82 jours de sit-in devant l'administration du Groupe OCP, site Khouribga, 29 jeunes arrêtés et présentés au parquet, 240 jours d'instruction, 9 audiences, 28 témoins à décharge dont 5 agents des forces de l'ordre, 20 détenus observèrent une grève de la faim suspendue à son 11ème jour grâce à la médiation du bâtonnier du barreau de Khouribga en personne, 373 jours de détention préventive et le tout sur fond d'interminables scènes d'affliction et d'amertume vécues par les parents des jeunes qui, pour revendiquer le droit au travail, se sont trouvés dans un espace carcéral dont ils n'avaient jamais rêvé. Les faits remontent au 5 juin 2012 suite à un sit-in devant l'administration OCP, organisé par des fils de retraités qui revendiquaient le droit à l'embauche, sit-in qui tourna à un affrontement avec les forces de l'ordre, suite auquel 29 manifestants furent arrêtés et présentés au parquet. Le procureur général décida la poursuite des accusés pour constitution de bande criminelle, incendies et destruction de biens publics etc... Et on assista à un scénario de regrettables et cruels reports que les avocats de la défense avaient jugés souvent infondés et qui persistèrent jusqu'au 13 juin 2013 ! Ainsi, cette dernière audience qui dura plus de 8 heures fut consacrée à l'audition des témoins et aux plaidoiries de la défense. Et à l'unanimité, aussi bien à travers les plaidoiries des avocats de la défense que celle de l'avocate du Groupe OCP partie civile, qu'à travers le réquisitoire du procureur du Roi, on notifia que ces jeunes accusés n'étaient pas les vrais coupables et qu'ils étaient victimes de rouages jugés occultes. L'avocate du Groupe OCP, après avoir relevé plusieurs contradictions entre les PV de police et les déclarations des témoins devant la cour, interpella l'état d'âme des juges et précisa que le Groupe OCP n'avait pas déposé de plainte. L'OCP, dut-elle rajouter, est une entreprise citoyenne dont l'entité même rejette toutes manœuvres politiciennes ou populistes qui tentent de noircir sa réputation. L'avocate de la partie civile demanda donc un dédommagement d'un dirham symbolique. Le procureur du Roi déclara que ce procès fut déclenché dans des circonstances exceptionnelles, a mis en cause des personnes exceptionnelles et on n'a toujours pas trouvé le meneur virtuel. Pourquoi donc cette intense violence à Khouribga ? Le droit au travail n'est pas un droit absolu et l'idée des fils de retraités ou de « ouled lebled » est devenue anachronique, dut-il préciser. Le procureur général requit donc l'inculpation des accusés sur fond d'une dialectique entre devoir et vérité. La défense des accusés prit donc la parole pour remettre en cause toutes les péripéties de ce procès que maitre Talabi, bâtonnier du barreau de Khouribga, après avoir salué la probité et la rectitude dont fit preuve l'avocate du Groupe OCP, a rappelé les circonstances des faits et a rejeté en bloc les éléments de poursuite et les contenus des PV de la police où la défense a relevé des contradictions flagrantes. Et si citoyenneté du Groupe OCP existe, le citoyen doit la sentir, dut-il préciser pour appeler enfin à la sagesse et à la clémence de la Cour pour ces jeunes victimes même de leur destin. Et à l'instar du bâtonnier, une pléiade d'avocats de la défense prit la parole pour rejeter à son tour et en bloc tous les procès-verbaux, formes et fonds, dans lesquels on releva beaucoup de lacunes et de contradictions après leur confrontation avec les déclarations des témoins devant la Cour. Ainsi, après des délibérations qui durèrent jusqu'à 6 heures du matin, le verdict tomba, lourd certes, mais les parents et surtout les mères, qui passèrent la nuit derrière les murs du tribunal, acceptèrent cette fatalité puisqu'elle apporte quand même la délivrance : les peines de prison varièrent entre deux ans et un an et demi avec 1 an et 6 mois fermes et le reste en sursis. Tous les accusés ayant passé plus d'une année en détention préventive furent libérés et devant le complexe pénitencier, c'était des scènes de joie doublées certes d'amertume, mais les mères purent enfin serrer dans leurs bras leurs enfants qu'ils perdirent de vue depuis un 5 juin 2012 alors qu'ils étaient sortis pour leur sit-in, un sit-in qui tourna au drame, un drame qui dura exactement 373 jours... ! ELAZHAR