Cela parle de femmes, principalement même si des comparses hommes apparaissent par ci et par là, malgré le fait que ces figures masculines n'apparaissent pas toujours, dans les seize nouvelles que nous donne à lire Khadija Menebhi, sous leur meilleur jour. On est même tenté, après la lecture de la dernière page, de considérer qu'on a été sollicité par une œuvre féministe, dont l'auteur est une militante connue, qui lutte contre la condition lamentable faite aux femmes – la gente féminine, relève-t-on en deux ou trois occurrences – dans notre pays le Maroc après un demi-siècle d'indépendance recouvrée. Le deuxième livre de Khadija Menebhi édité dernièrement, en 2013, s'intitule explicite et sobre « Récits de femmes » et ainsi veut tout simplement raconter les femmes, leur quotidien ainsi que leurs affres. Les femmes ici portent toutes ou presque toutes, des noms à consonance nationale marocaine avec une connotation toujours franchement et allusivement antinomique. Les Ahlam, Nidale, Haféda, Fdéla, Houria, Oum Al Ghayt, Hnya, Hanane, Rhimou qui portent ces prénoms de visibles dérisions sont pour la plupart des jeunes femmes qui se battent contre les aléas d'une vie dure et injuste. Elles sont la plupart du temps vaincues par elles malgré courage, détermination et persévérance. Pourtant, devant ce mur inexorable, toutes ne baissent jamais les bras et ne font jamais contre mauvaise fortune bon cœur. Elles sont toutes des combattantes en quelque sorte, même si elles ne peuvent se targuer du label de « battantes » au strict sens du terme. De différentes natures, immergées dans une société sournoisement cruelle, elles ne veulent pas se résoudre à accepter le sort qui leur serait imparti, comme par fatalité économique ou déterminisme sociologique ou même pire par legs historique. Mais que de défaites au bout du compte que l'on peut imputer, pèle mêle, à l'ignorance largement répandue, aux préjugés tenaces et divers, aux disparités sociétales graves, aux iniquités hideusement banales ainsi qu'à beaucoup d'autres abus immérités, illégitimes et infondés. De toutes ces nouvelles, qui sont autant de narrations qui rendent compte de beaucoup trop d'indus générés par les communs et tragiques aléas comme des destinées charriées par la vie de la grande majorité des Marocaines. Je tiens à observer que lorsque, mais rarement, Khadija Menebhi s'aventure à donner des titres masculins à l'une ou l'autre de ses nouvelles, c'est en fait de la gente féminine qu'il s'agit toujours. Que ce soit dans celle qui relate par exemple l'histoire du cas de celle qui est la plus importante du recueil, rappelant l'assassinat collectif du « caïd des Aït-Ma », grand prédateur érotomane ou de l'avaricieux appelé « l'Oriental ». Deux fois aussi pour parler de la prostitution imposée ou de ce qu'est la sujétion à la loi sexiste lorsque la postérité se trouverait dépourvue de mâle ou enfin de la répudiation pure et simple. Ces « récits de femmes » sont la série de portraits qui peint le calvaire de celles-ci, souvent qui jalonne le destin douloureux de nos « sœurs » en marocanité. Elles veulent toujours donner à réfléchir sous forme de paraboles, d'apologues, des fables ou d'allégories. Elles sont toutes apparentées avec un prolongement tacite de la première œuvre, sur un tout autre registre néanmoins, de Khadija Menebhi, ses « morceaux choisis du livre de l'oppression » (2001), dont nous gardons un souvenir ému. N'avait-il pas été également et fortement un jalon volontaire sur le chemin des douleurs et des angoisses que l'on voudrait d'un autre âge. En fait, ce sont les petites et banales oppressions auxquelles il ne faut pas s'habituer, en les acceptant lâchement. Mais il n'y a pas lieu ni ici ni ailleurs, à comparer oiseusement les différents types d'ordalies. Khadija Menebhi – Récits de femmes – 50DH mahkiyate nisaïya Editions Attaouhidi - Rabat