« Al Mouslimoune Fil Barasil » (Les Musulmans au Brésil) est un ouvrage collectif constitué de condensés de recherches universitaires (huit contributions) effectuées par des chercheurs brésiliens sur la pratique de l'islam au Brésil aujourd'hui. Cet ouvrage, coordonné par Fatiha Benlabbah, directrice de l'Institut des Etudes Hispano-Lusophone et Silvia Montenergo, anthropologue, Université nationale Rosario en Argentine, est publié simultanément en trois langues, portugais langue originale, espagnol et arabe. La version arabe a été réalisée par les soins de l'Institut des Etudes Hiapano-Lusophone à Rabat, tandis que la version espagnole a été éditée par l'Université Rosario d'Argentine. Il ressort de l'ouvrage qu'avant la décennie 2000, les musulmans, en tant que communauté confessionnelle assez minoritaire au Brésil, pays-continent, bénéficiaient de peu d'intérêt par les chercheurs. Bien qu'un début d'intérêt semble poindre vers la fin de la décennie quatre-vingt-dix, tout porte à croire que le gros des études et recherches de terrain ont commencé à foisonner au cours de la décennie 2000. Il n'est pas douteux que cet intérêt brusque soit en corrélation avec le séisme mondial du 11 septembre 2001 qui a provoqué partout dans le monde un regain d'intérêt, une vive curiosité pour le texte du Coran, pour l'islam et les musulmans en général, avec suspicion surtout au début quand ces derniers sont des minorités dans des pays d'adoption, ce qui est le cas du Brésil. Ainsi la plupart des recherches contenues dans l'ouvrage sont réalisées entre 2003 et 2010 autour des communautés musulmanes et la tendance identitaire islamique au Brésil dans des mégapoles comme Rio de Janéro, Sao Paolo qui compte le plus grand nombre de mosquées et centres islamique au Brésil, Coritiba, Belo Horizonte, Floriano et Foz Do Iguaço. On parle dans ces textes de la gestion de la mosquée et de l'association caritative, Association de bienfaisance musulmane, qui la gère, des rivalités entre sunnites et chiites via les soutiens obtenus de pays musulmans notamment l'Arabie saoudite ou l'Iran, des rivalités sans heurts, car il y a plutôt coexistence et tolérance, le port du voile, la question ethnique, arabes musulmans, musulmans non arabes, musulmans de parents musulmans et musulmans convertis, l'apprentissage de la langue arabe pour pouvoir lire le texte sacré dans l'original etc. Les communautés musulmanes sont tellement peu connues avant les années 2000 que l'on pouvait avancer des informations très controversées. Par exemple en ce qui concerne les données statistiques, d'un côté on parle d'une communauté d'un peu plus de 35.167 musulmans (recensement de 2010 par l'Institut brésilien de géographie et statistiques) tandis que les sources musulmanes (les porte-paroles des institutions musulmanes en place) pouvaient prétendre qu'il s'agit de plus d'un millions dans tout le Brésil. Dans ce livre, on parle de « certaines études » qui présentent des moyennes de juste milieu entre les deux avis de sous-estimation et surestimation en citant un chiffre approximatif de 300.000 musulmans dans un pays qui compte 194 millions d'habitants (2012). Ce chiffre de 300.000 est aussi sujet à controverse, ce qui démontre surtout le manque de données fiables et la nécessité de remédier à un véritable gouffre en terme carences en données de terrain. A côté des informations sur la vie quotidiennes aujourd'hui, la dimension des origines des musulmans au Brésil ne manque pas d'intérêt. On pense qu'il faut les faire remonter à loin, d'abord une première arrivée des Morisques chassés par l'Inquisition du Portugal comme leurs coreligionnaires d'Espagne à la fin du XVIè et début du XVIIè. La deuxième époque est celle des noirs africains qu'on appellera les afro-brésiliens ramenés en esclaves par les négriers pour travailler dans les plantations jusqu'à la fin du XVIIIè. Parmi les Noirs africains, il y aurait eu une forte communauté de musulmans qui serait à l'origine des plus importantes révoltes contre l'esclavage et qui aurait disparu par assimilation sous la poussée du syncrétisme entre islam et croyances païennes du fait que cette communauté était une goutte dans l'océan parmi les autres communautés noires d'origine africaine. Autres flux migratoire, celui du XIXème siècle quand des Libanais, Syriens, Palestiniens migrent en masses successives vers l'Amérique Latine et le Brésil en particulier pour fuir le joug ottoman. Dans l'ensemble de ces migrants, les musulmans ne pouvaient pas dépasser les 15% par rapport aux autres communautés confessionnelles des mêmes pays, dont les catholiques. Ces migrations ne toucheront pas uniquement le Brésil mais d'autres pays latino-américain. D'autres migrations des mêmes pays ont lieu au XXème siècle. Le Brésil est un pays aux immenses métissages, brassages de populations de cultures diverses ce qui se traduit par ses traditions de musiques, carnaval, samba, le sport mais aussi sa littérature, dont Jorge Amado romancier prolifique auteur de « Les chemins de la faim » et « La découverte de l'Amérique par les Turcs », entre autres, révèle la richesse époustouflante des métissages. Les études de l'ouvrage « Les Musulmans au Brésil » se révèlent donc des approches anthropologiques et sociologiques réalisées au cours de la dernière décennie sur les communautés musulmanes au Brésil à partir d'entretiens avec les descendants des musulmans, ainsi que les nouveaux convertis hommes et femmes, ainsi que les dirigeants religieux des institutions musulmanes et aussi lectures et analyses des ouvrages produits par ces institutions, description des cérémonies de fêtes religieuses, les croyances et les programmes d'éducation. On apprend par ailleurs que le livre est le premier d'une collection qui ambitionne de développer des travaux de recherche sur l'islam en Amérique Latine, pas seulement au Brésil, mais aussi dans d'autres pays. « Al Mouslimoun fil Barasil », ouvrage collectif traduit en arabe à partir du texte original en portugais, éditions Institut des Etudes Hispano-Lusophones, Rabat.