innovation qui permettent aux entreprises de raffermir leur productivité.
L'état des lieux dressé par cette étude permet d'avancer que l'amélioration de la compétitivité est à la portée de notre pays, d'autant que le Maroc dispose de nombreux atouts, notamment sa position géographique, son choix pour la régionalisation avancée, sa culture tolérante favorable à l'ouverture, l'existence d'instances de concertation et une expérience réussie dans l'encouragement de certains secteurs.
Pour améliorer la compétitivité, les fondations devront être renforcées, les piliers consolidés et la toiture raffermie.
Pour renforcer les fondations, le modèle de croissance doit faire de l'innovation un levier d'amélioration de la productivité et doit s'orienter vers les secteurs porteurs ; la fiscalité doit encourager les secteurs productifs et devenir un facteur clé de la compétitivité ; la mise en oeuvre des accords commerciaux préférentiels doit être soutenue par l'Etat.
En vue de consolider les piliers, la qualité de la formation doit être promue à tous les niveaux et doit concerner la formation générale, la formation professionnelle et la formation tout au long de la vie ; la mise à niveau sociale, le respect du droit du travail, un dialogue social fructueux et le traitement des conflits du travail doivent être effectifs ; une gouvernance fondée sur le respect de la légalité doit être encouragée et la lutte contre la corruption accentuée ; enfin la promotion de la responsabilité sociale des entreprises doit bénéficier d'incitations tangibles.
Afin de raffermir la toiture, il est nécessaire de renforcer l'Initiative Maroc Innovation, de conforter le soutien à la technologie et à l'innovation et de promouvoir la diffusion de bonnes techniques de gestion auprès des PME.
Pour profiter des atouts dont le Maroc est doté, il est nécessaire d'encourager le développement de pôles de compétitivité régionaux et de développer l'agro-industrie et l'économie verte.
Accroître la contribution des PME à la croissance et à l'emploi
Parallèlement, il est impératif de rehausser la contribution des PME à la relance de la croissance et de l'emploi.
En effet, la promotion de PME plus dynamiques et plus innovantes, susceptibles d'améliorer leur compétitivité et d'accompagner les grandes entreprises, nécessite la levée d'un certain nombre d'obstacles à leur croissance.
Il s'agit, en premier lieu, de s'attaquer aux fragilités de ces entreprises qui se rapportent principalement à leur sous-capitalisation et à la faiblesse de leurs moyens techniques et humains. Ainsi, pour lever les difficultés de financement auxquelles sont confrontées ces entreprises, il est impératif de refonder la relation entre les banques et les PME, en renforçant la transparence afin d'établir un climat de confiance favorisant un partenariat durable allant au-delà de l'octroi de financements, pour répondre au besoin d'accompagnement du développement de l'entreprise. Parallèlement, le faible recours des PME aux dispositifs qui leur sont destinés doit amener à s'interroger sur l'effort de communication et d'information ainsi que sur le degré de complexité des procédures d'accès à ces mécanismes de soutien. En outre, il importe de mettre fin à la concurrence déloyale exercée notamment par les activités informelles, de reconsidérer le traitement fiscal qui favorise le maintien des entreprises à une taille réduite et d'améliorer leur accès aux marchés publics.
A cet égard, l'encouragement de la PME dans la perspective de la création d'emplois est au coeur des recommandations du rapport du CESE sur la commande publique. Elles portent sur l'encouragement de la production de valeur ajoutée locale, la compensation industrielle, et l'encouragement et l'accompagnement des PME. Le rapport recommande d'institutionnaliser le principe de la compensation industrielle en visant sa mise en oeuvre dans tous les secteurs et types de marchés qui le permettent.
Par ailleurs, en vue de doter les PME marocaines de moyens leur permettant de faire face à une concurrence accrue, il convient, en plus des actions de mise à niveau déjà identifiées, de créer des synergies, au sein du tissu productif national, sur les plans de la production et de la commercialisation. En matière de production, il faut, en particulier, assurer une meilleure intégration verticale à travers le partenariat et la contractualisation entre unités opérant dans la même filière, en vue notamment de sécuriser leur approvisionnement à des prix plus compétitifs.
Améliorer l'environnement des affaires et le climat social
S'agissant du climat des affaires, la Commission nationale de l'environnement des affaires (CNEA) a permis, depuis son institution, d'enregistrer des avancées notables et d'améliorer ainsi la position du Maroc dans les classements internationaux. Il reste néanmoins des actions à mener pour accélérer les procédures de création d'entreprises et réduire les délais de traitement des dossiers. A cet égard, l'accompagnement de proximité fourni par les Centres régionaux d'investissement (CRI) doit être amélioré, en renforçant leurs prérogatives et en assurant une meilleure coordination avec les services administratifs décentralisés. De manière générale, des actions doivent être déployées pour simplifier les procédures administratives et promouvoir le recours aux technologies de l'information, comme cela a été souligné dans le rapport du CESE sur la commande publique.
Par ailleurs, l'amélioration de la protection de la propriété intellectuelle est un impératif pour soutenir l'effort d'entreprise et d'innovation.
En vue d'instaurer un climat social favorable à la croissance et à l'emploi, il importe également de veiller à la modernisation des relations professionnelles. De grandes avancées dans ce sens pourraient être accomplies par la prise en compte et la mise en oeuvre des principales orientations citées dans l'avis produit par le CESE au sujet de « la prévention et la résolution pacifique des conflits collectifs de travail. » Parmi ces orientations, celles relatives à l'exercice du droit de grève, préconisant de « renforcer l'exercice de ce droit constitutionnel, en accord avec tous les partenaires sociaux, par une loi organique, sur la base des normes internationales et agir collectivement pour instaurer un environnement social dans lequel on a recourt à la grève qu'en dernier ressort, après épuisement , sans tergiversation, des voies de dialogue et de négociation collective » (avis du CESE au sujet de « la prévention et la résolution pacifique des conflits collectifs de travail. », p.9). Pour la consolidation de la protection sociale au profit des salariés, le CESE insiste sur la nécessité de promulguer la loi relative à l'indemnité pour perte d'emploi. S'agissant de cette dernière, il importe qu'elle s'inscrive dans une approche globale qui, tout en veillant à la viabilité de son montage financier, comprenne un volet formation professionnelle et un volet accompagnement qui vise à renforcer l'employabilité des bénéficiaires à la recherche d'un nouvel emploi.
Le Conseil considère que les accords-cadres conclus entre les partenaires sociaux initient une dynamique qu'il importe d'encourager en vue de renforcer la confiance entre les partenaires sociaux et d'instaurer de manière durable les conditions de grands contrats sociaux favorisant le développement économique et social. Ces derniers devraient viser l'instauration de la paix sociale sur la base du respect de la loi en matière de travail et de protection sociale et à travers l'effectivité des droits individuels ; ils devraient également promouvoir le dialogue social (y compris la négociation collective) comme méthode pour concilier la compétitivité de l'appareil de production et le développement du travail décent. Il s'agit, en particulier en période de crise, d'établir les conditions de reprise de l'investissement en adoptant, grâce à des mécanismes de dialogue à l'échelle sectorielle et locale, des solutions permettant d'assurer la pérennité de l'activité de l'entreprise.
Exploiter le potentiel des régions par la territorialisation des politiques publiques
L'efficacité et la convergence des politiques publiques peuvent être améliorées en adoptant une approche territorialisée pour leur conception et leur mise en oeuvre et en tirant profit d'une meilleure articulation entre l'Etat et les territoires. Les processus participatifs à adopter dans ce cadre sont de nature à faciliter l'adhésion des citoyens et leur engagement en faveur de la réussite et de la viabilité des projets menés.
Pour accompagner une telle évolution, il importe de donner aux régions une gouvernance adéquate, simplifiée et lisible. Cela permettra de structurer l'organisation territoriale et d'encourager les investissements indispensables dans les infrastructures de base, les transports, l'éducation-formation et le logement, qui favorisent le développement économique et social. A cet effet, il est impératif de rendre opérationnelles, dans des délais rapides, les dispositions constitutionnelles permettant de renforcer les prérogatives des régions. Il importe, dans ce sens, de mettre en place les réformes institutionnelles et en particulier la loi relative à l'organisation des régions et des collectivités territoriales.
Une territorialisation efficace des politiques publiques n'est possible qu'associée à un processus de déconcentration.
Ce dernier aurait pour avantage de favoriser la convergence des actions de déploiement de l'intervention publique dans les différents secteurs, à condition d'assurer l'existence de mécanismes permettant la transversalité de ces actions au niveau de l'autorité territoriale. A cet effet, les collectivités territoriales doivent être incitées à s'impliquer dans l'implémentation des différents dispositifs.
Cette orientation vers la déconcentration administrative doit être renforcée par l'instauration d'un processus de concertation avec les acteurs au niveau national et territorial, pour définir les finalités et les ressources communes en vue de faire émerger les priorités. Néanmoins, Il faut éviter les doublons entre les différents niveaux de l'administration publique et désigner des chefs de file avec des prérogatives clairement définies. Cela passe ensuite par l'exploitation rationnelle des ressources de l'ensemble des composantes du secteur public, avec le souci d'instaurer des synergies et d'éviter un alourdissement des charges de l'Etat, tout en bénéficiant d'un pilotage efficace au niveau gouvernemental.
Dans ce sens, il convient de souligner que les collectivités territoriales disposent de moyens leur permettant de renforcer l'action de l'Etat et, en particulier en matière d'investissement. Il importe, à cet effet, de mobiliser les ressources financières potentielles qui peuvent être dégagées à travers la fiscalité locale et la capacité d'emprunt de certaines collectivités ainsi que par les gains issus d'une meilleure gouvernance locale. Ces actions peuvent être appuyées par le recours élargi à la contractualisation des interventions communes de l'Etat et des régions.
Parallèlement, il faut encourager les actions visant la réduction des inégalités régionales et la mise en place de mécanismes de solidarité entre les régions.
Créer les conditions d'un développement inclusif
Les retombées de la croissance économique et des politiques de développement social sur le plan de la réduction des disparités sociales et spatiales restent en deçà des attentes, notamment en ce qui concerne les femmes et les jeunes, et en particulier ceux résidant en milieu rural. Il en résulte une reproduction sociale de la pauvreté et un élargissement des inégalités en raison de l'accès inéquitable aux services de base, et en premier lieu à l'éducation, et du fait de l'absence d'une approche globale de l'action publique en direction de ces deux catégories.
En conséquence, un changement de culture doit être opéré pour associer les jeunes et les femmes aux principaux enjeux du progrès économique et social, et rehausser leur contribution à ce processus. De manière générale, les défis internes, de même que le contexte régional et international, invitent, tout en veillant à l'effectivité des droits et de l'application de la loi et à oeuvrer pour la primauté des principes de la citoyenneté responsable et des valeurs d'ouverture.
La contribution de la jeunesse marocaine à l'élaboration des grands choix et actions déterminant les orientations des politiques publiques demeure tributaire de leur niveau de qualification et de leur sensibilisation à l'engagement en faveur de l'avenir du pays. L'atout que constitue l'existence d'une population jeune pour le développement de notre pays est minoré, en raison de l'absence d'une Approche jeunes dans l'élaboration des politiques, comme le relevait l'étude thématique du Rapport annuel 2011 du CESE. Cette situation est imputable en particulier à un système de formation et un mode d'accès au marché du travail qui entravent la contribution de la jeunesse.
En effet, l'implication des jeunes dans le processus de développement économique et de progrès social est liée, en premier lieu, à l'amélioration du rendement du système éducatif. En effet, la collectivité consacre des moyens et des efforts substantiels au secteur de l'éducation, mais les progrès réalisés restent en deçà des attentes, malgré les réformes et programmes entrepris. Ce décalage risque d'affecter la performance globale de l'économie et la cohésion sociale.
Le discours du 20 août 2012 a transmis, à cet égard, un message fort portant sur le passage à une autre logique « fondée sur la réactivité des apprenants et axée sur le renforcement de leurs compétences propres et la possibilité qui leur est donnée de déployer leur créativité et leur inventivité, d'acquérir des savoir-faire et de s'imprégner des règles du vivre-ensemble dans le respect de la liberté, de l'égalité, de la diversité et de la différence ». Ce discours a pointé les grandes problématiques du système éducatif actuel, et a mis l'accent sur la recherche de la qualité (plutôt que sur des indicateurs quantitatifs), sur l'action centrée sur l'apprenant ainsi que sur l'adéquation entre l'école et les besoins réels du marché de l'emploi.
L'amélioration de la qualité du système éducatif doit être appuyée par une action orientée vers l'exploitation du potentiel de l'action culturelle pour le rehaussement de la contribution des jeunes au processus de développement social. Dans ce sens, le rapport du CESE intitulé L'inclusion des jeunes par la culture avait mis en évidence les carences dont souffrent les différentes catégories sociales, en particulier les jeunes, dans le domaine de l'action culturelle et avait montré l'absence, dans les plans d'urbanisme, du souci d'amélioration du vécu des gens dans les quartiers et les villes. Le Conseil a jugé utile d'approfondir la réflexion autour de ce thème et a mené une recherche sur les dimensions culturelles des lieux de vie fréquentés par les jeunes, ce qui a donné lieu à un nouveau rapport portant sur les Lieux de vie et l'action culturelle.
Considérer la jeunesse comme un atout et non comme un fardeau
Au-delà, la participation active des jeunes nécessite un changement de mentalité des différents acteurs à l'égard de la jeunesse en la considérant comme un atout et non comme un fardeau. Ceci demeure conditionné par le souci de diffuser parmi les jeunes les valeurs du travail et de la responsabilité, associées au principe de la récompense de l'effort, de l'innovation et de l'entreprise. Il importe, en outre, de faciliter l'action des acteurs publics et privés en mettant à leur disposition les outils (grandes lignes stratégiques) pour une approche en matière de promotion des jeunes.
L'existence de contraintes dues aux préjugés culturels et à la non application rigoureuse des lois ne permet pas une amélioration notable de la situation de la femme marocaine. Ces contraintes réduisent la portée des avancées institutionnelles enregistrées par notre pays : code de la famille, dispositions de la Constitution.
S'agissant des violences à l'égard des femmes, un projet de loi pour lutter contre la violence à l'encontre des femmes est en cours d'élaboration. Dans le même esprit, le Conseil salue l'abrogation de l'article 475 alinéa 2 du code pénal relatif aux filles mineures victimes de viol. Il est à signaler, néanmoins, qu'un projet de loi définissant les différentes formes de violences conjugales, physiques ou morales, avait été déposé en 2010 devant le Parlement, mais qu'à ce jour, il n'a toujours pas été adopté.
Au-delà de la lutte contre les atteintes à la dignité de la femme, il importe de rehausser sa contribution au développement économique et social. Cela passe par des mesures en vue de faciliter l'accès des femmes au marché du travail et d'encourager l'entrepreneuriat féminin. Dans ce sens, il est impératif d'engager des actions visant à lutter contre les représentations culturelles discriminantes à l'égard des femmes, non seulement dans les médias et les établissements scolaires, mais également en direction des sphères économique et politique. Parallèlement, il importe d'accompagner les femmes dans le processus d'accès aux hautes fonctions, y compris les organes de gouvernance, en adoptant des mesures instaurant l'égalité des chances dans l'évolution des chemins de carrière. A court terme, l'établissement de quotas et la mise en place de programmes de formation dédiés peuvent s'avérer judicieux.
En vue de concrétiser des progrès rapides en faveur des femmes, le Rapport sur la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie économique, sociale, culturelle et politique élaboré par le CESE, appelle à procéder à la création de la Haute autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination, prévue par la Constitution, pour promouvoir l'équité et l'égalité des chances. De même, ce rapport souligne l'importance de l'adoption d'une loi-cadre définissant de manière claire les discriminations à l'égard des femmes et réprimant les atteintes à leurs droits.
Le secteur de l'économie sociale et solidaire offre un potentiel susceptible de canaliser les capacités d'entreprenariat et d'innovation des jeunes et des femmes. Néanmoins, ce secteur, composé d'entités aux statuts juridiques divers (associations, mutuelles, coopératives et fondations), souffre de l'absence d'une politique cohérente disposant de mécanismes de coordination entre les différents intervenants. Il pâtit également de l'absence d'actions de formation et de renforcement des capacités de ses ressources, en matière de gestion et de commercialisation des produits qu'il propose, ainsi que des difficultés d'accès au financement.
Dérive budgétaire et perte de souveraineté
La stabilité macroéconomique constitue une nécessité car, en l'absence de fondamentaux solides, il est difficile d'entreprendre des politiques répondant aux aspirations des citoyens. Ainsi, pour se donner les moyens de mener les politiques de développement économique et social, il est impératif de rétablir les équilibres des comptes extérieurs et des finances publiques.
Dans ce sens, le redressement de la position budgétaire revêt un caractère d'urgence. En particulier, il est impératif de mettre un terme au déficit ordinaire qui devient récurrent. Il est inconcevable de s'endetter pour financer le fonctionnement de l'Etat. Il importe à cet égard d'oeuvrer pour une prise de conscience générale des dangers d'une dérive budgétaire qui pourrait se traduire par une perte de souveraineté, voire une mise sous tutelle par les organismes créanciers, sans parler des coûts sociaux que cela peut générer, comme le montrent les récentes évolutions dans certains pays de la zone euro. Le redressement des finances de l'Etat est donc l'affaire de tous et nécessite à ce titre un engagement de la part de l'ensemble des acteurs sociaux pour assurer de manière durable une position budgétaire viable.
Le gouvernement a pris la mesure du risque que représenterait le maintien du système actuel de subvention des prix pour les finances publiques, ainsi que de son effet limité en matière de justice sociale. Il importe donc que, dans des délais courts, les pouvoirs publics, mettent en oeuvre une réforme de la compensation, fondée sur la concertation, pour permettre l'évolution du système vers un dispositif alternatif et redéployer ses ressources vers des investissements publics susceptibles de contribuer au relèvement du rythme de croissance et des programmes sociaux.
Il serait également pertinent d'exploiter le potentiel de mutualisation des ressources au sein de l'administration.
Cette approche peut être optimisée à la faveur des actions visant la convergence des politiques publiques.
De manière générale, il faut inscrire les projections annuelles du budget dans le cadre d'une démarche à moyen terme permettant de fixer une trajectoire de réduction du déficit sur la base d'une programmation pluriannuelle
crédible. Afin que les engagements puissent être tenus, il importe de procéder à une large concertation avec les différentes composantes de la société afin de s'assurer de l'équité de la répartition de l'effort de redressement des finances de l'Etat.
Affaiblissement de la soutenabilité des régimes de retraite
En vue d'assurer les conditions de réussite des réformes, il est impératif de renforcer la cohésion sociale et de favoriser un climat de stabilité, en créant un contexte favorable au passage à un nouveau régime de croissance permettant d'assurer la création d'emplois, le développement de la classe moyenne, tout en améliorant les systèmes de redistribution et de solidarité. La réforme des régimes de retraite, entamée il y a treize ans, n'a pas encore connu d'avancée majeure. A l'exception de la CIMR, la soutenabilité de tous les autres régimes continue de s'affaiblir d'année en année, sans que les mesures appropriées ne soient prises, pour atténuer les divergences qui caractérisent les régimes et remédier à l'impératif des équilibres. En particulier, il est prévu que le régime de la CMR constate son premier déficit technique au cours de l'exercice 2013.
L'absence de réforme systémique et paramétrique des régimes existants traduit la faiblesse du dispositif de gouvernance qui exige un consensus entre les parties : gouvernement, syndicats des travailleurs et patronat. A cet effet, des orientations politiques claires sur les différents éléments d'une réforme systémique doivent être définies de manière urgente pour pouvoir dépasser le statu quo actuel, lequel a pour conséquence d'amplifier l'impact financier et social des mesures à prendre. Dans ce sens, considérant la très faible part de la population active bénéficiaire d'un régime de retraite, il convient de définir rapidement les options arrêtées pour la mise en oeuvre d'un système incorporant notamment les travailleurs non-salariés.
La fiscalité doit prendre partiellement en charge le financement de la couverture sociale
S'agissant de la couverture médicale, il importe de consolider les avancées enregistrées à ce jour. En particulier, les attentes suscitées par l'annonce de la généralisation du RAMED à toutes les régions du Royaume, au bénéfice de la population en situation de pauvreté et de vulnérabilité, doivent être satisfaites par l'extension effective du dispositif en tenant compte des pistes d'amélioration identifiées lors de l'expérience pilote.
La cadence élevée d'admission au régime doit aller de pair avec le renforcement des efforts consentis visant la mise à niveau des hôpitaux publics. Ceci nécessite un soutien financier supplémentaire et indispensable pour résorber les déficits actuels et nécessite parallèlement le renforcement des compétences médicales et l'extension des capacités d'accueil de la population bénéficiaire aux prestations de soins.
Enfin, il convient de signaler qu'un chantier de cette importance ne saurait aboutir en l'absence d'une véritable capacité d'intervention de l'organe désigné pour sa gestion. A cet effet, les dispositions réglementaires relatives au financement et à la gestion du régime RAMED, qui sont confiés à l'Agence Nationale de l'Assurance Maladie, en vertu des dispositions de la loi 65-00 portant code de la couverture médicale de base, ne sont pas encore publiées.
Il importe, à cet égard, de clarifier les missions et les rôles des principaux intervenants.
S'agissant du régime de l'Assurance maladie obligatoire (AMO), une très forte attente est aujourd'hui exprimée par les populations concernées en vue d'en bénéficier.
Le CESE considère que la réforme des principaux mécanismes de régulation de l'économie et de solidarité doit s'inscrire dans le cadre d'une approche globale. Il appelle, ainsi, dans son rapport consacré au système fiscal marocain à une fiscalité qui s'articule de manière forte avec les autres axes des politiques publiques visant à répondre à l'objectif d'une meilleure justice sociale : dispositif de protection sociale, mécanisme de compensation, système de solidarité. Il considère que la politique fiscale ne peut plus être dissociée des autres volets des politiques publiques, notamment ceux concernant la solidarité, le soutien aux populations démunies et la stratégie de couverture sociale.
Dans ce sens, il recommande que la fiscalité prenne partiellement en charge le financement de la couverture sociale afin de ne pas augmenter la pression sur les salaires et les charges salariales et compromettre ainsi la compétitivité des entreprises.


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